Novembre 1919. Deux rescapés des tranchées, l'un dessinateur de génie, l'autre modeste comptable, décident de monter une arnaque aux monuments aux morts. Dans la France des années folles, l'entreprise va se révéler aussi dangereuse que spectaculaire...
Albert Dupontel est un réalisateur exigeant qui a su faire de sa carrière derrière la caméra un exemple de réussite. En mettant en image ses idées, qui parfois s’avéraient des prolongements de personnages construit dans ses spectacles ou dans ses œuvres télévisuelles, il a toujours su apporter un humour noir parfaitement dosé qui révélait des aspects sombres de personnalités en apparences lumineuses, ce fut le cas dans « Bernie », son premier film, mais également dans « Enfermé dehors » ou encore plus dans « Neuf mois ferme ». Dupontel, c’est un cinéma à la fois sombre et lumineux précis et destructuré en même temps. Un univers propre, une narration originale et surtout un personnage fil rouge, un peu (beaucoup !) « Borderline », perdu dans un univers dont il vit à la marge. Jamais, jusqu’ici, le réalisateur ne s’était lancé dans l’adaptation d’une œuvre de quelqu’un d’autre. L’univers de Pierre Lemaitre est finalement assez proche de celui de Dupontel, avec des personnages en pleine lumière qui cachent une véritable noirceur et d’autres plus en retrait qui au contraire gardent une certaine lumière, une profonde tristesse mais ne parviennent jamais totalement à sortir de leurs ornières. Profondément visuel, avec des personnages remarquablement bien dessinés et à la psychologie complexe, « Au-revoir Là-Haut » était forcément une œuvre destinée à rencontrer l’inspiration d’Albert Dupontel.
Et rarement une adaptation ne fut aussi réussi. D’abord parce que le réalisateur a travaillé en étroite collaboration avec l’auteur, mais parce qu’en plus chaque étape de l’intrigue est replacée à sa juste position dans une partition qui nécessite un rythme plus marqué que le livre lui-même. Ainsi, l’arnaque au monument au mort arrive très tôt dans le film contrairement au livre, les personnages gagnent en profondeur là ou d’autres sont plus noirs que dans le livre à l’image de Mr Péricourt. Alors bien sûr on peut reprocher à « Au-revoir là-haut » d’avoir fait l’impasse sur certains traits de caractère des personnages : « L’homosexualité d’Edouard », « La culpabilité de Mr Péricourt », etc…, mais en y regardant de plus près, tout y est de manière plus subtile qu’attendu, Dupontel y fait son interprétation et préfère suggérer, laisser penser le spectateur que de tout lui servir sur un plateau.
La subtilité du réalisateur est telle que même Pierre Lemaitre s’est laissé aller à se dire : « Mais pourquoi je ne l’ai pas écrit comme cela ! ». Loin, très loin d’avoir raté son coup, Albert Dupontel signe une œuvre aboutie, parfaitement dosée qui sait se servir du visuel pour donner corps à sa propre réflexion sur ce monde, qui ressemble toujours au notre avec des Pradel et des Péricourt qui dominent le monde en toute autarcie et des Maillard écrasés par les premiers mais qui continuent de survivre et de se battre.
Et si certains pouvaient douter des qualités de mise en scène d’Albert Dupontel dans une telle production, le réalisateur leur apporte une réponse sans appel : Non seulement il sait mettre en scène ses propres idées, il assure une adaptation absolument parfaite, mais en plus il parvient à donner un rythme, en conservant tout une subtilité et une sensibilité par des mouvements de caméras très théâtraux, comme lorsque Maillard se rend chez les Péricourt et qu’il y croise Pradel. Les jeux de lumières, d’ombres et de mouvements sont absolument remarquables et particulièrement bien amenés. On se laisse enivré par l’action, comme lorsqu’il film les tranchées, les combats qui font rage, l’ensevelissement de Maillard, tout est prise de risque parfaitement pensé et qui donne un rendu aussi réjouissant que bluffant.
Si Albert Dupontel s’est gardé le rôle de Maillard, qui apparait comme une évidence, la véritable sensation de « Au-Revoir Là-Haut » est assurément Nahuel Perez Biscayart révélé par l’autre sensation de l’année : « 120 Battements par minute ». L’acteur passe la redoutable épreuve de passer toutes les émotions avec pour seul outil : Le regard. Magnifique d’instinct, théâtrale et digne des plus grands ballets, la composition de l’acteur Argentin est tout aussi subtile que lumineuse. Il prend chaque passage de son personnage comme un rayon de lumière tout aussi puissant que la noirceur d’Edouard tient une grande partie de l’intrigue.
En conclusion, « Au-Revoir Là-Haut » est une adaptation parfaitement réussit qui prouve, si besoin en était qu’Albert Dupontel, en plus d’être un acteur instinctif et puissant se révèle être un réalisateur passionné, passionnant qui signe là certainement l’une des plus belles adaptations d’un roman aussi graphique que grandiose. Le film est à la hauteur de l’œuvre !
Un Dvd accompagne l’édition Blu-ray du film. Il est composé d’un ensemble de featurettes qui viennent parfaitement passés en revue toutes les phases de conception du film, y compris les moins drôles :
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Lemaire sur le plateau » : L’auteur revient sur les qualités et les surprises de l’adaptation qu’Albert Dupontel a fait de son roman.
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Préparation de Nahël Perez Biscaiart », l’acteur se prépare méticuleusement aux rôles et les choses apparemment les plus simples deviennent les plus complexes comme celles de danser avec un masque.
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Laurent Lafitte : Les risques du métier », dans les moments difficiles du tournage la scène finale de Laurent Laffite fut particulièrement difficile à mettre en place et risquée pour l’acteur.
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La guerre la charge », filmer la guerre, particulièrement celle de 14/18, c’est une gageure dans laquelle chaque détail est important et le dialogue avec les figurants capital.
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La guerre Edouard/Albert », un focus sur les deux personnages dans l’introduction du film, où les deux personnages principaux sont dans les tranchées.
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La Guerre Pradel », même chose mais cette fois-ci du côté de Pradel, personnage sombre et détestable.
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Jour de pluie », le cinéma c’est des jours de tournage en intérieur comme en extérieur. En intérieur on a la main quasiment sur tout, en extérieur le temps vient parfois perturber les raccords. +
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Du son en extérieur », même chose qu’avec le temps, mais cette fois-ci ce sont les avions qui viennent mettre à mal la patience de l’équipe.
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Histoire d’un Plan - Arrivée à Paris », explication, image à l’appui de la conception complexe d’un plan dans un film.
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Les effets spéciaux », et oui les effets spéciaux sont forcément présente là où on ne les attend pas et c’est tout l’intérêt de ce bonus que de nous les montrer.
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Parade de masques - scènes coupées », malgré des qualités visuelles évidentes, tous les masques ne furent pas présentés à l’écran.
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Pierre Lemaitre Scène coupée », l’auteur n’a pas résisté à apparaître dans le film.
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Masques, costumes et Décors », focus sur tous les éléments primordiaux du film.
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Plan d’ouverture », le film s’ouvre sur un survole du champ de bataille à travers le parcours d’un chien. Un plan complexe expliqué sans commentaires dans ce focus.
«
Histoire d’un plan Hôpital », encore un focus détaillé et sans commentaires ni interviews de la conception de ce plan.
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Jeux de lumière », contrairement à ce qu’évoque ce titre, ce focus nous expose comment on donne plus de relief à un plan par l’utilisation de la lumière.
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Scène la plus difficile du film », suite du tournage de la scène finale de Laurent Lafitte.
Galerie de photos.
Le film est également disponible avec d
es commentaires audio d’Albert Dupontel.