En pleine guerre de Sécession, dans le Sud profond, les pensionnaires d'un internat de jeunes filles recueillent un soldat blessé du camp adverse. Alors qu'elles lui offrent refuge et pansent ses plaies, l'atmosphère se charge de tensions sexuelles et de dangereuses rivalités éclatent. Jusqu'à ce que des événements inattendus ne fassent voler en éclats interdits et tabous.
Don Siegel avait réalisé ce film 971, dans lequel un soldat de l’armée nordiste, durant la guerre de sécession aux États-Unis, blessé et à l’agonie trouve refuge dans un pensionnat de jeunes filles. D’abord victime, il devient en premier chasseur, pour finir ensuite cible de toutes les rancœurs et de toutes les peurs. Mais Don Siegel avait signé une mise en scène masculine, l’histoire semblait laisser une belle au part au machisme et tout ce qu’il engendre. La mise en scène du point de vue d’un homme ne laissait pas forcément beaucoup de nuances aux personnages féminins.
C’est pourquoi le remake annoncé du film « Les proies » par Sofia Coppola ne peut que résonner comme une bonne nouvelle. Et le fait est que le regard de la réalisatrice sur cette histoire lui donne une dimension tout à fait nouvelle, dans laquelle l’homme n’est plus simplement un symbole machiste mais la source de toutes les peurs et de toutes les intrigues. En se positionnant du côté des femmes en apportant un regard plus féministe sur l’intrigue, permet à la réalisatrice de donner le reflet d’une société patriarcale qui ne laisse pas beaucoup de chance aux femmes, qui ont peur que les hommes pénètrent leurs intimités tout en étant sujettes aux désirs. Dans « Les proies » il est tour à tour l’objet de l’interrogation des plus petites, mais aussi l’objet de toutes les peurs de cette femme Miss Martha, qui tient d’une main de fer cette pension, considérant toutes ces filles comme ses propres enfants. Bien sûr l’arrivée d’un homme dans un pensionnat de jeune fille, réveille surtout les désirs oubliés, les attirances physiques, et forcément les compétitions et les convoitises entre toutes ces jeunes filles qui veulent décrocher le Graal du cœur de ce soldat. Et c’est alors que tout semble se diriger vers une ronde finalement assez classique, la réalisatrice laisse l’intrigue se tisser en constante opposition entre toutes ces jeunes filles, qui vont devenir le destin insupportable de ce soldat qui se retrouve d’un seul coup prisonnier de femmes terrorisées par un monde extérieur dont elles se sont coupées.
Pour mieux créer une atmosphère tout en paradoxe, tout en nuances et particulièrement en oppression, la réalisatrice semble s’être inspirée de la mise en scène d’Alejandro Amenabar dans le film « Les Autres » en utilisant un éclairage en tout en contre-jour, lorsque les pensionnaires de cet établissement, s’occupent du soldat, ou laissent déclarer au grand jour leurs sentiments pour mieux appuyer cet environnement sombre et opaque. À l’instar de la scène d’ouverture qui joue sur les perspectives, et sur l’environnement sonore, « Les Proies » entraîne le spectateur dans un univers faussement cocooning qui laisse monter la pression dans une deuxième partie particulièrement haletante.
Si dans la version originale Clint Eastwood (Gran Torino) jouait plutôt le personnage imposant et menaçant, en appuyant sur le charisme masculin, Colin Farrell (Miami vice) se révèle beaucoup plus nuancé dans son jeu, et laisse exploser une palette de sentiments que l’on n’avait pas vu chez cet acteur depuis très longtemps. Face à lui
Nicole Kidman (Les Autres) impose, comme à son habitude, une composition tout en charisme et en dureté qui vient subtilement faire le contrepoids de la douceur qui se dégage de sa narration. Bien évidemment, l’ensemble de la distribution se révèle particulièrement efficace.
En conclusion, « Les Proies » de Sofia Coppola, est une remarquable réussite, tant la réalisatrice sait faire preuve d’audace visuel, et s’inspire des meilleurs réalisateurs pour créer une ambiance pesante, et tout en nuances dans une histoire qui ne cesse de prendre des virages narratifs saisissants.