Jacques Audiard n’est pas un réalisateur très prolifique, puisque voici son seulement quatrième film en 12 ans. Mais qu’on les apprécie ou pas, chacun de ses films a marqué (Regarde les hommes tomber, Un héros très discret, Sur mes lèvres). Voici aujourd’hui sa dernière œuvre qui donne à Romain Duris l’un de ses meilleurs rôles, dans un film à fleur de peau.

De battre mon cœur s’est arrêté
France, 2005
Réalisateur
 : Jacques Audiard
Acteurs : Romain Duris, Niels Arestrup, Aure Attika, Jonathan Zaccaï, Emmanuelle Devos
Musique de : Alexandre Desplats
Adapté du film Mélodie pour un tueur (1978, James Toback)
Durée : 1h47

L’histoire
Tom est dans l’immobilier, filière magouilles, comme son père. Mais une rencontre inattendue va le remettre sur le chemin de son rêve d’enfant : suivre plutôt les pas de sa mère et se mettre au piano. Entre inspiration musicale et dure réalité quotidienne, Tom trouvera-t-il sa rédemption ?



La critique


Jacques Audiard a un style bien à lui. Tous ses films ont en commun d’être près des personnages : plans rapprochés, pas ou peu de scènes sans les protagonistes dont on suit le point de vue. Ici encore, on va rarement décoller de Romain Duris, et tant mieux puisqu’il est ici absolument remarquable, et vaut à lui tout seul le déplacement. Tour à tour antipathique, émouvant, violent, tendre, effrayant ou attendrissant, il nous scotche de la première à la dernière image du film. Cela n’enlève rien au talent des autres acteurs, mais il emporte facilement et largement notre adhésion unique, éclipsant ses partenaires. Suivi de près par une caméra très mobile (à l’épaule, tendance non parkinsonnienne), son personnage nous emmène dans son quotidien peu reluisant mais espérant la rédemption. Son charisme, couplé à cette mise en scène en immersion, entraîne une identification du spectateur quasi instantanée avec son personnage, alors que sa conduite est difficilement justifiable et qu’il était alors difficile de se projeter dans ce personnage.


Le début du film est ainsi un véritable coup de poing
, où le spectateur déambule dans la vie aussi peu ordonnée que recommandable de Tom, découvrant ses magouilles, ses amis, son père, et surtout Tom lui-même. Le tout sonne parfaitement vrai, presque trop vrai pour du cinéma. Même la musique, discrète mais réussie, ressemble presque à la perception qu’on peut avoir d’une situation, plutôt qu’à une musique qui souligne l’action. Une fois les présentations faites et le spectateur plongé dans le personnage, l’histoire peut commencer. Et le thème du film se dessine : la rédemption dans la musique. Oui, vous venez de voir ça dans les Choristes, mais je vous garantis que les deux films ne se ressemblent pas ! Nous suivons l’évolution de Tom de son personnage terre à terre et malhonnête (ou du moins combinard) vers son idéal artistique. Et c’est là le point faible du film, le seul mais tout de même embêtant : si cette recherche de l’absolution n’ennuie pas, elle reste très linéaire et manque vraiment de surprendre. À part quelques clichés évités (et heureusement), on sait toujours ce que le personnage va faire, quelle direction il va prendre. Seul peut-être l’épilogue, maladroitement placé après un saut de deux ans, ne suit pas l’évolution qu’on croyait tracée d’avance.


De battre mon cœur s’est arrêté
(beau titre, qui donne un ton au film sans vraiment s’y rapporter) reste un film superbe et impeccablement réalisé et interprété. Il dégage une impression rare de tangibilité, de vérité, d’histoire à fleur de peau, de réalisme. Les scènes alternent humour, violence, sensualité et vie quotidienne sans perdre l’unité du film. Cela donne un film un côté bijou, objet précieux ciselé avec précision, quelque chose dont on se souviendra. Après, selon la sensibilité du spectateur et ses attentes, l’histoire pourra être touchante ou légèrement ennuyeuse. Un petit goût de trop peu, de répétition dans les scènes, d’évolution trop linéaire. Ce qui empêche le film d’accéder au rang de grand film, mais il n’en reste pas moins un film qui restera.

A voir : pour un film sacrément bien fait et pour Romain Duris
Le score presque objectif : 7,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, un peu décevant mais tout de même mémorable

Sébastien Keromen