C’est l’hiver. Les hôpitaux sont submergés. Une canalisation a sauté, inondant les urgences de l’hôpital Poincaré. Les soignants et les malades doivent se replier en médecine interne. Alyson et Hugo poursuivent leur stage dans le service. Chloé fait tout pour revenir pratiquer malgré sa santé fragile Aucun des trois n’a de nouvelles d’Arben, parti sans laisser un mot. Ils vont devoir affronter un hôpital en crise, sous l’autorité du docteur Olivier Brun, le nouveau chef du service des urgences.
Depuis plusieurs années, Canal + s'est lancé dans une stratégie de création de séries en nous livrant chaque fois des œuvres abouties, pointues et en même temps terriblement divertissante. Nous pouvons bien sûr citer : « Le bureau des légendes », « Guyane » ou encore « Versailles ». Avec « Hippocrate », la chaîne se lança alors dans une nouvelle stratégie, invitant de grands réalisateurs à développer des sujets qui leurs sont propres. Thomas Lilti qui avait séduit tout le monde avec son film homonyme, le développe donc en série de huit épisodes, dans lesquels, des internes en première année se lancent tête baissée dans un métier fait d’abnégation et de déception qui n'ont de limites que celle du corps ou du psychisme. Des apprentis médecins, qui se confrontent, avec violence, avec la détresse humaine face à la maladie. Entre empathie et détachement, il est parfois difficile de choisir. Chaque patient vient avec son lot de détresse, et chaque médecins ses sentiments et sa sensibilité.
Comme dans son long métrage, le réalisateur explore un monde qu'il a bien connu, le montre sous toutes ses facettes, et le format série lui permet de mieux développer cette lutte permanente contre la maladie et bien évidemment cette union sacrée qui se forme lorsque l'un d'eux vacille. Avec une simplicité évidente mais une expertise flagrante, Thomas Lilti en profite pour parler d'un service de santé malade, pour ne pas dire moribond, qui survit plus qu'il ne vit. Avec un ton parfois un peu froid, il explore une gestion hospitalière qui fait avec des bouts de chandelles, exploite ses apprentis avec un cynisme propre à la gestion de marchandise mais fort peu adapté à celle de patient. Des gardes de plus en plus longues, des médecins qui repoussent leurs limites, et des patients impuissants. Alors qu'aucun politicien ne semble capable de répondre aux demandes des corps enseignants, l'hôpital fourmille de ces risques incalculables contre lesquels luttant en permanence les médecins et les infirmières au bord du Burn Out. La crise du Covid n’a que mettre en lumière cette dérive implacable des politiques dans une gestion hospitalière qui pousse les services à la saturation, encore plus lorsque des problèmes techniques viennent gripper la mécanique déjà bien rouillée. Dans cette deuxième saison, le réalisateur et son équipe en profite pour appuyer encore plus cette abnégation dont font preuve les personnels hospitaliers, cette détresse intérieure qui parfois les submerge jusqu’à l’extrême.
Sa réalisation fait usage, comme d'habitude, d'une précision et d'une douceur presque chirurgicale. Parfois choquants, certains plans, ne font pas dans le détail, et plonge le spectateur en face à face avec ce que voient les médecins, ce qu'ils vivent. Des plaies, des incisions, des organes, mais surtout de l’impuissance. Et puis il y a le métier qui s’installe comme une évidence, la vocation qui nait d’une situation difficile ou d’un drame évité de justesse. Comme la série Américaine « Urgence », « Hippocrate » ne fait pas de concession et sa réalisation est destinée à plonger le spectateur au cœur du quotidien des médecins. Bien sûr pour pouvoir atteindre son but, Thomas Lilti s'entoure d'une pléiade de comédiens qui opèrent avec un talent évident. Menés par Louise Bourgoin (Les aventures D'Adèle Blanc Sec), la distribution : Jeremy Chasseriaud (Un début Prometteur), Alice Belaïdi (Un petit Boulot) et Karim Leklou (Le monde est à toi) se lance à corps perdus dans des interprétations toutes en sensibilité et en puissance.
Pour conclure, Canal + nous a habitué depuis un plusieurs années déjà à suivre des séries de grande qualité qui ont la particularité d’être des créations originales. « Hippocrate » est une nouvelle preuve du savoir faire de la chaine en nous plongeant dans le quotidien de médecins qui luttent pour sauver leurs patients et leurs services. Avec cette deuxième saison, le réalisateur Thomas Lilti nous offre une nouvelle plongée en apnée dans une atmosphère lourde et précise de l’univers des professionnels de la santé. Ici les difficultés se succèdent et les problèmes de gestions aussi, provoquant une tension palpable d’épisode en épisode. La distribution est remarquable et le scénario touchant.