Cinq ouvriers chômeurs parisiens, Jean, Charles, Raymond, Jacques et Mario, un étranger menacé d'expulsion, gagnent le gros lot de la loterie nationale. Jean a l'idée de placer cet argent en commun, dans l'achat d'un vieux lavoir de banlieue en ruine, qu'ils transformeront en riante guinguette dont ils seront les copropriétaires. Ils s'attellent à la besogne avec confiance. Mais la solidarité du groupe est fragile... Le destin s'acharne sur eux. Bientôt, il ne reste plus de la joyeuse équipe que Charles et Jean qui sont amoureux de la même femme, Gina….
Avec « La Belle Equipe », Julien Duvivier signe une peinture sociale fine et peut-être pessimiste de la société dans laquelle il évolue à travers le destin de ce groupe de copains, un brin idéalistes et sans le sous, qui gagnent une grosse somme à la loterie et se lancent dans un projet que le destin aura vite fait de mettre en danger. Le scénario, signé Charles Spaak, intéressa dans un premier temps, Jean Renoir qui était en pleine préparation de « la grande Illusion ». Ce dernier essaya même d’échanger son projet avec celui de Duvivier, mais le réalisateur ne se voyait pas mettre en scène un film autour d’un soldat et garda ainsi son histoire de copains.
Avec une mise en scène soignée, qui n’hésite pas à planter la caméra à Chennevières pour les scènes en bord de Marne ou dans les studios de Joinville, le réalisateur signe un film effectivement plutôt pessimiste, même si le front populaire viendra ensuite redonner du baume au cœur des ouvriers français, ce film dont l’écriture et la réalisation fut antérieure, dépeint une société où le chômage des jeunes est important et où les rêves et les espoirs peuvent tourner au drame en quelques secondes. Un pessimisme qui valut une bataille rangée entre le réalisateur et le studio, après l’échec public lors de la sortie du film qui trouvait la fin bien pessimiste. Le réalisateur fut contraint de tourner une fin plus optimiste qui fut présentée aux exploitants de salles puis à un panel du public, qui la préféra à la fin originale. Duvivier fou de rage, refusa d’en admettre la pérennité et même ses ayant droits participèrent à la bataille. En nous proposant le film dans sa version originale, Pathé donne raison au réalisateur puisque sa conclusion reste la plus cohérente, dans cette peinture sombre et pessimiste d’une jeunesse d’avant-guerre, qui ne sait pas encore vers quoi elle se dirige.
Du coup le choc vient également du côté de la distribution, avec un Jean Gabin (La traversée de Paris), qui créé son personnage qui passera des années à peaufiner avec un regard dur, une brutalité contenue et un charisme qui prend tout l’écran. L’acteur se laisse guider par le réalisateur qui le fait sortir parfois de ces chemins habituels pour y donner une prestation toute en nuance, particulièrement dans les scènes finales. C’est aussi Charles Vanel (le salaire de la peur) qui signe une prestation minutieuse dans laquelle son personnage oscille entre naïveté, et douceur tout en cachant une blessure évidente qui peut se révéler désastreuse pour le groupe. Bien sûr c’est Vivianne Romance (Mélodie en sous-sol) qui tirera le plus profit de sa prestation dans « la Belle Equipe » puisque ce dernier lui ouvrira une carrière de femme dangereuse et fatale. Un rôle qu’elle chipa notamment à Marlène Dietrich, d’abord pressentie.
En conclusion, « La Belle Equipe » est une peinture pessimiste des années 30, qui marqua les esprits par une bataille autour d’une fin jugée trop pessimiste par les uns et une autre fin jugée trop optimiste par le réalisateur. « La Belle Equipe », l’un des films de référence pour cette génération de réalisateur et d’acteurs qui durent beaucoup à Julien Duvivier. Le titre du film est redevenu tristement célèbres ces derniers mois, puisqu’un bar parisien dont l’enseigne faisait une référence directe au film de Julien Duvivier fut l’une des cibles des attentats du 13 Novembre 2015.