End of the line - L'interview



A l’occasion de la sortie en DVD de son quatrième long-métrage, le très réussi End of the line, le réalisateur québécois Maurice Devereaux a accepté de se plier à l’exercice de l’interview pour DVDCritiques. Des propos très intéressants et sans aucune langue de bois.




01 Peux-tu te présenter aux lecteurs de DVDCritiques.com ?


J’ai toujours été un fan des BD et des films de science-fiction, d’horreur, de super héros, etc. Au départ, je voulais faire de la BD, mais en voyant les films de Spielberg, Lucas, Donner (Superman), j’ai développé un amour inconditionnel pour le cinéma. Le goût pour les films d’horreur est né avec les films de Carpenter, Romero, Argento, Raimi, etc. C’était mes idoles et je voulais les émuler. Donc, à l’âge de dix-sept ans, je me suis lancé dans la production de mon premier long-métrage Blood Symbol qui n’est sorti qu’en VHS aux USA. Puis j’ai enchaîné avec deux films disponibles en DVD en France, Lady of the Lake (Maléfices chez vous) et Slashers. Mais pour ceux qui ont vu et aimé End of the line, je déconseille de voir mes autres films, ils sont trop nuls …même s’ils ont été faits avec amour …




02 Comment t’est venue l’idée de End of the line ?


J’ai toujours été très méfiant vis-à-vis du concept de religion (peu importe laquelle) et surtout des extrémistes. Après le 11 septembre, l’histoire m’est venue d’un seul coup, en commençant par la fin. Je voyais très clairement le dernier plan.




03 Quel était le budget du film ?


Pour le tournage environ 300 000 dollars canadiens, puis j’ai dépensé environs 100 000 dollars en post-production, et aussi environ 100 000 dollars en frais divers (avocats, assurances, etc.). Au total 500 000 dollars canadiens, soit environ 250 000 euros.




04 Parle nous des différents décors. S’agit-il d’une véritable station de métro ?


Il est presque impensable de tourner dans le vrai métro à Montréal (ma ville). Ils voulaient 100 000 dollars pour cinq heures de tournage de nuit, vous imaginez la somme pour deux semaines de tournage …C’était impensable ! Donc, à part une scène sur le quai, qui a été tournée dans le métro de Toronto, dans une station fantôme qui ne sert que pour des tournages (plusieurs films américains y ont été tournés, comme Matrix), toutes les autres scènes de tunnels ont été réalisées dans un tunnel d’autoroute abandonné avec des rajouts d’effets spéciaux CGI (rails et métro). Tous les intérieurs de métro ont été tournés dans un ancien wagon de train, situé dans un champ (en plein soleil) dans un musée ferroviaire. La chaleur y était quasi insupportable …




05 Combien de temps a duré le tournage ?


21 jours, ce qui est très peu pour un film avec beaucoup d’effets.




06 Sur ce film, tu es à la fois scénariste, producteur, réalisateur et monteur. Ce cumul découle-t-il des impératifs financiers ou était-ce davantage une façon d’avoir un contrôle artistique complet sur ton œuvre ?


En ce qui concerne les postes créatifs, il est certain que c’est très chouette de pouvoir avoir le contrôle, de pouvoir s’exprimer librement. En ce qui concerne le financement, c’est vraiment la catastrophe. Je ne conseille à personne le stress de payer entièrement la production d’un film avec ses économies et de faire des emprunts à la banque comme j’ai fait. D’ailleurs, au niveau monétaire, « j’ai perdu ma chemise sur le film » comme on dit au Québec. Plusieurs compagnies qui me devaient de l’argent ont fait faillite sans me payer, et plusieurs m’ont carrément volé. Donc, malgré l’énorme succès critique, les prix, un accueil du tonnerre dans des festivals autour du monde et de nombreux fans qui adorent, le film ne m’a pas rapporté d’argent et mon avenir dans le cinéma est durement compromis …




07 Je trouve que les personnages des membres de la secte sont très intéressants, surtout au niveau des nuances que tu apportes entre les différents fanatiques. Etait-ce une volonté consciente d’éviter le cliché de l’illuminé « standard », interchangeable ?


Oui, je trouve que des méchants trop noirs sont moins crédibles et moins intéressants. Je trouve que, dans la vraie vie, plusieurs extrémistes croient vraiment qu’ils font de « bonnes actions envers Dieu » quand ils se font sauter avec des engins explosifs ou avec un avion dans une tour. À leurs yeux, ils sont « les justes ». Je voulais émuler cela dans mon film et avoir toutes sortes de niveaux de croyance chez mes fanatiques, de ceux complètement zélés qui croient sans aucun doute à d’autres qui se remettent en question et sont tourmentés.




08 La religion est un sujet sensible au cinéma, à fortiori dans une œuvre horrifique. As-tu eu des critiques par rapport au fait que les méchants du film soient des catholiques intégristes ?


Quelques-unes à peine, mais il faut croire que ceux qui seraient VRAIMENT offensés par mon film ne l’ont tout simplement pas vu. Si c’était un gros film hollywoodien qui serait sorti sur 4000 écrans, il y aurait sûrement eu beaucoup plus de controverse. Par contre, une fois, un illuminé religieux a pris la peine de trouver mon e-mail personnel pour m’écrire un tas de bêtises, il me traitait de tous les noms … Je lui ai dit que Jésus ne serait pas fier de lui, et je lui ai envoyé un extrait de la bible dans lequel Jésus dit « de pardonner et aimer ses ennemis ». Ainsi, lui-même ne suivait pas ses propres croyances (comme la plupart d’ailleurs) et était aussi coupable que moi d’être un pêcheur. Il m’a écrit de nouveau, et était tout perplexe, disant qu’il allait réfléchir et méditer à mes propos. Oh là là …




09 Le film se déroule uniquement dans le métro, mais on ressent une ambiance apocalyptique qui s’étend au-delà de ce microcosme. J’ai songé à John Carpenter, surtout celui de Prince des ténèbres, avec lequel ton film a d’ailleurs d’autres points communs. Carpenter est-il une des tes influences ?


Oui tout à fait, j’adore Carpenter, mais pour ce film, Romero est ma plus grande influence, surtout celui de La nuit des morts-vivants et de Martin.




10 J’aimerai avoir ton avis sur trois autres films fantastiques se déroulant dans le métro : Mimic, Creep et Midnight meat train.


Mimic, j’en ai vu un tiers seulement et je n’en garde presque aucun souvenir à part de la belle photo. Je crois que j’étais fatigué ce soir-là, et que le film ne me plaisait pas. Par contre, j’ai adoré Le labyrinthe de Pan. Creep : belle photo, belle comédienne, mais scénario débile et très copié sur le film britannique Raw meat que je préfère. Midnight meat train, je ne l’ai pas encore vu.


11 Qu’est-ce que l’aventure End of the line t’a appris de plus par rapport à tes trois premiers longs-métrages ?


La joie de travailler avec des comédiens professionnels pour une première fois. Ca m’a coûté beaucoup plus cher, mais le résultat est nettement meilleur que mes autres films.




12 Quels sont tes projets ?


J’ai écrit deux scénarios l’été dernier (un film d’horreur / fantastique et un suspense / thriller), mais je n’ai plus un rond. A moins que je réussisse pour une fois à trouver de l’argent et de l’aide externe, ça va prendre encore plusieurs années avant que je puisse tourner un autre film.




Propos recueillis par Julien Sabatier.
DVDCritiques - octobre 2009.



Remerciements à Maurice Devereaux pour sa gentillesse et sa disponibilité.