Après avoir si longtemps œuvré dans l’ombre et “fait” les deux derniers Présidents de la République, Le Baron Noir décide de présenter sa propre candidature à la présidentielle. Car en France, ce scrutin-roi est la " mère de toutes les batailles ", l’élection autour de laquelle tout s’organise et se redispose. Tout en dépend : les autres élections, le sort des partis et de leurs dirigeants. Or, dans le contexte international de montée du populisme, cette élection si particulière dont d’aucuns professent qu’elle " rend fou ", devient aussi ouverte qu’incertaine. Si notre héros cumule les handicaps - trop "ancien monde" pour faire neuf, un casier judiciaire qu’il traîne comme un boulet - il dispose néanmoins d’une force rare qui semblait endormie pour toujours à l’heure des fake news et des réseaux sociaux : le sens politique.
Kad Mérad retrouve donc pour la dernière fois son personne de Philippe Rickwaert, dit « Le Baron Noir » pour une ultime saison qui doit le voir concourir pour la course à la présidence de la république. Ecrit avec beaucoup d’intelligence et un sens de la politique évidemment pointu par Eric Benzekri (Maison Close) et Jean Baptiste Delafon (16 ans ou presque, la série) depuis trois saisons suit le parcours chaotique de son personnage de mentor de la politique, sous le postulat de départ : L'épopée politique et judiciaire de Philippe Rickwaert, député-maire du Nord, porté par une irrépressible soif de revanche sociale. Lors de l'entre-deux tours des élections présidentielles, il voit son avenir politique s'effondrer lorsque son mentor, le candidat de gauche, le sacrifie pour sauver son élection. Déterminé à se réinventer une carrière, Philippe va utiliser élections et temps forts politiques pour s'imposer pas à pas, contre celui qui l'a trahi, mais fort d'une alliance nouvelle avec la plus proche conseillère de son ennemi. Indispensable mais incontrôlable, aussi menteur que sincère, cultivant des amitiés dans toutes les strates de la société, y compris au sein de la police et du grand banditisme, sa vie est un fascinant chaos organisé, un combat de chaque instant contre ses ennemis - et ses propres démons.
Au fil des saisons précédentes, le baron noir s’est affirmé, a su apprendre de ses erreurs et notamment de ses ennemis qui étaient ses amis auparavant, mais la politique est un milieu où personne n’est jamais ami longtemps. Et si la seconde saison, signait le retour du personnage sous le prisme de la vengeance, celle de celui qui fut trahit et sacrifié au profit d’un homme qui ne voulait lâcher le pouvoir, la troisième va plutôt jeter le héros dans une bataille qui va conclure en beauté sa revanche. Et même si l’écriture est toujours aussi pointue et ciselée, cette ultime saison est tout de même un peu redondante, les dialogues se ressemblent, comme un mode d’emploie des intrigues politiques, ils ne gardent de l’intérêt que grâce à des rebondissements toujours assez bien amenés.
En revanche, c’est l’interprétation qui manque souvent de justesse, si Kad Merad s’en sort allègrement grâce à un jeu faussement désinvolte, d’un naturel assez désarmant, la qualité de son travail, met finalement en lumière les imperfections de ses partenaires, à commencer par Anna Mouglalis (Aurore) qui semble bien mal à l’aise avec son corps et avec le rythme de tournage qui a dû l’empêcher de suffisamment travailler son personnage, et du coup, ses prestations sont souvent très inégales. Même chose avec Pascal Elbé (Les Hirondelles de Kaboul) qui, dans le passé a su nous réjouir de compositions sensibles et précises, mais qui, ici, manque de justesse et s’empêtre dans des dialogues pas forcément fluides.
En conclusion cette troisième saison de « Baron Noir », reste une excellente série qui met en lumière avec beaucoup d’intelligence et de finesse les intrigues politiciennes pour accéder au pouvoir. Fictive mais parfaitement renseignée, la série déroule son intrigue avec des personnages librement inspirés de nos hommes politiques (Bayrou, Sarkozy, Le Pen, etc…), et en gardant les noms des partis, et se calant sur les remous qui ont secoué notre paysage politique, la série gagne en crédibilité et parvient à faire oublier les imperfections d’une distribution, pas forcément très à l’aise avec les dialogues ciselés du duo Benzekri/Delafon.