Amateurs de Planète et autres chaînes écologiques, voici La Vie aquatique, dernier film du texan Wes Anderson. Ce film sous-marin, avec Bill Murray en tête d’une pléiade d’acteurs américains connus, nous raconte l’histoire d’un vieux loup de mer sur le retour. Cela prouve qu’une belle distribution n’est pas une raison suffisante pour qu’un film ne sombre pas à pic…
La Vie aquatique
Titre original : The life aquatic with Steve Zissou
Etats-Unis, 2005 (Année de production : 2003)
Réalisateur : Wes Anderson
Acteurs : Bill Murray, Angelica Huston, Willem Dafoe, Jeff Goldblum, Cate Blanchett
Durée : 1h58 min
L’histoire
Zissou, océanographe, mène une expédition dans le but de retrouver (et très probablement de tuer) le requin-jaguar qui a dévoré un fidèle ami. Dans son équipe sont présents entre autre son possible fils Ned Plimpton, une journaliste enceinte Jane Winslett-Richardson et sa femme Eleanor, le cerveau de la « Zissous Team ».
Zissou va affronter de multiples dangers pour assouvir sa vengeance…
La critique
Wes Anderson n’est pas un réalisateur prolifique. De même que Bill Murray, il choisi ses films avec parcimonie, ce qui est plutôt une bonne chose compte tenu des épaves qui s’échouent sur nos écrans de cinéma. Son précédent film, La Famille Tenenbaum, racontait la vie d’une famille répondant parfaitement à l’adage "Famille, je vous aime, Famille je vous hais". Le film a eu un franc succès, mais manquait (à mes yeux, j’entends) d’une certaine présence, d’un cachet. Bref, malgré une distribution exemplaire, le film présentait un manque de personnalité lui donnant un effet de transparence somme toute désagréable. Et re-belote, l’impair nous revient aujourd’hui dans La Vie aquatique.
On déchante rapidement lorsque l’on constate à quel point le film est long et lent à démarrer.
On ne rentre dans le vif du sujet qu’après cinquante minutes, c’est beaucoup trop à mes yeux. La présentation et la mise en place du contexte sont importantes, certes, mais pas aux dépens du reste car le début est extrêmement fastidieux et annonce les prémices d’un ennui qui fini par vous tarauder tout au long du film. Le fameux départ tant espéré ne comble pas les espoirs attendus car le rythme, trop destructuré, nuit à l’ensemble. Ce ne sont malheureusement pas les petites scènes d’actions (par exemple, l’attaque des philippins) qui égayent la chose. La musique, un peu exagérée, paraît à chaque fois survenir pour soutenir le film et pour lui insuffler un souffle qu’il ne parvient décidément pas à avoir.
Le film est ponctué de faces à faces (Zissous/son fils, Zissous/Hennessey…) qui restent sans effet. On devine bien que la poursuite du requin-jaguar n’est qu’un prétexte pour une aventure humaine, mais elle manque de mordant, cette fameuse aventure humaine… elle manque du même ingrédient qui faisait défaut à La famille Tenenbaum : malgré de grands acteurs, il faut un film avec de la personnalité.
La direction des acteurs pourrait être vraiment soumise à caution.
Véritable proue du navire qu’est La Vie aquatique, Bill Murray trimballe son registre d’homme las, harassé par les évènements, quasi fatigué de la vie d’un bout à l’autre du film. Ce registre, utilisé pendant presque deux heures, fini par lasser puisqu’il apporte peu au film et nous fait même nous en détacher. Entendons nous bien, cet acteur est à mes yeux formidable, mais plus de nuance aurait servi au film pour lui apporter plus de tenue... On est bien loin d'Un jour sans fin...
De plus, une histoire sur l’eau est bien belle, mais à moins d’être Steven Spielberg, il faut y apporter beaucoup de rigueur et une solide et rythmée réalisation (ou à défaut un scénario exaltant et des dialogues marquants), bref par un soutien sans faille. Le plantage de bien des films en milieu aquatique le prouve (Anaconda, Peur Bleue…), et ne me parlez pas de Titanic, s’il vous plaît.
Les acteurs sont bien sûr importants et ces derniers sont bien présents : le seul aperçu de l’affiche de La Vie aquatique fait saliver : Bill Murray, Angelica Huston, Willem Dafoe, Jeff Goldblum… De véritables tronches du cinéma d’aujourd’hui, me direz vous ! Leur potentiel (énorme) a l’air d’être complètement resté au vestiaire… Ils ont beau interpréter des "marins", à les voir à l’écran, ils paraissent tous en apnée totale, aucun ne bénéficiant de l’espace suffisant pour s’exprimer.
Est-ce un choix délibéré de Wes Anderson ou les hasards d’un cachet trop peu lucratif ? Une telle brochette d’acteurs sous utilisés de la sorte est un réel gâchis car ils auraient pu (et dû) combler les déficiences d’une histoire archi-téléphonée (un individu traumatisé revient combattre ses démons). Les dialogues ne nous arrachent que difficilement un misérable sourire entre deux regards jetés à la porte de sortie. On devine clairement une intention émotionnelle plus importante mais cela demeure un coup d’épée dans l’eau.
Tout n’est pas négatif : l’agréable surprise (il y en a toujours une) provient de Owen Wilson, acteur fidèle de Wes Anderson. L’acteur américain nous livre une interprétation touchante d'un homme en quête de soi et à la poursuite de l’amour paternel, à mille lieues de ses habituels Shanghai kid ou Zoolander. Enfin, c’est toujours un plaisir de voir les rares Jeff Goldblum et Michael Gambon (désormais interprète de Albus Dumbledore dans Harry Potter) à l’écran.
Autre point important, même si ce n’est pas déterminant, d'élégants effets spéciaux sont présents : le récif coralien est créé de toutes parts en stop motion (technique utilisée dans L’Etrange Noël de Monsieur Jack). Ce récif comporte quelques poissons et autres animaux marins très bien intégrés au film, étant affublés de petites mimiques adorables.
Etonnant contraste, la fin du film est particulièrement réussie. Les quinze dernières minutes, admirablement maîtrisées par Wes Anderson, sont remplies d’émotion et de poésie. Ce court laps de temps apporte une belle consistance à La Vie aquatique. Seulement voilà, cette consistance intervient une heure quarante cinq minutes trop tard, au moment où la représentation s’achève et tous les espoirs se sont envolés. C’est beaucoup, certes, mais cela reste peu.
A voir : à l’extrême limite si une petite aventure aquatique vous tente
Le score presque objectif : 5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, vous souhaitez vraiment un conseil après ce que vous venez de lire ?... allez, si vous n’avez rien de mieux à faire ce soir…
Arnaud Weil-Lancry