Fort du succès du phénomène Le Goût des autres, le nouveau film d’Agnès Jaoui débarque dans les salles. Mettant comme toujours en scène le couple Jaoui-Bacri, accompagnés pour sa première apparence à l’écran de Marilou Berry, Comme une image se penche une fois de plus sur les rapports humains. Mais qu’a-t-il de nouveau à raconter ?

Comme une image
France, 2004
Réalisateur : Agnès Jaoui
Acteurs : Marilou Berry, Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri, Laurent Grevill, Virginie Desarnauts, Keine Bouhiza, Grégoire Oestermann, Serge Riaboukine, Michèle Moretti
Musique de : Philippe Rombi
Durée : 1h50

L’histoire
Étienne est écrivain à succès, et mariée à une femme beaucoup plus jeune qui lui. Sa fille, Marilou, mal dans sa peau et complexée par son physique, tente de monter un concert pour sa chorale. Sylvia, son professeur de chant, est mariée à Pierre, dont le succès de son nouveau livre va lui faire rencontrer Étienne. Tout ce petit monde se croise et se recroise…


Impossible de ne pas retrouver la patte Jaoui-Bacri dans ce film.
D’abord parce qu’ils jouent dedans (c’était facile), mais parce que le scénario reprend les caractéristiques de leurs histoires : une poignée de personnes toutes liées plus ou moins directement, qui vont réagir les uns aux autres et tenter de faire réagir les autres, en se criant dessus et en se disant des vérités. Ça marchait remarquablement dans On connaît la chanson, dans Un air de famille et dans Le Goût des autres, pourquoi se priver ? Et en effet, on retrouve toute leur virtuosité à faire évoluer les personnages, ainsi que de bons dialogues dont quelques excellentes répliques.
Pourtant, le mécanisme commence à gripper un peu. Je vais vous expliquer pourquoi, mais laissez-moi vous prévenir que toute cette partie est extrêmement subjective, et que peut-être ce qui m’a gêné ne viendra même pas à l’esprit de quelqu’un d’autre. C’est selon la sensibilité de chacun. Le premier point qui agace, et qui agace de plus en plus au fur et à mesure que le film avance, c’est que le ressort de chaque scène et chaque confrontation, c’est que l’un ou l’autre dit un mot de travers, ou se fait mal comprendre, et l’autre part bouder, en claquant la porte, alors que dans la plupart des cas, trois minutes de conversation supplémentaires auraient permis de désamorcer la crise. C’est un procédé assez classique, qui m’a toujours un poil agacé, mais là c’est du systématique tout le long, et on a envie de leur mettre des baffes ou de les ramener de force dans la pièce pour finir la discussion, et ne pas s’emballer sur rien. Peut-être était-ce le but du film de montrer cette incommunicabilité, auquel cas c’est autant réussi qu’insupportable.


Deuxième réserve : le thème abordé.
Si le Goût des autres présentait de façon intelligente la question des préjugés et de la tolérance, Comme une image semble aborder le problème de la communication, ce qui semble en soi universel. Sauf que le film présente deux " raisons " à ce manque de communication : la révolte systématique de l’ado (ce qui m’a passé depuis un bout de temps), et le succès qui monte à la tête (ce qui reste encore à venir pour moi, quand on publiera dans la Pléiade mes critiques de films…). Cela n’enlève rien au traitement humain du film, mais ça le rend moins proche de nous (et en tout cas de moi) que ne l’était le Goût des autres. Cela explique aussi l’engouement du jury cannois, qui a dû, lui, y retrouver du vécu. Au final, si l’histoire n’est en rien honteuse, elle reste au niveau d’un bon film à la française, avec la Jaoui-Bacri touch, mais sans le supplément d’âme conféré au Goût des autres. Ah oui, au fait, si vous n’avez pas aimé le Goût des autres, je crois que ce n’est pas la peine de venir.
A part son scénario, la force principale du film réside dans son interprétation. Jean-Pierre Bacri fait bien sûr du Bacri, mais encore mieux que d’habitude, et c’est pour ça qu’on l’aime. Agnès Jaoui fait aussi un peu du Jaoui, mais on l’aime bien comme ça aussi. Marilou Berry arrive à habiter un rôle un peu casse-gueule et lui donne une belle personnalité. Tous les autres rôles sont également parfaitement campés, et comme ils sont bien écrits, on y croit. La mise en scène est en général assez sage, mais permet de se concentrer sur les personnages. La musique est assez variée, entre musique d’accompagnement discrète et quelques chansons bien trouvées.


Si le film reste agréable, il ressemble à beaucoup d’autres.
En un peu mieux peut-être, et avec Bacri, ce qui est toujours appréciable, mais il manque un peu de personnalité, un peu de surprise, un peu de folie. On profitera des acteurs, de quelques répliques très drôles, d’une histoire à 4 voix bien construite, mais le tout reste irrémédiablement trop sage. Comme une image. Ah ben oui.

A voir : pour Bacri ou pour un film à la française
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, il y a de bons moments, mais au sortir on est un peu déçu

Sébastien Keromen