Adulé par beaucoup, Michael Mann nous délivre son nouveau film. Il entraîne Tom Cruise, pour son premier rôle de bad guy, et Jamie Foxx dans les rues sombres (parce que c’est la nuit) de L.A. Et il entraîne le spectateur dans un thriller dont l’action n’est pas que physique.
Collatéral
Titre original : Collateral
USA, 2004
Réalisateur : Michael Mann
Acteurs : Tom Cruise, Jamie Foxx, Jada Pinket Smith, Mark Ruffalo, Javier Bardem
Musique de : James Newton Howard
Durée : 2h
L’histoire
Max est chauffeur de taxi. Provisoirement, pour se faire du blé et monter son affaire. Provisoirement depuis 12 ans. Ce soir, il prend en charge Vincent, qui a cinq personnes à rencontrer. Mais la première de ces personnes fait une chute de 3 étages pour atterrir sur le taxi. Vincent est un tueur professionnel, et son contrat inclut encore 4 cibles.
Michael Mann est un réalisateur culte. Si, c’est ce qu’on m’a dit. Parce que personnellement, j’ai toujours trouvé qu’il faisait des films très moyens, avec une mise en scène un peu trop travaillée pour être honnête. Ainsi, j’ai trouvé le Sixième sens assez mou (pour ceux qui débarquent, on parle de LE sixième sens, soit la première adaptation ciné de Dragon rouge, y a pas de Bruce Willis ici), le Dernier des Mohicans ne m’a laissé aucun souvenir, je n’ai pas vu Heat, je me suis ennuyé à mourir à Révélations, et je n’ai pas du tout accroché à Ali. C’est dire comme, malgré les excellents échos, je n’attendais pas grand chose de Collatéral. Et à mon grand étonnement, j’ai plongé.
Si Collatéral est loin d’être parfait, il recèle un bon nombre de qualités. La première étant son thème. Non pas celui du tueur qui prend en otage un chauffeur de taxi, mais celui de la confrontation de deux personnages qui ont déjà une idée bien arrêtée de la vie, et qui vont les confronter, à la fois pour passer le temps et pour tenter d’influencer sur le dénouement de l’histoire. Ainsi, si les dialogues n’évitent pas quelques lieux communs, leur confrontation permet d’aller plus loin, de remettre en question l’identité des deux hommes. Chacun va d’ailleurs plus ou moins se projeter dans l’autre, lui donnant des conseils ou imaginant sa vie. Le paroxysme de ce principe est atteint lorsque Max, le chauffeur de taxi, doit se faire passer pour Vincent, le tueur.
Cette confrontation psychologique est le vrai moteur du film, et permet de pardonner les quelques facilités scénaristiques que le film se permet (l’appel radio qui éloigne les flics juste au moment où ils allaient découvrir un cadavre, on pensait qu’on n’y aurait plus jamais droit !) et autres coïncidences bien pratiques. Mais le véritable intérêt réside dans les dialogues, trouvant le juste milieu entre trop plats et trop écrits, donnant au tout un caractère de véracité qui lui donne plus de poids. Le suspense se transforme ainsi d’un rapport de force par revolver interposé à un bras de fer de convictions, entraînant tour à tour chacun des deux personnages en terrain inconnu, dans l’univers de l’autre.
En plus de cela, le film présente un bien bel emballage. La réalisation est de haut niveau, et à part un peu trop d’excitation au début (pas la peine de changer d’angle toutes les minutes quand deux mecs discutent), elle porte le film sans l’entraver. La scène de la boîte de nuit est ainsi un morceau de bravoure, entraînant le spectateur dans un ballet de violence d’une virtuosité sans faille. Malgré l’utilisation d’une caméra DV, l’image n’est quasiment jamais neigeuse, et on sent la liberté qu’a apporté cette technique – gros plans, ballade en ville, plans à l’intérieur de la voiture, dans la boîte de nuit, mariages, baptêmes, bar-mitsvas, ah non je me trompe. La musique, ni bonne ni mauvaise, se montre assez discrète, sauf au début (en mal) et à la fin (en bien). Côté acteurs, sans performance hors du commun, Tom Cruise et Jamie Foxx nous livre un beau face-à-face toute en retenue. Le rythme est soutenu, après un démarrage tranquille (pour poser les personnages), et les personnages ont en général un coup d’avance sur le spectateur, ce qui est toujours bon signe pour le garder en éveil. On regrettera juste le dernier mouvement du film, qui tombe dans le thriller le plus classique, même si bien fait. Dommage.
Collatéral est donc un bon film. Vous m’excuserez de me tenir à l’écart de tous ceux qui ont dû interrompre leur prosternation devant Michael Mann pour écrire leur critique, mais Collatéral est juste un bon film. Peut-être très bon, allez. Si vous faites partie de ceux qui n’en peuvent plus d’attendre chaque nouveau Michael Mann, vous l’adorerez probablement autant que les autres. Si vous restez calme à l’annonce de son nom, vous pourrez toujours profiter d’un film qui est finalement presque original et inattendu, et de plus réussi.
A voir : pour un film solide et tendu
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, vous y trouverez bien quelque chose qui vous plaira
Sébastien Keromen