Plus jeune, le fougueux Etienne Ranson quitte sa famille pour la Tunisie où il fait fortune sur une mine de sel. Après un incident qui le rend persona non grata dans son pays d’accueil, Etienne retourne à Grenoble où il est froidement accueilli par son entourage. Son oncle, en particulier, lui reproche son départ précipité.
Marcel L’Herbier (Le Bonheur) est un réalisateur hors du commun dans l’univers du cinéma français d’avant-guerre, et particulièrement de celui du début du parlant. Lui qui a commencé sa carrière en 1918, pendant les grandes heures du muet, a toujours considéré, le cinéma comme un art, comme une forme d’expression artistique nécessitant de l’audace, de la recherche, de la passion et surtout une vision reconnaissable. Pour cela, et pour garder toute son indépendance, il a même créé sa propre société de production cinématographique. Mais voilà, le passage au parlant ne fut pas de tout repos et le réalisateur se retrouva dans une situation financière délicate. Il dut accepter de faire des concessions et de travailler pour des studios plus conventionnels et plus prompt à produire des films divertissants et répondant aux codes de l’époque. D’où la rencontre avec Pathé Nathan qui offrit au réalisateur de mettre en scène cet « Aventurier ». en 1934.
Dans « L’Aventurier », le réalisateur ne va se contenter de réaliser un film mécaniquement, il va créer discrètement mais surement son style en usant de travelling (Techniques difficiles pour l’époque !) et de mouvement de caméras pour donner plus de fluidité à une scène qui aurait été trop statique sans cela. D’ailleurs, le scénario qui est une adaptation d’un roman d’Alfred Capus, sera signé également de Marcel L’Herbier, qui va en profiter pour faire une critique de la société bourgeoise et colonialiste. Une bourgeoisie toujours prête à s’arranger, y compris avec le diable, pour conserver ses acquis et protéger sa richesse. Une bourgeoisie qui aime l’argent et n’hésite à se pervertir. Tout en accusant son âge et sa vision parfois perverse de la colonisation, le scénario de Marcel L’Herbier n’en demeure pas moins une satire efficace et acide de la société d’avant-guerre.
Au générique de ce film nous retrouvons deux acteurs majeurs de l’époque : Victor Francen que ‘l’on verra plus tard dans le « J’Accuse » d’Abel Gance, et qui surprend ici, par ce regard profond et ce sourire carnassier. L’acteur est précis, très peu académique, si ce n’est sa démarche qui trahit des mouvement s de l’époque, mais sa composition reste d’une modernité remarquable. Et puis il y a la touchante Gisèle Casadesus (La Tête en Friches), dans le rôle de la jeune Geneviève qui va devenir la monnaie d’échange d’un marché contre nature. Le réalisateur parvient à tirer le meilleur de ces acteurs pour en conserver cette modernité de ton qui évité le jeu trop « tragédique » des acteurs de l’époque.
Avec « L’Aventurier », Marcel L’Herbier, signe une œuvre d’une grande modernité avec des mouvements de caméras révolutionnaires pour l’époque et un scénario qui parvient à livrer une satire de l’époque et une réflexion sur la condition de la femme. La bourgeoisie n’y est pas sous son meilleur jour et le regard des personnages sur les colonies montrent une société qui n’a pas encore pris conscience du mal qu’elle y fait.