En Mai fais ce qu'il te plait
Sortie:
04/11/2015
Pays:
France
Genre:
Durée:
114 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

En Mai fais ce qu'il te plait

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais

Mai 1940. Pour fuir l'invasion allemande, les habitants d'un petit village du nord de la France partent sur les routes, comme des millions de Français. Ils emmènent avec eux dans cet exode un enfant allemand, dont le père opposant au régime nazi est emprisonné à Arras pour avoir menti sur sa nationalité. Libéré dans le chaos, celui-ci se lance à la recherche de son fils, accompagné par un soldat écossais cherchant à regagner l'Angleterre....

Avec « Une hirondelle fait le printemps » et surtout « Joyeux Noel », Christian Carion a su faire preuve d’un cinéma humaniste qui cherche continuellement à faire naître la beauté des êtres humain derrière des différences et des interdits. Dans le premier, une femme devait faire ses preuves en tant qu’agricultrice face à un monde machiste et misogyne, dans le deuxième, il mettait en lumière cette trêve de Noël, qui valut à des soldats de camps ennemis durant la première guerre mondiale la cour martiale. Pour son nouveau film, le réalisateur a puisé dans ses souvenirs d’enfances, et particulièrement dans les récits de sa mère qui parlait de l’exode que durent subir une partie des français durant la seconde guerre mondiale, afin de fuir l’invasion Allemande.

Avec une mise en scène qui met en avant des plans larges pour donner à son film des allures de western, Christian Carion donne une toute autre dimension à un sujet souvent ignoré du cinéma, par manque de positivité, ou le reflet d’une partie de l’histoire, dans laquelle le pays est un genou à terre avec des familles et des villages entier jetés sur les routes et souvent victimes innocentes de bombardements ouvertement assumés. Précis et instinctif, le réalisateur qui a également signé le scénario en collaboration avec ses scénaristes : Laure Irmann (Dédicace) et Andrew Bampfield (La Ritournelle), nous livre une histoire inspirée des récits de sa mère et de ceux qui ont vécu cette période sombre de l’histoire de France. 

Et la mémoire du réalisateur pousse alors un peu plus loin que la peinture simple et linéaire d’une exode, qui résonne subitement avec une actualité implacable. Car même si cela n’était pas calculé par le réalisateur, ces populations sur les routes ne sont pas sans rappeler celles actuellement venues de Syrie ou d’ailleurs qui tentent de fuir la guerre et les bombardements sous le regard d’une Europe perdue dans ses protocoles. Et si « En Mai fais ce qu’il te plait » a une telle résonnance, c’est que le scénario, brouille les pistes : On y suit un allemand fuyant le régime nazis qui se réfugie dans un village français malgré le danger que cela représente, on y voit son fils être pris en charge par l’institutrice d’un village qui va devoir tout quitter pour tenter de rejoindre une ville d’accueil, un soldat écossais qui va aider l’allemand à retrouver son fils. Mais surtout, Christian Carion n’oublie pas que les Allemands n’hésitèrent pas à utiliser les pire bassesses pour faire de la propagande, il n’oublie pas non plus que des régiments Sénégalais sont venus mourir pour que les français retrouvent la liberté. Du coup son film, comme dans toute sa filmographie, respire d’une humanité saisissante, l’émotion y est, en l’état, parfois brutale. Et même si l’on peut regretter quelques longueurs ou des scènes un peu trop appuyées, particulièrement lorsque l’on approche de la conclusion, on ne peut que souligner la qualité de sa mise en scène et la précision de son scénario.

Ajoutez à cela une distribution sobre et pourtant particulièrement inspirée, emmenée par un Olivier Gourmet (La Marche) toujours aussi brillant dans son jeu, imposant un charisme à la Gabin ou à la Raimu. L’acteur captive l’écran et embarque le spectateur aussi facilement que les habitants de son village. Complétez l’ensemble par une musique signée Ennio Morricone et vous obtenez un film captivant et d’une intelligence rare, qui a le mérite de n’oublier personne mais surtout le bon goût de ne pas en faire de trop.