Eve

Eve Harrington reçoit, des mains d’un vieil acteur, le prix Sarah Siddons. L’entourage de celle-ci se souvient de son ascension.

Le microcosme Hollywoodien n’est jamais aussi bon que lorsqu’il se regarde et s’autocritique. Lorsqu’en plus cette réflexion est dirigée par l’un des plus grands réalisateurs de son époque dorée, Joseph L. Mankiewicz qui ne fut autre que l’homme qui sauva la Fox en évitant le naufrage de « Cléopâtre », notre regard se fait plus attentif. A cet époque le réalisateur débute et « Eve » est sa troisième réalisation, elle est aussi celle qui le consacre aux yeux du monde entier pour le scénario, autant que pour la réalisation déjà rigoureuse avec ses plans soignés, sa mise en scène à la fois lyrique et volontairement avant-gardiste. « Eve » d’ailleurs symbolise le style de Mankiewicz avec ses monologues parfois envahissants qui mettent en avant la dramaturgie des actrices, les dialogues qui piquent aux vifs les duos et ce regard parfois cynique de l’univers d’apparence qui l’entoure. Le scénariste impose des répliques percutantes et cultes : « Les actrices ne meurent jamais », et parvient à dépeindre sans discourtoisie mais avec fermeté les dualités qui ne cessent d’envenimer le quotidien de ses personnages.
 
En cela le choix des acteurs est toujours déterminant dans la carrière du réalisateur, et ici le choix de Bette Davis (Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?) pour interpréter la star Margot Channing s’avère payant dès les premières secondes, car l’actrice impose son regard enflammé, cette force incroyable qui la rendit si captivante. Le réalisateur trouve en Bette Davis l’incarnation parfaite de son personnage, et sa caméra se love dans les courbes de la star. La comédienne est rayonnante et se démarque immédiatement des autres comédiennes et même Marilyn Monroe (Le Milliardaire) ne parvient pas à s’imposer face à la rayonnance de l’actrice principale. Alors que l’habitude veut qu’une actrice accorde son jeu avec un regard vide plongée dans le néant d’un espace, Bette Davis met de la vie dans ses yeux, et joue du cynisme comme nulle autre actrice auparavant.

Et le scénario de Joseph L. Mankiewicz fait aussi preuve d’une audace incroyable, dans laquelle les personnages ne cessent de comploter pour obtenir un rôle ou garder une brillance dans son étoile. Le réalisateur ne fait aucune concession sur la nature des gens qu’il côtoie et son scénario s’amuse à égratigner les acteurs et tous ces gens qui montent ou démontent des carrières. Il montre avec parfois beaucoup de froideur ce qui se cache derrière la brillance d’un prix, ces souffrances, ces humiliations sans jamais sombrer dans la caricature.

En conclusion, « Eve » fut récompensé par 5 oscars dont celui de la meilleure réalisation et celui du meilleur scénario pour le réalisateur Joseph L. Mankiewicz qui trouva ainsi la consécration et imposa un style résolument avant-gardiste, avec un goût pour les monologues et le jeu fascinant des actrices de l’époque. Un véritable chef d’œuvre !

Une image soignée avec des contrastes particulièrement bien tenus. Une qualité qui met, malheureusement les petits problèmes de focales en avant avec des flous visibles. Le support est d’une grande efficacité pour donner un véritable volume aux ambiances, et tout son sens à la remasterisation du film.

Une piste 5.1 DTS, qui ne masque pas ses limites, notamment sur le master d’origine et ses résonnances aigues qui peuvent rapidement agresser l’oreille principalement dans les disputes. Le crachotement de certains dialogues peut vite devenir pesant. Pourtant le travail de restauration est louable mais parait insuffisant.