Après le très petit (Microcosmos) et le très haut (le Peuple migrateur), le cinéma vous invite à un documentaire sur le très profond : poissons, dauphins, orques, requins, crabes, et animaux des grands fonds plutôt indéterminés. C'est la BBC qui invite dans l'infiniment grand et bleu. Très profond, donc, mais très bien ?

La planète bleue
Titre original : Deep blue

Grande-Bretagne, 2003
Réalisateur : Alastair Fothergill, Andy Byatt
Acteurs : avec la voix de Jacques Perrin (Michael Gambon en VO, mais on n'a pas de VO chez nous)
Musique de : George Fenton
Durée : 1h30

L'histoire, c'est l'histoire de la vie et de la mort dans l'eau. C'est tout.
Le point de vue de Sébastien Keromen


C'est toujours difficile de faire un documentaire animalier au cinéma. Surtout lorsqu'on adopte l'approche artistique et découverte de la nature plutôt qu'informative. Atlantis (de Besson) s'y était cassé les dents, alors que Microcosmos et le Peuple migrateur avaient réussi leur pari. La Planète bleue s'inscrit dans ce genre : beaucoup d'images, de la musique, et peu de texte. Voyons donc séparément ces trois parties, en commençant par la dernière : le texte. Donnant un minimum d'informations (on n'a pas le nom de la moitié des bestiaux à l'écran), le texte se veut un maximum poétique. Vous savez, ces envolées lyriques lourdingues, totalement déplacées. Quelques exemples mémorisés spécialement pour vous : " La mort sans cesse engendre la vie ", " Dans le vide océanique, des nomades planent sans fin en quête de nourriture ". Tout le reste est du même tonneau. Et même la voix chaude de Jacques Perrin ne parvient pas à rendre le commentaire moins ridicule (mais on peut lui décerner une médaille pour avoir tout débité sans rigoler).

Côté musique, c'est partagé. Bon point : la musique accompagne le film tout du long (de toute façon, ça fait pas beaucoup de bruit, le fond de la mer). Et la musique en question est plutôt de bonne qualité, quoiqu'un peu classique. Le vrai problème, c'est l'adéquation avec les images : elle est trop adéquate. Je m'explique : dire que cette musique est démonstrative et envahissante est du même niveau que dire que les crocodiles ont des dents : la mère de toutes les litotes. On dirait un manifeste pour la disparition de la distanciation entre la musique et l'action. Un moment, on plonge dans une fosse de 11 000 mètres de profondeurs, je vous laisse imaginer comment l'orchestre (un philharmonique, tout de même) donne tout ce qu'il a. Bon, ça gâche pas tout, mais on se dit bien toutes les 10 minutes " elle va pas se calmer un peu, la musique ? ". Concernant la bande-son, on regrettera aussi que les réalisateurs, sans doute bien embêtés devant le manque de cris ou bruits venant des poissons, aient rajouté pour certains des bruitages qui évoquent plus un jeu vidéo ou une soucoupe volante que la vie sous-marine.
Revenons tout de même au point fort du film : les images. Si certaines font un peu déjà-vu et répétitif (pas mal de grands plans larges sur l'océan, plein de dauphins), tout en étant tout de même réussies, certaines sont complètement inédites et hautement impressionnantes. Citons par exemple un ban de seiches, un poisson-lune, un hippocampe ressemblant à du corail, des pingouins qui jaillissent de l'eau sur la banquise, un ours polaire qui attaque des bélougas, un pauvre ban de poissons attaqué à la fois par des requins et des fous de bassan... Et surtout des images des habitants des grands fonds, monstres et chimères venues des eaux obscures, évoquant presque des extra-terrestres, et quasiment jamais vus, à la télé ou au ciné. Quelques images sont un peu dures, notamment le fameux baleineau (bon, maintenant, ça lui fait une belle nageoire d'être fameux) dépecé par des orques (et rien n'obligeait le réalisateur à nous montrer la carcasse), mais les orques se font aussi vers le début un bébé otarie tartare, et personne ne semble leur avoir dit de ne pas jouer avec la nourriture. Cependant, les ralentis et les éclaboussures rendent ces images finalement supportables, et c'est presque plus dur quand on le raconte que quand on le voit. Ajoutons enfin que ces images sont techniquement irréprochables, et que seule la toute dernière technologie a pu permettre de filmer à cette profondeur.


De tout cela, reste une impression de bien belles images, très originales, mais formatées pour un documentaire télé plus que ciné, pour lequel il manque un point de vue, une " expérience ", comme dans le Peuple migrateur. Un beau film animalier, avec des images inédites, mais qui manque un peu de construction, d'information et de personnalité. Espérons que le film sur les baleines que prépare Jacques Perrin (ici, il n'assure que la VF, le documentaire est produit par la BBC) sera d'un autre niveau.

A voir ? : Pour les images
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, des images jamais vues, mais ça fait pas un film

Sébastien Keromen