Le dernier film de Maurice Barthélémy, comme son nom l’indique, parle d’un Papa. P comme Profond, P comme Puissant, P comme Papa. Et un A majuscule pour un film magnifique sur la filiation et l’amour, doté d’un Alain Chabat éblouissant.

Papa
France, 2005 (Année de production : 2004)
Réalisateur : Maurice Barthélémy
Acteurs : Alain Chabat, Martin Combes
Compositeur : Philippe Morino
Durée : 1h20 min, Genre : comédie dramatique, Date de sortie : 1er juin 2005
Site : Lien vers le site officiel     

L’histoire
Un père et son fils roulent en voiture. Sur cette route qui les mène probablement chez eux, ils s’énervent, s’aiment, et se fâchent… pour finalement se retrouver…
La critique

Un film scotchant, fracassant et déroutant…
Qui aurait pu croire le fantasque réalisateur de Casablanca Driver capable d’accoucher d’un film aussi réussi, aussi difficile, aussi émouvant ? Certainement pas moi… pour avoir vu son précédent long-métrage, un film burlesque racontant l’histoire d’un étrange imbécile fanatique de boxe, je n’aurais pas parié un clopek sur Maurice Barthélémy. Vous non plus ? Vous avez tort et moi aussi. Papa, sa dernière œuvre, fait probablement partie de ce qui est arrivé de mieux au cinéma français ces dernières années. On y retrouve Alain Chabat conduisant sur les routes de France dans une direction indéterminée… Pourquoi ? On ne le sait pas réellement et on ne le saura pas vraiment. Tout le déroulement de Papa, en avançant vers une localisation géographique inconnue, ne paraît qu’être le témoin de cette fuite de la douleur. Un peu comme si cette balade en voiture servait à fuir un passé, une douleur, un secret dont tous cherchent à se débarrasser, mais qui vous rattrapera quoi qu’il advienne.

A réalisation intimiste, acteurs à fleur de peau…
Avec beaucoup de subtilité Maurice Barthélémy filme ses acteurs, on dirait même qu’aucune équipe technique n’est jamais présente, tellement l’atmosphère est intimiste et feutrée. On se sent presque gêné face à cette chronique de la vie d’un père et de son fils… on a l’impression d’être en trop, d’où une envie de quitter la salle pour ne point les déranger. Le moindre geste, le moindre dialogue est à sa manière touchant ou vibrant, que ce soit l’humour délirant du père ou la réactivité étonnante de son fils. Mais leur bonne humeur cache en fait une terrible douleur que Maurice Barthélémy décide de ne quasiment jamais dévoiler, si ce n’est à demi-mot, respectant ainsi l’atmosphère si intime de son film. Cette douleur se déclarera toutefois pendant la nuit, au moment où toutes les défenses se lâchent et où on ne peut plus se protéger de ses démons. Cette souffrance est parfaitement bien servie par la bande originale (Philippe Morino), toujours utilisée de façon plus que judicieuse, alternant musique mélodieuse mélancolique et passages rock, juste défouloir exorcisant pour les protagonistes du film.


De la même manière que Papa est un film traitant de la douleur et du deuil, il traite magnifiquement de l’amour filial et des relations père-fils. Alain Chabat et Martin Combes y sont parfaits, pendant que l’ancien Nul signe sans conteste sa meilleure composition, une interprétation exemplaire d’un père luttant contre sa propre souffrance tout en tentant de sauver son fils de celle qui le guette. Les séquences pleines d’amour et d’incompréhension sont légion et font toujours mouche sans jamais tomber dans la lourdeur ou les clichés. Plus d’une fois, on rit ouvertement, et plus d’une fois, on ne peut que sourire tristement…

Les dernières minutes témoignent d’un Papa fort et indestructible se fissurant sous la douleur et surtout sous l’amour de son fils. Dans ces instants, Alain Chabat est d’une transparence sans égal, laissant éclater toute sa souffrance et sa tristesse devant son fier petit garçon. Ces magnifiques instants sont tellement forts qu’on en vient à désirer que le film s’achève, car on sent bien qu’aucun effort ou miracle scénaristique ne pourrait égaler les moments qui viennent de s’écouler.
Soudain, la voiture s’arrête, la caméra s’élève pour fixer le ciel et pour laisser s’amorcer le début du générique final. Et c’est très  bien comme ça…
 
Le score presque objectif : 9/10, je préfère passer outre les rubriques habituelles de nos critiques pour ne vous dire qu’une chose : ne ratez pas ce film magnifique.
 
Arnaud Weil-Lancry