Man To Man est la dernière fresque historique de Régis Wargnier. Porté par Joseph Fiennes et Kristin Scott Thomas, le film raconte la vie de deux pygmées réduits à l’état de bêtes de foire grâce à la stupidité occidentale. Alors, une peinture belle et émouvante de la nature humaine ? Non… une œuvre prévisible sans grande subtilité.

Man To Man
France, Angleterre, Allemagne,  2005 (Année de production : 2004)
Réalisateur
 : Régis Wargnier
Acteurs : Joseph Fienne, Kristin Scott Thomas
Compositeur : Patrick Doyle
Genre : Drame Historique
Durée : 2h02 min

L’histoire
Dans la deuxième moitié du 19ème siècle, un anthropologue écossais ramène au Royaume-Uni deux pygmées qui deviendront de vraies bêtes de cirque. Malgré tout, il tentera par tous les moyens de prouver que ce sont des êtres humains à part entière.
La critique

Notre amateur hexagonal de fresque historique dans un pari bien risqué…
Régis Wargnier a une expérience plus ou moins reconnue dans le registre cinématographique « historique ». Par des œuvres telles qu’Indochine ou Est-Ouest, le réalisateur français a déjà fait preuve de qualité et d’une certaine audace scénaristique comme visuelle. Ici, point d’audace, mais le choix de valeurs sûres comme une très belle distribution, Joseph Fiennes et Kristin Scott Thomas en tête. Si j’évoque le risque de l’audace, c’est justement parce que le thème de son dernier film, Man To Man, est vide de tout renouveau et n’affiche pas la moindre originalité. Je ne vous dévoile rien… Le résumé annonce facilement ce dont il est question ici : une aventure humaine en réquisitoire virulent contre l’obscurantisme. Avec un thème déjà si souvent abordé, la direction doit faire preuve de bien du génie pour se démarquer de ce qui a déjà été fait. Pour ne citer qu’eux, Greystoke et Danse avec les loups sont les exemples typiques de qui se fait de mieux dans le registre « je ne connais pas, donc je crains ». Sans y faire référence, Man To Man paraît en être un croisement judicieux. Toutefois, avec la touche de génie en moins.
Malheureusement, l’écueil était évident et Régis Wargnier tombe à pieds joints dedans : sage et prévisible au possible, Man To Man est un film trop convenu et laisse le spectateur malheureusement à l’abri de toute surprise.

D’évidents problèmes de réalisation...
Il n’y a rien de nouveau dans l’aptitude du cinéma à nous faire rêver en nous projetant dans un autre univers. Cette particularité est bien évidemment propre au cinéma et au théâtre, mais l’est encore plus pour des films à connotation historique. C’est au réalisateur qu’incombe la tâche difficile de recréer un univers et de le rendre crédible. Ainsi, de cette aptitude découlera la réussite ou l’échec (relatif ou non) du long-métrage. Cette projection n’échoue peut-être pas totalement dans Man to Man, mais n’est franchement pas réussie : l’empathie est laborieuse et il est difficile, pour ne pas dire impossible de se sentir concerné par les problématiques abordées dans le film (incompréhension de l’inconnu, intolérance, obscurantisme…). Compte tenu de leur universalité, c’est un comble. Pour preuve : bien des comportements des personnages du film paraissent ridicules sans que ç’en soit la finalité.
Les films historiques réussis vous imprègnent de leur force dès le générique, Le dernier des mohicans en est la preuve flagrante, alors qu’il faut presque une heure à Man to Man pour y parvenir.
Autre défaut de taille complètement imbriqué dans le problème ci-dessus : le manque de rythme et une première partie où l’ennui est de taille. On se demande ce qu’on fait dans la salle de cinéma tellement le film est lent et fastidieux à se mettre en route. Sans complètement couler Man to Man, ces défauts handicapent lourdement le film, chacun de ces inconvénients aggravant l’autre au lieu d’y remédier.


De l’inconvénient de la subtilité (!)
La qualité de la distribution ne parvient pas à rattraper un scénario faiblard : Kristin Scott Thomas paraît à bout de souffle tandis que Joseph Fiennes brille par ses airs de dandy aussi subtil qu’un char d’assaut (à se demander comment Shakespeare in Love a pu avoir un tel succès)… Les autres personnages ne rattrapent rien tant ils sont stéréotypés et caricaturaux. Tout le panel y est présent : le gentil de l’histoire, le grand méchant qui refuse de voir la réalité en face et le gros indécis, au fond pas si mauvais que ça.
Car il est bien question de subtilité ici : si les pygmées sont criants d’humanité et de vérité (Lomama Boseki et Cécile Bahiya), les acteurs des personnages britanniques sont patauds au possible, offrant un jeu manquant de nuance. Par leur exagération, on finit par se détacher de Man To Man, alors qu’avec une telle thématique, on devrait se sentir concerné par l’aspect authentique et actuel des thèmes abordés. Bien sûr, on crie à l’indignation face au sort subi par Toko et Likola, bien sûr, nos sentiments virent à l’écoeurement face au comportement ignoble de l’homme caucasien, mais Diable ! Y a-t-il à ce point besoin, Monsieur Régis Wargnier, de sortir un étendard d’un kilomètre carré pour afficher vos idées ? C’est prendre vos spectateurs pour plus bête qu’ils ne le sont !

De la subtilité, il y en a pourtant…
Passée la première heure douloureuse, on parvient à rentrer dans l’histoire, mais à quel prix ? En se demandant continuellement quand le film finira par répondre aux attentes qu’il a suscitées. Car contrairement aux apparences, une émotion est toutefois présente, et ce, uniquement grâce aux deux pygmées, seuls réussites du film par une prestation vibrante et touchante. Cette vague émotion ne survient qu’à la toute fin, ce qui est peine perdue, puisque le générique pointe le bout de son nez. Mon jugement est difficile car Man to Man n’est pas un film mauvais, loin de là, à voir uniquement pour la prestation des deux pygmées, mais il pêche par un excès de prétention et un manque de finesse.

Film honnête sans originalité, Man To Man ne marquera pas l’histoire du cinéma. On a connu un Régis Wargnier plus audacieux et plus inspiré. De sa dernière œuvre émane une certaine poésie qui a tout juste le mérite de vous faire passer une soirée distrayante, mais qui peine à dépasser le minimum syndical.

A voir : uniquement pour la prestation de Lomama Boseki et Cécile Bahiya
Le score presque objectif : 5,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, un peu de bon, pour un ensemble assez moyen…

Arnaud Weil-Lancry