Alejandro Amenabar est le petit génie du cinéma espagnol. Inutile de dire qu’après un parcours que l’on pourrait qualifier de sans-faute, son nouveau long métrage est attendu au tournant. Pourtant à la lecture du synopsis, le doute nous assaille. Qu’en est-il réellement ?

Mar Adentro

Espagne, 2005
Réalisateur : Alejandro Amenabar
Acteurs : Javier Bardem, Belen Rueda, Lola Duenas, Mabel Rivera...

Durée : 2h05


L’histoireA la suite d'un accident dont il a été victime dans sa jeunesse, Ramón ne peut plus bouger que la tête. "Enfermé dans son corps", il vit depuis presque trente ans prostré dans un lit. Sa seule ouverture sur le monde est la fenêtre de sa chambre à travers laquelle il "voyage" jusqu'à la mer toute proche ; cette mer qui lui a tant donné et tout repris. Pourtant très entouré par sa famille, Ramón n'a plus qu'un seul désir : pouvoir décider de sa propre mort et terminer sa vie dans la dignité...


Avant de parler de ce qui nous intéresse ici, revenons un peu sur la filmographie d’Amenabar. En 1996, Tesis, son premier long métrage, sort sur les écrans. Thriller glauque se déroulant dans l’univers des snuff movies doublé d’une réelle réflexion sur la violence au cinéma et la distinction entre fiction et réalité. Le film remporte un succès immédiat largement récompensé. Il enchaîne en 1998 avec un nouveau thriller, fantastique cette fois-ci, connu en France sous le nom d’Ouvre les yeux. Emouvante histoire d’amour qui balance entre rêve et réalité. Le film plaît tellement qu’un remake verra le jour sous le titre Vanilla Sky réalisé par Cameron Crowe. Hollywood lui fait les yeux doux et en 2001, Alejandro Amenabar tourne son premier film en anglais, Les Autres, avec Nicole Kidman dans le rôle titre. Pourtant, il ne perd rien de son talent et signe un conte fantastique rempli d’émotions.Ce qui nous amène à ce Mar Adentro qui change complètement de registre avec un genre beaucoup moins atypique et casse-gueule, le mélodrame.


Le réalisateur opère ainsi un tournant à cent quatre vingt degrés en traitant du droit à l’euthanasie. Le film s’inspire ainsi de la vie de Ramon Sampedro devenu tétraplégique à la suite d’un accident et qui s’est battu durant vingt-neuf ans pour obtenir ce droit. Il est clair que l’on s’attend à une histoire larmoyante et c’est en partie vrai. Même si Amenabar n’appuie jamais trop l’émotion, il réussit un peu trop bien à nous tirer les larmes des yeux mais sans forcément tomber dans la facilité et pas toujours là où on l’attendait. Le trait n’est pas grossi et le film sonne juste la plupart du temps. Si le prodige espagnol nous avait jusque là habitué à des réalisations de hautes volées (pour mémoire, rappelons qu’avec Shyamalan, il manie le hors champ comme personne), le film n’y est évidemment pas propice. Ce qui n’empêche pas Mar Adentro d’être très bien réalisé et de nous offrir quelques magnifiques envolées lorsque Ramon s’imagine s’évadant par la fenêtre de sa chambre pour voler au-dessus de la mer.
La grande force du film, et ce dernier repose pratiquement entièrement sur cette interprétation, c’est Javier Bardem. Il compose un personnage admirable d’abnégation qui est prêt à tout pour qu’on lui laisse la liberté de mourir. Ramon ne veut pas que l’on s’apitoie sur son sort et à aucun moment ne remettra en cause son choix. S’il est évident qu’Amenabar respecte et comprend ce choix, il n’imposera jamais celui-ci au spectateur ou exprimera une quelconque morale. Il raconte simplement l’histoire de Ramon. A chacun son opinion. Pourtant, si Ramon n’aspire qu’à trouver la mort, il va connaître des instants de joie, d’amitié et même d’amour sans ne jamais rien regretter. Cloué sur son lit, il est entouré de son frère, qui n’accepte pas sa volonté de se donner la mort, de sa belle-sœur qui bien que ne l’acceptant pas elle non plus, mettra tout en œuvre pour aider Ramon en lui apportant tout son amour. Il connaîtra des instants intimes avec une avocate infirme comme lui qui sera ainsi à même de le comprendre et fera la connaissance d’une inconnue touchée par son histoire. Tout ce petit monde sera déchiré entre respecter le droit à l’euthanasie demandé par Ramon et la profonde tristesse de le voir partir. Ce dernier, au centre de ce microcosme, ne perdra jamais de vue la destinée qui l’attend et ne s’en écartera jamais, il fera même preuve d’une sérénité parfois trop appuyée.


Si on ne peut pas vraiment parler de déception, Mar Adentro ne réserve au final aucune surprise. Si on peut regretter une musique lacrymale omniprésente, le plus gros reproche que l’on peut faire à la dernière réalisation d’Amenabar est de trop bien respecter les ficelles du genre, d’être conventionnel. Le film n’est pas mauvais, il remplit juste sa fonction de mélodrame… sans génie.

A voir : pour la très bonne composition de Javier Bardem.
Le score presque objectif : 5,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : 0, si vous n'avez rien d'autre à voir, pourquoi pas...

Christophe Butelet