Vous avez toujours rêvé de tout savoir sur les manchots empereurs, et de les suivre dans leurs longues marches sur la banquise ? Luc Jacquet a exaucé votre rêve : presque une heure et demie de manchots. Pour les amateurs.

La Marche de l’empereur
France, 2005
Réalisateur
 : Luc Jacquet
Avec les voix de : Charles Berling, Romane Bohringer, Jules Sitruk
Musique de : Émilie Simon
Durée : 1h20

L’histoire
Les manchots empereurs vont se reproduire, élever leur petit et repartir. Mais qu’il fait froid !


La critique

Quelle connerie le manchot a bien pu dire à Dieu lors de la Création ?
En tout cas, il a dû carrément Le vexer, pour qu’Il lui ait imposé cette vie à la con que dépeint ce film. Je vous la résume en deux mots : par –40°C, les mâles et les femelles se relaient pour aller chercher du poisson (quelques jours de marche aller, et la même chose au retour), pendant que l’autre s’occupe de l’œuf (ou du poussin après la naissance) avec obligation de le garder en équilibre sur ses pattes, même quand il marche, pour ne pas toucher la glace. Y a des volontaires pour échanger ses vacances au Club Med avec la vie d’un manchot empereur ?
Si Dieu hait les pingouins, le réalisateur les aime (d’accord, c’est pas des pingouins, c’est des manchots, mais le mot pingouin est beaucoup plus rigolo et vous me permettrez de l’utiliser dans le reste de la critique). Faire un film entier juste à filmer les pingouins qui marchent demande une certaine vocation de sa part. Ça demande aussi une certaine vocation du spectateur pour ne pas se lasser. Déjà que d’autres documentaires plus variés deviennent lassants au-delà d’une heure, la Marche de l’empereur peut lasser en 1/4 d’heure si vous espérez voir de nouveaux bestiaux toutes les cinq minutes. Un pingouin, un autre pingouin, une pingouine, des tas et des tas de pingouins. Et au bout d’environ 3/4 d’heure, des pitits piafouillous pingouins, vachement craquants faut bien le dire. Heureusement que c’est tout de même une belle bête (c’est pas un manchot empereur pour rien), ça aide à faire de belles images.


On ne peut pas dire que le réalisateur ait négligé quoi que ce soit pour nous plonger dans l’intimité des pingouins
 : plans larges, gros plans, plans subjectifs (il me semble même avoir repéré des plans de caméras embarquées sur les pingouins). Pour structurer le film et l’histoire, il utilise des dialogues qui racontent l’histoire du point de vue des pingouins, un mâle, une femelle et leur petit (je vous rassure, c’est de la voix off, ils n’ont pas essayé de synchroniser les mouvements de bec). Si le texte relève d’une ambition un peu poétique, il arrive à rester digeste, à l’inverse des commentaires ampoulés à l’extrême et lourds comme du confit de loukoum auxquels on a pu avoir droit sur d’autres documentaires (La Planète bleue ou La Terre vue du ciel, pour ne pas les citer). La musique, style new age en tout de même un peu plus musclée, colle plutôt bien à l’image, sans être toutefois inoubliable.


Au final, 1h20 de pingouins qui marchent.
Quelques belles images, quelques images dures (c’est pas un happy end pour tous les pingouins), quelques morceaux de bravoure (on a vraiment froid pour eux quand on les voit résister au blizzard), quelques images rigolotes et quelques pingouinous mignons. C’est un peu limite pour occuper tout le temps, et plus d’un spectateur s’ennuiera assez vite. D’autant plus que le film raconte l’histoire du point de vue des pingouins, donc sans information chiffrée et précise. On aurait bien aimé savoir exactement quelle distance parcourent les pingouins pour aller pêcher, à quelle vitesse ils marchent avec leurs toutes petites pattes (sans doute, à la fin, le manchot avait tiré la langue à Dieu), ou même quel est ce piaf qui les attaque et se fait un bébé tartare au déjeuner (on ne se contente pas de " longues-ailes ", ou un truc du genre). Pour ceux que ça intéresse, l’oiseau en question est un pétrel géant, et le phoque qui les chasse sous l’eau un phoque léopard (merci Internet). Voilà typiquement un aspect qui aurait permis de relancer un peu l’intérêt du film. Ça doit bien être possible de faire un documentaire mi-poétique mi-éducatif, que diable. En l’occurrence, ce film poétique sur des manchots qui ne le sont pas moins reste un peu longuet pour emporter l’adhésion.

A voir : pour les pingouins, les paysages, le tour de force
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, on s’embête, quand même

Sébastien Keromen