Poursuivi par la police, Saget usurpe l'identité d'un homme qui revenait dans sa ville après avoir fait fortune aux États-Unis. Sous ce nouveau nom, il trompe ses compatriotes à l'exception d'un médecin et de la sauvage Isabelle. Au cours d'une explication Saget comprend qu'Isabelle l'admire secrètement. Celle-ci le dénonce et Saget se rend sans combat. Ainsi ruine-t-il tout son prestige auprès de la jeune amazone...
« La Fille du Diable », est un film qui fut réalisé par Henri Decoin avec Pierre Fresnay juste à la sortie de la seconde guerre Mondiale en 1946. La particularité de ce film, outre ses qualités artistiques, est évidemment politique ou tout du moins symbolique dans une France qui est encore loin d’être sortie du trauma de l’Occupation et qui depuis deux ans cherche à régler ses comptes avec ceux qui n’ont pas eu l’âme patriote, ou tout du moins qui ont continué à travailler pour le cinéma français sous contrôle de « La Continentale », une société de production sous contrôle Allemand.
D’abord l’acteur Pierre Fresnay, que tout le monde connaît pour avoir été le « Marius » dans la trilogie de Pagnol. Acteur à la diction très incisive qui lui conféra souvent des rôles de meneur, de militaire, et qui cette fois ce se retrouve avec un rôle de bandit, usurpateur d’identité. Si sa prestation est, comme d’habitude remarquable, même si l’acteur n’est pas forcément toujours à l’aise dans son personnage, c’est surtout sa situation personnelle et notamment le soutien plus ou moins affiché qu’il apporta au régime de Vichy, notamment en continuant de tourner, pour la Continentale pendant la guerre. Une prise de position qui lui vaudra plusieurs semaines d’emprisonnement à la libération. L’acteur n’a d’ailleurs jamais caché ses amitiés et son adhésion à l’association des amis de Pierre Brasillach, un écrivain connu pour son engagement politique à l’Extrême Droite et fusillé à la libération.
Quant à Henri Decoin, il livre ici, une œuvre dynamique, redoutablement efficace qui s’intéresse d’abord, sous forme de thriller de l’époque, à ces sociétés aveuglées par l’argent d’un homme et qui sont prêtes à rester aveugle pour pouvoir en profiter. Avec une ouverture assez remarquable, quasi sans dialogue dans laquelle nous voyons le personnage principal pris au piège par la Police, parvenir à s’échapper, pour ensuite croiser la route de cet homme revenu d’Amérique riche et imprudent. La mise en scène fait parfois référence à Henri-Georges Clouzot et de la même manière que ces films tournés sous l’occupation et produite par La Continentale, il n’est jamais fait référence, à la guerre, à l’occupation et encore moins au rationnement. Lui aussi se verra inquiété à la Libération pour une position plus ou moins ambiguë durant le conflit, notamment au sujet d’un autre de ses films qui posait question à ce moment-là.
Il n’en demeure pas moins que « La Fille du Diable » est une œuvre magnifiquement tournée, avec une tension parfaitement maitrisée, particulièrement lors de l’ouverture du film. L’interprétation fait preuve de modernisme et de sensibilité, à l’instar de Fernand Ledoux (Les Misérables) saisissant en médecin avisé et idéaliste et surtout Andrée Clément (La Symphonie Pastorale), qui joue Isabelle, une pauvre fille déshéritée atteinte de la tuberculose. Son monologue est bouleversant lorsque l’on sait que la comédienne était réellement atteinte de cette maladie.