Lambert, le regard fatigué et l'oeil rougi par l'alcool, traîne sa solitude dans un garage parisien. Il est pompiste de nuit. Bensoussan, jeune dealer, fuit la police et se réfugie dans la station. Ils deviennent amis. Un jour, Bensoussan est assassiné...
Il y a des films qui marquent une génération, d’autres qui les traversent par un scénario solide, une mise en scène redoutable d’efficacité et de maîtrise et une composition juste et touchante. « Tchao Pantin » est évidemment de ceux-là ! Un film français de Claude Berry de 1983, qui toucha le public par une histoire sombre, inspirée d’un roman d’Alain Page, l’un des maîtres du roman de gare français. L’histoire raconte la rencontre d’un jeune dealer Maghrébin avec un pompiste dépressif et alcoolique. Chacun va venir combler les manques de l’autre, le premier trouvant dans le deuxième un père de substitution et le deuxième trouve dans ce jeune un fils de substitution lui offrant une porte de rédemption. Une œuvre sombre et poignante qui hante le spectateur longtemps après son visionnage.
Et notamment parce que Claude Berry signe une mise en scène âpre et sans concession qui plonge le spectateur dans le Paris Underground de l’époque. La porte de Pantin n’est jamais apparue si oppressante et inquiétante, les premiers stéréotypes autour des criminels urbains commencent à montrer le bout de leur nez, et alors que les premières épreuves du scénario étaient jugées trop racistes, le définitif appuie sur les préjugés, et en tire une œuvre toute en nuance dans laquelle chacun des personnages n’est pas celui qu’il parait être. Balisant son récit d’une vision obscure d’un Paris nocturne perdu par ses créatures de la nuit qui s’enferment dans des lumières artificielles vers lesquelles elles se tournent comme pour mieux se brûler les ailes. Puissante, froide et intense, la mise en scène de Claude Berry se veut minimaliste et pourtant Incroyablement inventive dans le moindre de ses plans captant le meilleur de ses équipes, qu’elles soient devant ou derrière la caméra, à l’image de l’éclairage au néon qui donne au film toute la spécificité de son ambiance froide et lugubre.
Alors bien sûr, « Tchao Pantin », c’est avant tout, dans l’esprit des gens, le retour de Coluche (Le Maître d'Ecole), après une dérive qui durera encore quelques années jusqu’à son véritable retour en grâce en 1985. A l’époque de « Tchao Pantin », le comédien est au creux de la vague professionnellement mais personnellement aussi. Il vit excessivement mal la séparation avec sa femme Véronique, s’enfonce dans la drogue et se remet difficilement de sa dérive présidentielle et de sa perte d’inspiration. « Tchao Pantin » apparaît comme sa rédemption, faisant du personnage de Lambert le miroir de sa propre dérive. Coluche est remarquable, touchant et juste. Il abandonne le surjeu de la comédie pour apparaître fragile et torturé. A la date de sortie du film, il y aura un avant et un après « Tchao Pantin », au point que le film deviendra une sorte d’étalon de carrière, utilisé à tort et à travers : « Faire son Tchao Pantin ! », comme une évidence absurde ! Face à lui
Richard Anconina (Itinéraire d’un enfant gâté) parvient avec beaucoup de justesse et de précision à exister, face à son imposant duettiste. L’acteur s’impose en douceur et voit sa carrière prendre une voie royale.
En conclusion « Tchao Pantin » est un film marquant pour plusieurs générations qui brille par une mise en scène rigoureuse et fine et par une distribution redoutable de justesse. Le film signe le retour à la lumière de Coluche par un film sombre, et la découverte solide d’un jeune comédien prometteur.