Sorti depuis quelques mois au Japon et auréolé d’un très beau succès au box-office, il va sans dire que le nouveau Miyazaki se sera fait attendre. Bruits de couloirs, Prix Osella au 61e Festival du film de Venise 2004, la pression est montée très rapidement. A juste titre ? La réponse ne tient qu’à un clic...

Le chateau ambulant
Titre original : Howl's moving castle
Japonais, 2004
Réalisateur
 : Hayao Miyazaki
Adapté du roman Archer's goon de Diana Wynne Jones 
durée : 1h59

L’histoire
Lors d’une sortie en ville, Sophie, 18 ans, fait la rencontre de Hauru qui la sauve des mains d’étranges personnages. Se méprenant sur leur relation, la sorcière des Landes jette une malédiction sur Sophie par jalousie et la transforme en une vieille femme de 90 ans. Elle décide alors de s’enfuir et tombe sur le château ambulant de Hauru. Elle finit par être engagée comme femme de ménage en cachant sa véritable identité.
Immédiatement, la patte du maître est reconnaissable. Le dessin est fidèle à son auteur, c’est-à-dire, simple et efficace. Miyazaki s’est d’ailleurs inspiré d’un voyage dans l’Est de la France (après avoir visité le marché de Noël de Strasbourg en fait) pour représenter la ville où réside Sophie. Et on peut dire que le résultat est réussi : maisons à Colombages, bâtiments impressionnants, petites ruelles, la reconstitution est brillante. L’animation fait elle aussi des merveilles, le château ambulant se meut admirablement. Du côté de la musique du film, pas de surprise, c’est Hisaishi qui s’y colle pour le plus grand plaisir des oreilles. Vous l’aurez compris, sur la forme, c’est un sans faute.
Dans son précédent film, le voyage de Chihiro, le thème principal était le passage à l’âge adulte pour notamment aboutir en une confiance en soi de l’héroïne. Ici, le film s’intéresse davantage au manque de confiance de Sophie. Cette dernière ne se trouve pas belle et semble en pâtir. Je dis « semble » car  le film l’énonce succinctement et c’est pourquoi on aura dû mal à s’identifier au personnage ou du moins à le comprendre. Mais le film aborde d’autres thèmes comme la vieillesse mais surtout, et ce sera le principal, l’amour, véritable moteur du film que Miyazaki va utiliser avec talent. Sans trop en dévoiler, l’âge de Sophie, et donc son apparence physique variera selon ses émotions, ses rapports avec Hauru.


Tous les personnages ont un point commun, ils sont tous atteints d’une malédiction. Sophie s’est ainsi vu transformée en vieille femme. Celle d’Hauru est plus mystérieuse, on apprend seulement que sa malédiction est liée à celle de Calcifer, un démon de feu condamné à alimenter le château d’Hauru. La révélation de cette malédiction est certainement la plus belle idée du film. Si l’attachement au personnage de Sophie se fait attendre, le charisme de Calcifer opère dès les premières images grâce à une animation ingénieuse et un humour qui fait mouche. Le film est drôle, très drôle même et ravira un public jeune sans toutefois laisser les adultes de côté.

Le film rappelle beaucoup les précédentes réalisations de Miyazaki, le voyage de Chihiro bien entendu, comme précédemment énoncé, avec ce voyage initiatique pour inverser une malédiction (mais aussi dans certains passages comme celui où Hauru, se laissant aller, se liquéfie littéralement et qui fait irrémédiablement penser au Dieu venu prendre un bain dans les thermes où travaille Chihiro). On pense également à Kiki, la petite sorcière ou le château dans le ciel. Pourtant, le château ambulant est à la fois similaire et différent. Différent dans le sens où la magie n’est pas aussi efficace qu’à l’accoutumée. On a certes le droit à des scènes magnifiques - incroyable montée des marches du palais (pas celui du festival de Cannes, rassurez-vous) -  mais Miyazaki ne laisse pas le temps au spectateur de les apprécier. Il enchaîne les plans avec frénésie en oubliant au passage l’émotion… De même, la fin du film, bien que lui offrant une des plus belles scènes, semble légèrement bâclée sinon expédiée. Les intentions des personnages sont finalement assez floues, la guerre en trame de fond (mais vraiment tout au fond) bénéficie d’une conclusion une nouvelle fois rapide et même un peu facile.


Malgré ces quelques bémols, le château ambulant reste un très beau film avec un tempo qui ne souffre d’aucun temps mort ou presque. S’il n’atteint pas l’excellence de Princesse Mononoké, l’œuvre majeure du génie Miyazaki, le film ne fait pour autant pas tâche dans la filmographie de ce dernier. Intelligent, riche, drôle… A voir absolument.

A voir : pour Calcifer, l'épouvantail (tête de navet), le chien toussotant...
Le score presque objectif : 8,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, c'est Miyazaki, ça ne se loupe pas.

Christophe Butelet