Dans les années 1990, un petit garçon vit au Burundi avec son père, un entrepreneur français, sa mère rwandaise et sa petite sœur. Il passe son temps à faire les quatre cents coups avec ses copains de classe jusqu'à ce que la guerre civile éclate mettant une fin à l'innocence de son enfance.
Le roman « Petit pays » de Gael Faye a ému des milliers de lecteurs, au point d’obtenir même le prix Goncourt des Lycéens. Un succès et une récompense justifiée tant ce livre autobiographique, dans lequel l’auteur raconte son enfance au Burundi, alors que le conflit au Rawanda ne cesse de s’amplifier, prend au cœur et surtout aux tripes dans sa seconde partie. Car, l’écriture est intelligente, elle est à hauteur d’enfant. On y découvre la vision de Gaby, jeune garçon de père français et de mère Rwandaise, qui habite le Burundi, s’amuse avec ses copains et découvre les difficultés de ce pays à accepter la démocratie, alors que chez les voisins la guerre fait rage entre les deux ethnies qui les composent : Les Tutsi et les Hutus. Avec une sorte de détachement, au départ du roman, Gael Faye décrit une insouciance naturelle face à un pays qui cherche à se transformer politiquement, avec tout ce que cela implique. Et puis soudain, la violence et l’horreur s’invitent au milieu de ces gamins qui, contre leurs grés vont être obligé de leur faire face, et pour certain, de choisir un camp.
Et c’est au réalisateur Eric Barbier (La Promesse de l’aube) qu’est revenu la lourde tâche de mettre en image, ce roman magnifique de sincérité et d’intelligence. Avec l’aide de son acteur principal : Jean-Paul Rouve (Les Tuches), le réalisateur a donc tiré un scénario qui colle d’assez près le livre, mais qui malheureusement, par maladresse ou par choix, fait l’impasse sur l’impact psychologique de certains éléments du livre, nécessaire à la compréhension de ce que ce conflit a de dévastateur chez ces gamins, qui, comme n’importe quel enfant dans le monde ne veut que se prendre pour un grand et s’inventer des aventures, et se défier entre amis. Le scénario passe beaucoup trop vite sur les débats que les enfants ont au sujet de ce conflit, cette prise de position qu’on leur impose entre Tutsi et Hutu, cette différence qu’ils ne comprennent pas, et surtout l’impact que la tentative de noyade de Francis a pu avoir sur les gamins.
De la même manière que le scénario, la mise en scène d’Eric Barbier semble avoir beaucoup trop chapitré le film, pour privilégier le conflit et sa violence. Ainsi certains personnages ont été modifiés comme la femme du riche Hollandais, fasciste que tout le monde déteste, mais qui va proposer à Gaby de lui prêter des livres, et qui devient, dans le long métrage, une institutrice. Un personnage qui pouvait paraitre anecdotique, mais qui symbolisait à lui tout seul le « problème » occidental du conflit. Car il ne faut pas oublier, que si le conflit a prit une telle ampleur, c’est que les états Européens comme la France, n’ont pas voulu intervenir et que lorsque les casques bleus sont venus dans le pays, c’était uniquement pour évacuer les ressortissants. Une subtilité présente dans le livre, mais quasi absente dans le film. Et c’est le problème lors d’une adaptation d’un livre à succès, c’est que l’interprétation du lecteur n’est pas la même que celle du cinéaste, mais qu’on attend tout de même une certaine cohérence dans l’adaptation.
Ici Eric Barbier, pose sa caméra, suit les gamins, parle du génocide, ose certaines scènes violentes comme le lynchage, ou la prise de pouvoirs des gangs mais perd en grande partie tout ce qui faisait l’humanité du livre. Parce que ce qu’il s’est passé au Rwanda et au Burundi dépasse de très loin la lecture linéaire d’un conflit. Certes ce qui opposait les Tutsis et Hutus est difficile à comprendre pour des occidentaux et encore plus pour des enfants, mais le livre de Gael Faye allait plus loin, consciemment ou non, notamment avec des personnages rendus beaucoup trop anecdotiques dans le film et des situations traumatisantes, dont il ne reste plus que le trauma de la mère après être allé au Rwanda, sa terre d’origine.
Côté distribution, Jean-Paul Rouve est parfaitement à sa place dans le rôle de ce père, entrepreneur qui faire fructifier son affaire, mais dans le même temps doit gérer le mal-être de son épouse, brisée d’avoir dû quitter son pays. Et c’est d’ailleurs à Isabelle Kabano qu’est revenu cette lourde tâche d’interpréter cette femme complexe, qui masque son trauma en public, mais qui ne parvient plus à faire face à sa réalité. Comme une grande partie de la distribution, L’actrice amatrice Rwandaise, qui fait ses premiers pas au cinéma est éblouissante dans une composition complexe et parfaitement tenue. Si diriger des enfants n’est jamais facile, trop de spontanéité et pas assez de concentration, nous pouvons dire que le choix de Djibril Vancoppenolle est un choix judicieux, car le jeune acteur belge relève le défi comme personne et apporte une vraie profondeur au personnage tout en lui laissant une évidente spontanéité.
Pour finir, je dirais que l’adaptation du roman « Petit Pays » par Gaël Faye par Eric Barbier, a fait l’objet de choix qui viennent affaiblir l’histoire en déplaçant son axe de narration autour du conflit et de l’instabilité régnante au Burundi faisant l’impasse sur des éléments clés du livre qui permettait de mieux comprendre les déchirures qui vont amener au drame, comme cette impossibilité de pouvoir mettre en place un système législatif. Le film donne tout de même envie de se plonger dans le livre de Gael Faye ce qui est une bonne chose en soi.