Interview de l'équipe du film On Va s'Aimer



Interview de l'équipe du film On Va s'Aimer

 

On va s’aimer est une petite comédie légère sur les trentenaires et l’amour (qui a dit encore une ?), assaisonnée de manières assez déconcertantes de scènes chantées et dansées par les acteurs. A l’occasion de la présentation du film au cinéma UGC Ciné Cité de Bordeaux, Dvdcritiques était présent pour recueillir les propos d’Ivan Calbérac (le réalisateur d’Irène,2001), de Julien Boisselier, Mélanie Doutey et de Gilles Lellouche (les acteurs entourant Alexandra Lamy).


Une adaptation qui n’en est pas vraiment une sur un sujet récurrent du cinéma français de ces dernières années. Ce second film d’Ivan Calbérac est en fait l’adaptation d’un film espagnol, El Otro Lado de la Cama (Emilio Martinez Lazaro), « mais qui n’était qu’un départ. J’ai réécris, en collaboration avec les producteurs, toute l’histoire, les dialogues, etc… » Et « je trouvais sympa d’inclure ces petits moments chantés, qui étaient dans le film espagnol. »

 

Le sujet (déjà le thème central de son premier film) commence à lasser. On peut donc légitimement se demander le pourquoi d’un nouveau film sur la question. Ivan Calbérac se défend en mettant en avant qu’à ses yeux, l’âge des protagonistes n’est qu’anecdotique, « ils pourraient très bien avoir 40, 20 ans. » Les vrais thèmes du film étant selon lui, « la trahison, l’amitié, la difficulté de créer un couple qui dure… »

 

L’objectif était de donner un côté vaudeville à l’histoire, de faire une comédie légère fondée sur l’intrigue ou le quiproquo mais en modernisant les situations. Mais une volonté osée et périlleuse de prendre un thème simple et à la mode, en essayant un exercice formel, surtout s’il s’agit de chants et de danse.


On connaît la chanson. Le film espagnol dont est inspiré On Va s’Aimer n’étant qu’un point de départ, il est possible de se poser la question de l’opportunité de garder l’option des scènes chantées par les acteurs. Mais hors de question pour Ivan Calbérac de se priver « de mettre des chansons que tout le monde connaît dans une histoire que l’on ne connaît pas justement », ce qui permet de donner « un côté super ludique, jubilatoire » au film.

 

De plus, il ne s’agit pas uniquement d’amuser la galerie. Pour Gilles Lellouche (A l’affiche de Ma Vie en l’Air de Rémi Bezançon en compagnie de Vincent Elbaz et Marion Cotillard en 2005 et scénariste-réalisateur de Narco en 2003 avec Guillaume Canet), « ces chansons étaient un plus. C’était clairement souligner le propos des personnages, ce qu’ils pensent à ce moment-là avec énormément de second degré. C’est évident que c’était une plus value pour le film. »

 

Mais une plus value nécessitant un long travail de recherche puisque Ivan Calbérac a du écouter quelque chose comme 500 chansons, « j’en ai écouté plein et il suffisait d’une phrase pour qu’une chanson ne soit plus utilisable dans le film. Je voulais vraiment que les chansons soient des extensions des dialogues du film. » Ce qui explique qu’aucun acteur n’ait eu envie d’apporter sa touche personnelle, Julien Boisselier reconnaissant toute la complexité de l’opération, « il fallait trouver des chansons qui collent aux situations », d’où sa volonté de ne pas se mêler de tout cela, alors que l’exercice lui est familier puisqu’il avait déjà du pousser la chansonnette dans le touchant Clara et moi (Arnaud Viard, 2003) avec Julie Gayet.

 

Les chansons couvrent essentiellement la période 1980-90 et elles ont toutes en commun l’adjectif populaire. Des chansons populaires donc. Le choix d’Ivan Calbérac s’est ainsi porté sur des chansons de Herbert Léonard, Bibi,…, « l’idée c’était de convoquer un inconscient collectif, par rapport à ces chansons. Avec ces chansons populaires, il y a un second degré immédiat. Ca créé un côté comique que l’on recherchait, qu’il y avait dans On Connaît la Chanson. » Il fallait donc éviter des chansons trop sérieuses, pour justement éviter de se prendre trop au sérieux, On Va s’Aimer ayant pour parti pris la comédie.


Le défi. Tous les acteurs le disent, il est souvent plus difficile de faire rire que d’interpréter des scènes dramatiques. Pourtant ils n’ont pas hésité lorsqu’il a été question de rajouter, à cette première difficulté, le chant et la danse. Une forme d’inconscience ? En tout cas les acteurs y ont, semble-t-il, pris beaucoup de plaisir. Gilles Lellouche nous confie que « chanter c’est super agréable, c’est libérateur » même si question danse c’était une autre histoire, « moi, il m’appelait bout de bois. La danse c’est compliqué, surtout que c’est de la danse contemporaine. Finalement on a allégé tout ça pour avoir moins de danse possible, à l’exception de Julien et Mélanie qui ont une vraie chorégraphie sur le pont. C’est beaucoup plus compliqué de danser que de chanter. »

 

Les chansons étaient donc réarrangées, puis les acteurs venaient en studio pour les enregistrer. Les ingénieurs gardaient les meilleures prises et les mixaient. Ensuite, sur le plateau, les acteurs chantaient en play-back.

 

Ensuite, un nouveau défi surgissait. Comment aborder ces scènes au niveau de la réalisation ? Pour éviter de nuire à la cohérence de l’histoire, il fallait qu’elles soient bien amenées, que tout reste fluide. Ivan Calbérac nous confie que « ce qu’il fallait soigner, c’était le moment où on basculait dans une scène chantée. On était à deux caméras pour ne pas avoir à refaire la scène trop souvent, une steadycam et une grue, une steadycam et une caméra en travelling. C’était toute une organisation avec les caméras, les danseurs, le play-back. »

 

Un défi qui a bien évidemment engendrer un petit peu de stress, comme nous le rapporte Gilles Lellouche, « une fois qu’on est sur le plateau, les caméras sont là, on se met à chanter du Herbert Léonard au milieu des tournesols sur un balcon, on se dit qu’est ce que je fais de ma vie quand même. Et puis le support de la musique, une fois que c’est parti vous aide. Soit on a peur du ridicule et dans ce cas-là on ne fait rien, soit on se lâche tout de suite et c’est un vrai bonheur. »


Les personnages selon les acteurs. Gille Lellouche ne voit pas du tout son personnage (François) comme un dur à cuire, « c’est pas l’Arme Fatale. C’est plutôt quelqu’un d’assez naïf. Il ne cherche pas vraiment le vice et donc il se fait mener en bateau. Il catalyse ce qu’il y a de plus fleur bleue en ce moment chez les garçons. Il est fidèle, amoureux. Il se fait avoir. »

 

Le personnage de Laurent pourrait apparaître comme quelqu’un qui semble pas très sûr mais qui choisit finalement ce qu’il veut faire, mais Julien Boisselier a plutôt l’impression que « c’est quelqu’un qui est victime des situations. Il pense qu’il va maîtriser un peu les choses et puis au fur et à mesure que la dramatique évolue, il s’empêtre. »

 

Quant au personnage de Camille, Mélanie Doutey (Clara Sheller) la voit comme « le personnage romantique. Elle croit plus en l’amour qu’en son couple. »

 

De la nécessité d’avoir de forts seconds rôles. Les personnages principaux sont bien sûr très importants, mais la présence de seconds rôles développés joués par de solides acteurs est tout aussi nécessaire à la réussite d’un film et au maintien de son équilibre. Ivan Calbérac précise que « les comédies romantiques ne sont jamais aussi agréables que lorsque les seconds rôles viennent apporter un contrepoint fort. Les personnages secondaires peuvent être plus décalés, ils ont une fonction moins narrative que les personnages principaux, responsables de faire avancer l’action. Ils peuvent donc être plus drôles, apporter un truc vraiment différent. »

 

Et lorsque ces personnages secondaires sont joués par Patrick Chesnais (le Bill Murray français selon son réalisateur) toujours fidèle à lui-même c'est-à-dire génial, la magnifique Anne Consigny (révélée au côté de Patrick Chesnais justement dans le délicat et très réussi Je ne Suis pas là pour être aimé de Stéphane Brizé, 2005) ou Claire Nebout, il va sans dire que le public est gâté et ne peut pas être déçu, du moins sur ce point là.

 

Peu de place à l’improvisation ? Du fait des nombreux passages chantés et dansés, il y avait évidemment peu de place à l’improvisation. De plus, Ivan Calbérac précise que « de toute façon, la comédie exige une précision, un vrai tempo. Une réplique, si vous la dîtes cinq secondes trop tard, elle est moins drôle. »

 

Pourtant, une fois les comédiens choisis, un nouveau travail d’adaptation commence. Il faut parfois réarranger certaines choses, des mots qui ne vont pas dans la bouche d’untel, l’acteur influant sur son personnage. Pour Julien Boisselier, « un scénario, à la base c’est un truc vivant. L’intérêt c’est de le violer un peu. Si on le respecte au millimètre…surtout dans ce genre de comédie où on est dans un registre moderne. C’est vraiment important de se l’approprier. A partir du moment où c’est pas du Shakespeare, même si c’est très écrit, on se doit de faire avec ce qui se passe dans l’instant, avec ce qu’on n’avait pas forcément imaginé avant de répéter ou de jouer. C’est ce qui fait que moi ça m’amuse. Un moment vous vous embarquez dans un truc où vous êtes à la fois dans la scène écrite et dans l’improvisation. C’est ce qui fait qu’il y a de la vie qui se créé d’un coup. On est à deux, trois et l’autre apporte aussi quelque chose. C’est ce qui fait que l’écriture n’est pas figée. »

 

 

Une histoire sympathique même si un brin conventionnel sur un sujet traité par au moins la moitié des films français sortis ces dernières années ; des acteurs à l’aise et manifestement ravis de faire partis de l’aventure. Pourtant, on reste un petit peu sur sa faim, et on a vraiment beaucoup de mal à sortir de l’épreuve de ces fameuses scènes musicales. De manière assez lâche, on vous dira « à vous de voir. »

 

Propos recueillis par Arnaud Herpin.