L’adaptation du chef d’œuvre de Victor Hugo par Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg.
Dans la littérature française, il n’y pas d’œuvre plus grandiose que « Les misérables » de Victor Hugo, tant par la description massive et minutieuse de l’environnement des personnages, que de l’humanité qui se dégage inlassablement des plans de l’histoire. Le génie d’Hugo transpire à chaque ligne, l’émotion atteint son paroxysme autour du personnage de Cosette et de la dualité de Jean Valjean qui ne cesse de se cacher de l’entêtement de Javert. Au-delà d’une œuvre sombre et sans aucune concession d’une société dont l’auteur se veut un miroir, Victor Hugo nous donne une grande leçon d’espoir, d’honnêteté et de rédemption. Emouvante jusqu’au bout des mots, cruelle jusqu’à la sincérité d’une époque où même les plus riches savaient être misérables dans leurs dédains d’une population qui criait sa fin, l’histoire des « Misérables » n’a jamais sonné aussi juste à l’oreille que maintenant.
Il fallut tout le génie musical et émotif du duo Claude-Michel Schönberg et Alain Boublil qui virent en l’œuvre de Victor Hugo toute la matière nécessaire, pour entrainer le public au cœur de la tragédie et lui donner tout le volume qu’il mérite. Une qualité qui tire les larmes à chaque chanson : de Jean Valjean avec "Bring him home" à celle de Cosette "Castle on a cloud", de Fantine avec "I dreamed a dream " à Javert avec "Stars", tout est juste, méticuleux, les compositeurs ont su comprendre l’œuvre d’Hugo, s’inspirer de l’époque et de la détresse des personnages pour nous offrir un spectacle où l’émotion nous transporte à fleur de peau, au point de nous en faire couler les larmes d’une émotion pure.
Mais tout cela ne peut fonctionner que par la grâce d’une interprétation convaincue et inspirée. Et de ce côté-là on frise la perfection, techniquement Léa Salonga l’interprète de Fantine se donne à corps perdue, Alfie Boe est un Jean Valjean saississant dont chaque intervention est saluée par un tonnerre d’applaudissements. La surprise vient surtout de Nick Jonas, qui ne parvient pas à se détendre, et même s’il amène une certaine fraicheur dans le rôle de Marius, parait tout de même tétanisé, et finit par se réfugier dans la lecture du prompteur. Dommage car le chanteur s’en sort plutôt bien vocalement parlant, mais son stress masque un peu toute la qualité. Impossible, tout de même de ne pas parler de l’incroyable qualité de l’interprétation en générale, que ce soient les rôles principaux (Thénardier y compris) que l’ensemble du cœur et de l’orchestre qui offrent des envolées lyriques tout bonnement saisissantes.
Pourtant, il y a une certaine faiblesse dans ce spectacle, justement parce que ce n’est pas le spectacle, mais un concert anniversaire. En effet le producteur a eut l’idée de réunir l’ensemble des troupes jouant le spectacle à Londres (avec une surprise de taille pour le final), mais les chanteurs, habitués par habitude à une mise en scène rigoureuse, se retrouvent à chanter sans beaucoup de nuances physiques, les chansons du spectacle. Du coup, l’ensemble peut frustrer le spectateur qui espérait y voir la mise en scène et le spectacle tel que l’on peut le voir en temps normal. Ici les chanteurs hésitent entre récital et hommage. Et même si le lyrisme de l’histoire suffit à lui-même, cette froideur peut être un peu pénalisante.
Une image soignée à la hauteur de l‘évènement. Les contrastes sont de très bonne tenues et donnent une réelle profondeur à l’ensemble. Les couleurs, quand à elles gardent une véritable identité, servant à merveille les besoins de la réalisation. Une bonne manière de profiter pleinement du spectacle.