Mathieu habite Paris, Alice vit dans une petite cité balnéaire dans l’ouest de la France. Il caresse la cinquantaine, c’est un acteur connu. Elle a dépassé la quarantaine, elle est professeure de piano. Ils se sont aimés il y a une quinzaine d’années. Puis séparés. Depuis, le temps est passé, chacun a suivi sa route et les plaies se sont refermées peu à peu. Quand Mathieu vient diluer sa mélancolie dans les bains à remous d’une thalasso, il retrouve Alice par hasard.
Nouvel opus d’un cycle qui avait commencé avec « La Loi du Marché » (2015), « Une Vie » (2016), puis « En Guerre » en 2018, jusqu’à « Un Autre Monde » (2021), « Hors Saison » de Stéphane Brizé continue de dessiner des personnages, touchés par une désillusion. Ici, Mathieu est un acteur qui s’offre une parenthèse à la fois temporelle et spirituelle après un projet auquel il a lui-même mit fin, par peur, par angoisse de ne pas être à la hauteur. Il va alors trainer sa mélancolie et sa tristesse dans les couloirs d’un institut de Thalassothérapie. Seulement, cette fois-ci, le personnage principal ne va pas simplement trainer son mal être au fil des rencontres, il va croiser la route d’Alice, un amour passé, que la désillusion de la rupture a brisé. Et les deux âmes, en peine, de se retrouver, de se parler et pourquoi pas de se rapprocher à nouveau.
Sur un scénario qu’il a signé avec Marie Drucker (Un Autre Monde), Stéphane Brizé ciselle son propos et oppose deux mondes dans un espace-temps suspendu dans les couloirs de la Thalasso ou sur le sable d’une plage de l’Ouest de la France. Avec un savoir-faire évident les deux auteurs jouent les cartes du miroir, du Ying et Yang avec une certaine aisance pour que les deux personnages ne soient jamais totalement inédits dans leur désillusion. Mathieu est en plein doute, mais Alice vient lui rappeler la particularité de sa vie, et mettre en opposition la sienne, où elle a eu besoin de se reconstruire avec l’aide de son mari et de médicament. Un exemple qui vient totalement illustrer le propos du duo de scénaristes qui veut avant tout ne pas se focaliser sur Mathieu, ne pas non plus, trop s’appesantir sur son mal-être, mais le mettre en contradiction, face à une Alice, simple douce, mais rongée par la tristesse de cette rupture d’il y a quinze ans, qu’elle n’a pas compris.
Et la mise en scène de Stéphane Brizé va d’ailleurs dans ce sens, en se concentrant d’abord sur Mathieu, mais en faisant du duo, le cœur de son propos, au point de rendre l’ombre d’Alice, toujours présente même lorsqu’elle n’est pas à l’écran. Le reste du monde n’est qu’accessoire, comme une pensée lointaine, dans ce monde que l’éclairage rend presque irréel. Une lumière très blanche presque saturée que l’on a l’habitude de voir utilisée pour illustrer le songe, le rêve ou la rêverie spirituelle. De cette manière, Stéphane Brizé accentue cette sensation d’isolement de son personnage, dans une bulle où il doit diluer sa mélancolie ans les eaux de la Thalasso.
Guillaume Canet, qui a déjà joué cette sorte de parallèle entre la réalité et la fiction dans son propre film « Rock’n Roll » en 2017, reste ici sur le fil du rasoir et, comme à son habitude, s’amuse des montagnes russes entre les différences palettes d’émotions que nécessite son personnage. Face à lui l’actrice Alba Rohrwacher (Les Fantômes d’Ismaël) reste, quant à elle, dans l’émotion pure, avec une composition toute en douceur, en souffrance contenue et surtout offre l’une des plus belles partitions, de personnage perdu dans un flot de sentiment, depuis un certain temps.