A la fin des années 50, le succés phénoménal du Rock’n roll, agite l’univers du music-hall, tandis que les numéros traditionnels sont jugés démodés. Notre héros, l’illusionniste est alors contraint de quitter les grandes salles parisiennes et part avec colombes et lapins tenter sa chance à Londres. Mais la situation est la même, il se résigne alors à se produire dans des petits théâtres, des garden-parties, des cafés, puis dans un village d’Ecosse, où il rencontre Alice, une jeune fille qui va changer sa vie à jamais.
Après « Les triplettes de Belleville », le réalisateur Sylvain Chomet vient donc confirmer son talent de conteur d’histoire. Il impose un style propre, avec une animation soignée et un scénario qui, contre toute attente, est signé du grand Jacques Tati (Les vacances de Mr Hulot). Et pour être à la hauteur d’un tel auteur, il fallait comprendre son style, se l'approprier, communier avec son regard sur la société et mettre l’animation au service de son auteur. Et en cela Sylvain Chomet se révèle la personne idéale.
Car le réalisateur soigne sa narration et son animation illumine le scénario de Tati. Très loin de la superproduction pompeusement surchargée à l’américaine et loin de l’animation européenne très enclin à se regarder le nombril, « L’illusioniste » entraine le spectateur dans les aventures de son héros avec une poésie assumée et un goût certain pour la perfection. Jacques Tati avait un regard tendre et nostalgique sur cette société en pleine mutation dans laquelle il évoluait et son scénario est une véritable richesse pour un réalisateur de talent qui souhaite rendre un hommage appuyé à ce réalisateur hors du commun.
Le mime de son personnage prend tout son sens dans une animation qui privilégies les ambiances, les attitudes et les expressions de ses héros plutôt que le superflus d’une technique. Comme un pied de nez à toute cette course technologique mercantile, qui force le spectateur à ressembler à une sorte d’alien béa devant un film pas toujours prévu au départ pour cette évolution imposée, « L’illusionniste » sent bon le vieux parquet, les rideaux rouges poussiéreux, les anciens cinémas de quartier. Avec une finesse de ton et une infini tendresse dans son animation, le film d’animation trouve ici une nouvelle vie de nostalgie assumée, tout en donnant un regard sur l’avenir et le besoin impérial de toujours laisser une place à la simplicité dans un monde qui ne cesse de courrir derrière une technique plus pressante et plus interressante financièrement.
« l’Illusionniste » entraine le spectateur au cœur d’une valse poétique et chaleureuse de nostalgie. Le cinéma de Jacques Tati prend tout son sens dans la réalisation de Sylvain Chomet et le réalisateur lui donne une nouvelle jeunesse assumant des choix narratifs pas forcément des plus commerciaux. Un véritable petit bijoux à ranger à côté de l’œuvre visuelle de Michel Ancelot (Azur et Azmar).