On ne peut plus parlant comme titre ! Ce film militant explique les raisons du naufrage économique de l’Argentine ; naufrage qui a débuté à la fin des années 1970 et dont nous n’avons ressenti les tout derniers remous ici en Europe qu’en 2001 à l’occasion des gigantesques manifestations illustrées par cette affiche.

Titre original : El Memoria del saqueo
Origine : Argentine, France, Suisse
Année :2003
Date de sortie en France: 29 septembre 2004.
Type : Documentaire
Durée : 2 heures
Réalisateur : Fernando Solanas
Récompenses : Ours d’or d’honneur du festival de Berlin 2004.

Taillée à la manière d’un documentaire louvoyant entre la dénonciation et l’investigation à la manière d’un Fahrenheit 9-11 la présentation des faits emprunte à la structure du roman : 10 chapitres dont le déroulement s’efforce de suivre une trame chronologique.

Mais avant de parler du fond, je vais dire quelques mots sur la forme. Certains trouvent cette œuvre (l’apport de ce film est tellement important que ce qualificatif n’est pas excessif) esthétique mais ce n’est pas mon avis malheureusement. Une grande partie des images sont des images d’archives, pour certaines, prises au caméscope. Elles sont brutes et c’est d’autant mieux qu’il serait dommage que sur un thème comme celui-ci l’esthétique l’emporte sur le contenu. Cette brutalité des images souligne encore plus cette réalité qui est le quotidien des argentins – et déjà en Europe celui de certains.

Côté bande musicale, ce n’est pas non plus transcendant. Dans la quasi totalité du film, des violons – tristes - et autres instruments à cordes meublent le silence des images. Vers la fin, le changement est brutal mais je n’en dirai pas plus…



 Ce film témoigne de la situation dramatique de " l’autre Argentine ", de l’Argentine cachée. Que dire lorsque 80% des enfants dans les villages sont sous-alimentés ? Pour un pays qui était connu auparavant comme " le grenier du monde ", on imagine qu’une telle dégringolade, qui plus est en temps de paix, n’est pas anodine.



Nous traversons les époques sous les yeux de Solanas, nous sommes témoins du génocide social commis avec la complicité du FMI et des multinationales comme France Telecom, Suez, Vivendi, le Crédit Suisse ou Citi-Bank. En effet, la famine règne dans les campagnes ; les enfants se nourrissant sur les tas d’ordures aux côtés de chiens et chevaux errants - que dire !



Un système mis en place depuis la dictature de Videla qui reprend au compte de l’Argentine la dette privée des grandes multinationales installées dans ce pays. On apprend que 50% de la dette argentine est privée. De plus, les dictateurs aux pouvoir, avec le soutien du FMI décident de brader les biens nationaux pour leur enrichissement personnel et le financement des partis politiques. Le mécontentement naît très tôt parce que les différents pouvoirs en place font porter le poids de cette dette injuste sur le dos du peuple qui n’en bénéficie même pas. Solanas pose une question d’importance : peut-on parler de dette publique lorsque celle-ci ne bénéficie même pas au peuple ? Un ancien président américain, alors président de la Cour Suprême a tranché en 1923 par la négative et conclut que la dette devrait être alors effacée.
 

Le film montre également l’échec de la solution répressive face aux mouvements populaires, l’échec de la politique néolibérale, la trahison du peuple par la démocratie, par ses propres députés.



Mais Solanas termine sur une note d’espoir qui annonce peut-être son prochain témoignage :
Cantos de una Argentina latente! (Chants d'une Argentine latente!), un film qui décrit des histoires humaines très fortes illustrant la solidarité et l'espoir de ceux qui ont résisté.



Courrez le voir, vous en sortirez instruit et rempli d’espoir !


Ata Quadjovie.

Biographie du réalisateur
 : (extraits du site web " La République des Lettres ")



" Fernando Solanas, né à Buenos-Aires en 1936, est l'auteur en 1967 de L'heure des brasiers, un premier long-métrage documentaire engagé tourné clandestinement, qui démontait et critiquait déjà radicalement les arcanes du pouvoir et les réalités socio-politiques de l'Argentine de l'époque. Il a ensuite réalisé entre autres Peron (1971), Les Fils de Fierro (1972), Le Regard des autres (1981), Tangos, l'exil de Gardel (1985), Le Sud (1988), Le Voyage (1992) et Le Nuage (1998), tous plus ou moins consacré à l'histoire contemporaine de son pays. Solanas, artiste militant menacé de mort, exilé, victime d'attentat politique (dans Saccage, on le voit d'ailleurs quelques instants sur des images d'archives, marchant avec ses béquilles lors d'une manifestation de mai 1991 contre les privatisations, après avoir reçu six balles dans les jambes), est un combattant qui a toujours oeuvré pour ses idées. "