Années 20. Alors que son train en route vers Séville est bloqué par la neige, Don Mateo Diaz, un riche séducteur, trompe son ennui en se promenant de wagon en wagon. Arrivé en troisième classe, il s'interpose dans une bagarre qui oppose deux femmes, dont la fougueuse Conchita Perez. Lorsqu'ils se retrouvent quelques mois plus tard, Conchita ne cesse de faire languir Don Mateo.
Le nom de Jacques de Baroncelli ne résonne plus dans les mémoires des amateurs de cinéma, il est pourtant ancré dans les esprits des cinéphiles, comme étant l’un des réalisateurs majeurs des débuts du cinéma français et particulièrement de son âge d’or. La postérité lui a préféré des Marcel Carné ou des Jean Renoir, mais Jacques de Baroncelli n’en demeure pas moins un artiste fort et un metteur en scène hors du commun, pour l’époque, qui aimait sortir des sentiers battus et ne cherchait jamais à faire dans la simplicité. De la même manière qu’un Orson Welles, quelques décennies plus tard, Baroncelli aimait utiliser l’espace et la lumière pour donner à ses plans des effets surprenant qui viennent rendre la narration moins classique.
A l’instar de cette magnifique scène où un écrin devient un petit écran dans lequel se passe l’action du film, ou encore cette magnifique scène où Don Mateo attend Conchita, alors que celle-ci se prépare en arrière-plan. On ne voit que sa silhouette à travers des briques de verres opaques. Le réalisateur soigne ses plans et assure une narration fluide, inventive et surprenante pour l’époque. Adaptation d’un roman érotique de Pierre Louÿs, « La Femme et le Pantin » apparait comme une œuvre sulfureuse, puisqu’elle met en scène un homme riche, amateur de femmes qui tombe sous le charme d’une danseuse, bien déterminée à ne pas se laisser dicter sa conduite et à tomber dans le piège de ce séducteur impénitent.
L’apothéose de ce rapport de force et de séduction va se cristalliser dans une scène de danse ou l’héroïne se retrouvera à danser nue pour des spectateurs enfiévrés. Un jeu d’ombre laisse apparaitre sa silhouette dénudée et provoque l’émoi dans l’assistance. Une audace artistique que l’on trouve, évidemment dans le roman mais qui, dans le film, prend une résonnance particulière et souligne cette envie, pour ce réalisateur qui ne faisait rien comme tout le monde de sortir des sentiers battus et de bousculer les habitudes.
Pour interpréter ses deux personnages principaux, le réalisateur a fait appel à deux comédiens peu connus mais qui eurent des schémas de carrière bien différents. Conchita Montenegro d’abord, qui était une danseuse et actrice espagnole qui trouva dans « Le Femme et le pantin » l’occasion de briller à l’internationale. Ce fut le cas puisqu’après sa prestation remarquable et remarquée, dans le film de Baroncelli, l’actrice signa un contrat avec la MGM. Sa carrière ne fut jamais totalement remarquable, puisqu’elle fut cantonnée aux mêmes types de rôles que dans « La Femme et le Pantin ». Face à elle Raymond Destac, qui prit par la suite le pseudonyme de Tristan Sévère, est un acteur que l’on retrouvera par la suite chez des réalisateurs tels que Julien Duvivier, René Clair ou encore Pierre Fresnay. Dramaturge et comédien, Raymond Destac marqua le film de Baroncelli par un jeu sombre et cynique.
« La Femme et le Pantin » est un film que l’éditeur Pathé nous propose de découvrir dans une version restaurée, ne serait-ce que pour l’audace de son réalisateur qui pousse sa mise en scène et son inventivité au plus haut de son art.