Rencontré lors de la première édition du FIMO (Festival Internationnal du Making Of) à Toulouse, Albert Dupontel président du jury nous parle de ses projets à venir et du festival.
Bonjour
Albert Dupontel, pouvez vous nous parler de votre prochain long métrage
en préparation "Enfermé dehors" ?
Nous allons
démarrer normalement le tournage en mars 2004. Il s’agit d’un
cartoon social, une revisite de Chaplin très modeste et très humble.C'est d’un SDF qui sniffe de la colle parce qu’il a
faim et il trouve un uniforme de flic. Il le met pour aller bouffer dans les commissariats.
C’est une fable sur le pouvoir et l’amour.
Je voudrais raconter très prétentieusement un monde dans lequel
on vit, dans lequel il y a des hommes avides de pouvoir, d’argent et de
puissance et d’autres simplement d’affection. Confronter ceux qui
ont tout et ceux qui ont rien, et bien sûr faire rire avec tout ça.
Ce
sera un film aussi burlesque que Bernie ?
J’aime bien quand les gens rigolent, maintenant je ne veux pas qu’ils
rigolent à tout prix, à tout bout de champ. Je n’aime pas
les films comiques pour être comique. Dans Bernie il y a des trucs effrayants
mais en même temps ça se veut drôle.
Avez-vous prévu le tournage du making of pour ce film ?
Oui, moi j’aime bien les makings of, c’est un truc que j’aurais
bien aimé avoir quand j’ai commencé à vouloir faire
du cinéma, si je peux aider humblement les gamins à savoir comment se
mets une caméra, le montage des plans : je n’ai pas de secret si
je peux leur donner c’est avec grand plaisir.
En
tant que président du premier festival de making of, aviez-vous vu tous
les longs métrages des making of en compétition ?
J’ai vu les métrages bien que ce n’était pas demandé. Mais je dirais que c’est un peu pénalisant.
Je les ai vus car je suis très cinéphile. Il y a des makings
of que l’on aborde avec un a priori parce que on n’a pas aimé
le long métrage en question ou au contraire parce que on l’a aimé.
Sur
quels critères vous jugez les making of ?
Aucun critère particulier, on se laisse aller. C’est vraiment comme
pour un film, il y a des documentaires plus ou moins réussis. Il y a
certains making of dont j’ai vu le film où je me suis ennuyé
pendant les films, et où je ne me suis pas du tout ennuyé pendant le making
of. Ce qui prouve que ça peut être un plus pour un film, lorsqu’on
aime un film ou qu’on est curieux d’un metteur en scène c’est
très intéressant, c’est une information de plus.
Ici
au FIMO, il est question de la professionnalisation
du making of, pensez vous que ce soit une bonne chose d’avoir des réalisateurs
spécialisés dans ce genre ?
Si ça devient une spécialité, le genre risque de tourner
en rond très vite car tout risque d’être stéréotypé,
je pense pas que ça deviendra une spécialité ça
sera forcément une discipline pour les gens de passage. Toute expérience
dans l’audiovisuel est bonne, il y a matière à apprendre
beaucoup de choses dans la réalisation d’un making of. Si un réalisateur
n’a qu’un making of, un documentaire ou un téléfilm
à se mettre sous la main, il ne faut pas qu’il hésite !
Sur
le commentaire audio d’irréversible, on apprend que la scène
du métro dans laquelle vous jouez est totalement improvisée, est
ce que dans vos films vous laissez une large part d’improvisation ?
Bien sûr ! Dans Bernie la scène devant le caméscope est totalement
improvisée, dans le Créateur quand il vient au bout de la table
raconter une pièce qu’il n’a jamais écrite c’est
totalement improvisé aussi. Il y a un moment donné au cinéma
lorsqu’on écrit un scénario on ne sait jamais par où
la vie va arriver, alors on fait tout pour qu’elle arrive à l’endroit
dit, y’a des choses qui sont très drôles dans un scénario
qui ne sont plus drôles du tout au moment du tournage, puis y’a
des choses qui étaient anodines qui sont franchement drôles. Donc
quand les acteurs sont là par leur improvisation, leur fantaisie, leur bonne
humeur la caméra ne bouge pas et on laisse vivre. Puis quand c’est
de l’action, et qu’une mise en scène se développe
pour faire avancer le récit, la caméra deviens plus mobile, plus
présente. L’improvisation j’y tiens vraiment, ça
fait partie intégrante du travail, je pense qu’un bon acteur qui
sait improviser, qui aime ça, donnera beaucoup plus par rapport a une
histoire ou a son personnage. Qu’est ce qu’on sait d’ailleurs
de beaucoup de pièces de Molière? il est clair qu’il attendait
de ses acteurs qu’ils improvisent la scène de Zerbinette / Scapin,
le monologue d'Arpagon « la cassette de ma cassette », c’est
trois petits points, c’est clair que c’est Molière lui-même
qui devait délirer complètement certains soir en partant dans
des impros. Quand tu tiens le personnage ou une situation, il n’y a plus
de limites. On parle beaucoup de l’actor’s studios mais il y a beaucoup
de choses dans taxi driver qui ont été improvisées. La
fameuse réplique « You’re talking to me ? » devant
la glace c’est de l’improvisation pure de De Niro. Tu ne peut pas
écrire ça, tu ne peut pas écrire quelque chose d’aussi
juste que ça, tu ne peut pas l’imaginer, le cinéaste le
plus génial ne peut pas imaginer l’état précis de
l’acteur qui va arriver à la conclusion de dire ça, ce n’est
pas possible ou alors si il l’avais écris ça aurais donné
autre chose ou ça n’aurais pas été aussi bien. Moi
je trouve que c’est vraiment important mais il faut se préparer
à ça dans la structure du tournage, il faut prendre les acteurs
qui aiment faire ça, qui savent le faire.
Pour irréversible gaspard (Noé) m’a demandé d’improviser
la scène du métro pendant un quart d’heure alors j’ai
branché Monica (Bellucci) sur les choses de la vie, entre guillemets,
je connaissait très peu Monica et Vincent (Cassel) à l’époque
et je voyais Vincent qui se crispait au fur et à mesure de l’impro
par jalousie pure, c’était assez intéressant comme concept
et je trouve que la scène fonctionne très bien. On entend à
peine ce qu’on dit, c’était en prise de son direct, les acteurs
derrière n’étaient pas des figurants. Gaspard repousse les
limites d’un certain cinéma, je trouve ça très vivifiant,
c’est une des expériences les plus fortes que j’ai fait en
tant qu’acteur avec la maladie de sachs et le convoyeur qui va sortir
au mois de janvier.
Vous
pensez refaire un film avec Gaspard Noé ?
Il m’a branché sur le prochain, mais il veut faire un porno alors
je ne suis pas sûr (rires). Mais j’aime beaucoup Gaspard c’est
quand il veut y’a pas de problème, quitte à faire l’acteur
autant que ce soit avec des gens comme lui.
Sur
le festival on a vu plusieurs styles de making of différents, soit c’est
très technique, soit c’est un journal de bord, ou même juste
un témoignage d’un tournage. Pour vos films vous préférez
quels types de making of ?
Le making of de Bernie est un témoignage de ce qui c’est passé
sur le plateau, le Créateur était plus orienté vers la
technique parce que le projet était plus ambitieux et davantage tourné
sur la mise en scène. Le souci que j’ai c’est d’être
pédagogique sans être barbant, de montrer que le cinéma
ce n’est pas si compliqué que ça, montrer comment on découpe
un film, comment on le prépare. C’est un stage, un stage de cinéma
par le biais d’un making of. Si j’étais un gamin je voudrais
un making of qui me donne envie de faire du cinéma, ça permet
de voir que ça se passe bien, que c’est drôle. D’ailleurs
j’en ai vu deux trois qui étaient très enthousiasmants.
Vous
avez mis des commentaires audio dans chacun de vos Dvd, allez-vous continuer
pour vos prochains films ?
Quand je fais un Dvd mon souci est de donner des informations, si ça
peu aider quelqu’un à faire humblement du ciné. J’aime
bien ça, j’aime mes films c’est du vrai travail, du vrai
ciné, on est content de nous tout en restant très modeste et très
humble, sans se prendre pour Kubrick pour autant. Le Créateur c’est
beaucoup de travail, il n’y a pas eu beaucoup d’entrées à
l’arrivée ce qui est forcément une déception, Bernie
c’était beaucoup de rage et de folie et on à été
récompensés par le succès mais bon c’est la loi du
genre, tu grimpes un col et on t’attends pas forcément en haut.
Mais ce plaisir à faire des films, il faut qu’on en témoigne,
j’ai appris beaucoup de choses dans ces commentaires audio.
Etes
vous consommateur de DVD ?
Oui j’en ai près de 800, j’ai une salle exprès pour
les stocker et les regarder.
Propos recueillis
par Yannick Evain.