Une promotion intelligente du SACD est-elle possible ? (Par Bruno Orrù)

C’est en effet la question qu’il est permis de poser alors qu’un grand distributeur spécialisé (Fnac) en accord avec les principaux éditeurs de ce format propose deux semaines de découverte. Au programme démonstrations et prix réduits pour inciter le consommateur à franchir le pas de la découverte. Toutefois, à découvrir les faibles et inadaptés moyens mis en œuvre et les prix supposés « réduit » il est peu probable que cette action porte de nombreux fruits.

La problématique des démonstrations ratées

Premier problème : alors que le SACD se vante d’être le format de la haute qualité, les espaces de démonstrations prennent la forme de ridicules satellites qui sont portés à leur limites physiques afin de diffuser des sons aussi insupportables qu’un vulgaire radio portable poussé à volume maximum. Bien sur, le courageux qui ose s’immiscer entre les cinq pauvres enceintes pourra peut-être déceler un intérêt au mixage multicanal… encore faut-il que le responsable du rayon ne passe pas des titres en stéréo comme cela à été le cas lors de l’un de mes passages.

La problématique des prix trop élevés

Deuxième problème, le prix. Alors que la Fnac promet des prix « vert » réduits, une grande majorité des titres est proposée à un prix moyen de 22 euros ! Comment est-il possible d’imaginer que l’amateur de musiques puisse avoir envi d’acheter un album SACD à ce prix alors qu’il est dans la plupart des cas il s’agit de ré éditions d’albums relativement anciens disponibles en collection économique à moins de 10 euros ! Bien entendu ce n’est pas le distributeur qui doit-être incriminé mais bel et bien le principal promoteur du SACD, Sony – Columbia qui n’arrive décidément pas à mettre en place une offre artistique cohérente et capable de véhiculer un intérêt de masse.



La problématique des stratégies de promotion

Troisième problème, les stratégies de promotion du format. La stratégie de Sony semble bien trouble en annonçant sur le papier des dizaines de nouveautés à prix abordable mais en ne proposant en pratique que peu de titres d’artistes de premier plan et sûrement pas au prix « juste » pour développer le SACD. Prenant en compte « l’age mur » du client cible consommateur de SACD, le développement du catalogue SACD ressemble à s’y méprendre à une compilation pour quadra. Cette offre à sa place mais doit obligatoirement être complétée par une offre liée à des nouveautés artistiques. Sur ce jeu, Universal propose d’ailleurs régulièrement une sortie conjointe CD / SACD comme pour le dernier album de Calogero ou la comédie musicale Gladiateur. Deux titres capables justement d’attirer l’amateur vers le SACD, proposé à un prix « nouveauté » raisonnable puisque l’écart entre version CD et SACD est inférieur à trois euros.

La problématique de la promotion presse

Quatrième problème, très important, la promotion presse du SACD est quasi inexistante ! Je contacte très régulièrement les différentes maisons de disques pour avoir des informations ou tenter de récupérer des exemplaires pour critique. Première constatation, le mot SACD est souvent inconnu des chefs de produits. Passons. Plus épineux, le développement d’une promo du support SACD est souvent bloqué par l’absence d’actualité pour l’artiste. Les maisons de disques rechignent en effet de débloquer de nouveaux budgets marketing pour la promotion d’un album déjà édité en CD depuis de nombreux mois. Avouons que leur réponse est logique ; lorsque le SACD de Florent Pagny par exemple est arrivé dans les bacs, le potentiel cible intéressé par la version SACD est infime face à la déferlante constatée sur les ventes de CD. Sur des titres d’actualité, le problème reste entier puisque les chefs de produits disposent de dizaines de CD pour la presse mais pas un seul SACD ! Le fond du problème est sans doute ici, le SACD est un support physique et son développement reste à ce jour lié à ses possibilités physiques et non pas à l’intérêt de son catalogue. Tant que cette barrière ne sera pas dépassée, il sera difficile de prévoir un relais presse efficace.

La problématique artistique

Cinquième problème, la problématique artistique. Le SACD (tout comme le DVD-Audio) trouvera sans aucun doute son public chez les amateurs de son surround. Pour que cette offre de programmes musicaux en multicanal s’étoffe, il faut qu’au préalable les artistes pensent en 5.1. C’est d’ailleurs un point incontournable pour que l’offre CD et SACD soit simultanée à la sortie d’un album. L’intérêt du 5.1 chez les artistes reste toutefois une grande inconnue ; d’après les informations que je peux recevoir c’est malheureusement une préoccupation peu développée et qui représente pour une grande partie d’eux un enjeu inexistant. Dans ces conditions, les quelques albums qui nous arrivent en 5.1 sont le fruit d’un travail d’ingénieurs du son. Si leur travail est généralement opéré en concertation avec l’artiste, il manque toutefois l’impulsion initiale de l’artiste pour imaginer une composition directement imaginée en multicanal et non pas en stéréo, puis transférée en espace surround. Ces programmes existent toutefois mais là encore, l’information n’est pas diffusée et en aucun cas inscrite sur la jaquette du SACD afin de susciter la curiosité ou l’intérêt du consommateur.

La problématique du mode de vie musical

Dernier problème, peut-être le principal, le marché de la musique surround existe-t-il ? Dans une époque ou la consommation se réalise en masse et à bas débit (MP3, WMA), la haute-définition surround peut-être rencontrer un large public ? Si l’on met de coté le prix trop élevé des SACD / DVD-Audio, c’est bel et bien la façon de vivre la musique qui est en question ; l’idée de l’amateur qui s’installe confortablement dans son fauteuil pour apprécier les prouesses d’un mixage multicanal semble dépassée. Il y a bien l’espace confiné de la voiture qui se révèle paradoxalement un lieu privilégié d’écoute (80% des sessions musicales sont réalisées en voiture !) et un lieu ou le multicanal peut s’exprimer confortablement. Le développement d’autoradio compatibles DVD-Audio se compte sur les doigts d’une main et ceux compatibles SACD sont tout bonnement inexistants. Encore une incohérence de stratégie préoccupante de la part de Sony, constructeur et éditeur pourtant principal promoteur du SACD !

Conclusion

Si comme une grande majorité des membres de l’équipe DVDcritiques vous avez un lecteur de DVD/CD compatible SACD, vous devez faire comme nous. Insister auprès des revendeurs pour faire remonter votre intérêt. Ecrire aux différents magazines spécialisés pour les inciter à développer l’offre de critiques de SACD. Si le marché reste timide, certains titres proposés cette année permettent de croire que l’offre SACD va toutefois s’intensifier dans les prochains mois. Un espoir beaucoup moins enthousiaste du coté du DVD-Audio, les différents plannings de sortie étant en grande partie gelés depuis plusieurs mois. Nous vous donnons de toute façon rendez-vous régulièrement sur le site pour des critiques SACD / DVD-Audio dans la mesure du possible.