Synopsis
Bob est une star du cinéma américain. Bob est venu au Japon pour tourner une publicité pour un whisky. Bob ne dort pas. Il se sent perdu. Charlotte vient d’avoir son diplôme mais ne sait pas encore quoi en faire. Charlotte est au Japon pour accompagner son mari photographe, mais qui est absent toute la journée. Charlotte ne dort pas. Elle se sent perdue. Perdus, ces deux-là vont se trouver, et transformer deux ennuis en moments de bonheur.
Critique Subjective de Sébastien Keromen
S'il n'était pas parfait, Virgin suicides avait de grandes qualités, et on attendait avec impatience le nouveau film de Sofia Coppola. Celui-ci arrive enfin, auréolé d'échos dithyrambiques d'outre-atlantique et d'ailleurs. Et on ne nous a pas trompés : Lost in translation est un petit bijou.
Pourtant, le film part sur des bases un peu limitées : un quinquagénaire et une jeune fille perdus dans Tokyo se trouvent et lient des liens pour quelques jours, et chacun, c'est-à-dire elle, lui, et le spectateur, sait parfaitement que l'histoire tournera court. A partir de cette histoire anémique, Sofia Coppola développe un film d'une sensibilité et d'une tendresse extrêmes. Habituellement, je suis assez réticent aux films qui finissent quasiment dans la même situation que leur début, j'ai l'impression de perdre un peu mon temps. Lost in translation présente cette absence de progression entre le début et la fin, mais le voyage vaut vraiment le coup d'être fait.
Ce voyage est d'abord hautement dépaysant, puisque au Japon. Pour ceux qui ne connaissent pas, c'est l'occasion d'une immersion (un peu violente) dans la culture japonaise et les goûts des nippons, qui cumulent les trois " ex- " : excès, exubérance, exagération. Bon, c'était un peu facile d'opposer le calme tranquille et un poil blasé des deux héros avec le tourbillon frénétique du Japon, mais ce dernier est représenté de façon assez juste, sans caricature, et permet donc de se faire une idée par soi-même, indépendamment du regard des deux protagonistes. Le film vous laisse donc une chance d'apprécier par vous-même la culture japonaise (sauf leur télé, là je pense que c'est impossible), d'autant que le film présente aussi certains de ses aspects " calmes ", comme temples et jardins zen. Et même si les deux héros passent leur temps à être " agressés " par cette culture, on devine un regard tendre de Sofia Coppola sur le Japon (sinon, pourquoi y aurait-elle fait tout son film ?), et on profite à la fois du côté dépaysant et du côté amusant de la réaction des héros.
Car le film est aussi très drôle. On ne se lasse pas des scènes où divers réalisateurs ou photographes sortent des discours complets en japonais au pauvre Bill Murray qui n'y entrave rien. Ce dernier, servi par des très bons dialogues, nous joue avec talent son rôle habituel de cynique désabusé. En face, Scarlett Johansson joue parfaitement la jeune fille à la fois fragile et sûre d'elle. Le jeu des deux acteurs est bien pour moitié dans le plaisir qu'on prend à regarder ce film. Les quelques seconds rôles, outre une pléiade de japonais parlant plus ou moins (ou pas du tout) bien anglais, notamment Giovanni Ribisi en mari photographe sympathique mais un peu speedé et pris dans le milieu, et Anna Faris en starlette qui veut tellement être dans le vent qu'elle utilise n'importe quel mot japonais (arigatoo, ça veut dire merci, pas au revoir...) apportent aussi leur pierre à ce beau film.
Mais pourquoi est-ce un beau film ? Parce que Sofia Coppola utilise l'approche " impressionniste " pour raconter son histoire, c'est-à-dire par petites scènes qui ont rarement un début et une fin, qui racontent juste un mot, une action, une anecdote. D'ailleurs, chapeau d'avoir trouvé tant de scènes à raconter, parce qu'à force de les faire courtes, il en faut pour remplir un film !
Toutes ces scènes sont parfaitement montées, mises en musique, nous entraînent soit avec Charlotte pour un voyage poétique, soit avec Bob pour un voyage désopilant, soit avec les deux pour un voyage tendre. Leur relation fait également partie des grandes réussites du film, grâce à la fois à l'écriture des personnages et à leur interprétation. Leurs rapports sont à la fois tendres et presque sensuels, tout en restant tout à fait corrects et pudiques. Ce n'était pas évident de les dépeindre, on pouvait tomber dans des tas d'excès, mais Sofia Coppola a réussi à se maintenir sur la fine ligne du vrai pour ces deux personnages.
Au final, la réussite principale de ce film est de toucher le spectateur, de l'impliquer dans l'histoire, aux côtés des personnages, de lui faire visiter le Japon avec ses merveilles et ses goûts, hum, spéciaux. Tour à tour très drôle, poétique, émouvant, bruyant, calme, touchant, dépaysant, le film nous abreuve d'images et de sons, de dialogues en anglais et en japonais, de gags et d'émotion.
Même si le sujet reste très léger et manque peut-être un peu d'ampleur, le film est un petit bijou, charmant et attachant. Pas évident d'intéresser le spectateur à deux paumés dans une ville de fous, et pourtant le défi est relevé haut la main. On attend déjà avec encore plus d'impatience le prochain film de Sofia Coppola.
Un dernier mot
A voir : sans faute
Le score presque objectif : 8,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, ne le manquez pas