Frères de sang

Titre original : Tae guk gi
Film : drame sud-coréen, 2003
Durée : 2h 27min
Date de sortie française : 11 Mai 2005 
Réalisateur : Je-Gyu Kang
Scénario : Je-Gyu Kang
Interprètes : Jang Dong-Gun, Won Bin, Eun-Joo Lee
Directeur artistique : Bo-Kyeong Shin (Grand Bell Awards de la meilleure direction artistique)
Image : Kyung-Pyo Hong (Grand Bell Awards du meilleur directeur de la photographie)
Mixage son : Taekyu Lee et Suk-won Kim (Grand Bell Awards des meilleurs effets sonores)

Interdit aux moins de 12 ans

Le film de Kang Je-Gyu a reçu en 2004 trois prix aux Grand Bell Awards (l'équivalent des Oscars en Corée du Sud), récompensant la meilleure direction artistique, le meilleur directeur de la photographie, et un prix pour la qualité des effets sonores du film.


L’histoire :


Séoul, Corée du Sud, au début des années 50.
Jin-tae est un cireur de chaussures qui consacre ses modestes ressources à l'éducation de son frère cadet, Jin-suk, et espère envoyer prochainement celui-ci à l'Université. Leur mère, veuve et handicapée, tient une échoppe avec l'aide de la fiancée de Jin-tae, Young-shin, qu'elle a recueillie quelques années plus tôt.
Tous les espoirs de cette famille s'effondrent brutalement le 25 juin 1950, lorsque la guerre éclate. Jin-suk est recruté de force et envoyé sur le front. Jin-tae tente vainement d'intercéder, et subit le même sort. Les deux frères rejoignent cette armée du Sud, mal équipée, mal nourrie, mal organisée, harcelée jour et nuit par un ennemi supérieur en nombre et en force...


Frères de sang est le dernier film réalisé par Kang Je-Gyu dont l’intention était de produire un film porteur de ses émotions sur la guerre de Corée. Il a déclaré à ce propos que sa "plus grande priorité, à chaque fois que la caméra tournait, était d'essayer de capter le sentiment de douleur qu’il avait ressenti, et le retranscrire à l'écran." Ainsi, Frères de sang se reçoit comme un mélange de bloc de sensations et d’émotions, de pulsions scopique et auditive tant ce que l’oeil de la caméra filme est fascinant et assourdissant le brouhaha de la guerre.

La photographie (Kyung-Pyo Hong) de Frères de sang est très réaliste et la caméra s’occupe de nous faire voir ce qu’il nous est impossible de voir. Les scènes de combats sont filmées principalement avec des plans rapprochés qu’une caméra ultra-mobile distille, chahutant la vision au milieu des explosions, des traînées laissées par les projectiles, des projections de terre et de chairs. Le pouvoir de l’image est amplifié par les effets sonores du vacarme des armes et les cris de ceux qui meurent ou cherchent leur bras désintégrés par un obus. Un film qui touche à une sorte d’expression primitive de l’émotion visuelle mais terrifiante de la guerre.

La dimension ultra-réaliste du film a été obtenue au prix de scènes de batailles titanesques qui nécessitèrent plus de 25000 figurants et neuf mois de tournage. Frères de sang c’est aussi le film coréen le plus cher jamais produit sur le territoire coréen.

Frères de sang est une création originale mais on pense à d’autres films comme Full Metal Jacket (1987) de Stanley Kubrick, à la photographie de La chute du faucon noir (2001) de Ridley Scott ou certaines scènes des combats de Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de Steven Spielberg. Mais les comparaisons ne servent peut-être à rien car Frères de sang est l’expression d’un effort de travail de mémoire et selon le réalisateur : "Nous devons apprendre et comprendre la réalité de la guerre coréenne, qui fut la plus grande cicatrice marquant l'histoire du pays. Il est très périlleux d'oublier cette guerre parce qu'elle peut revenir très facilement et détruire tout sur son passage en un instant. Je tourne ce film avec l'espoir que le 25 juin restera en effet la dernière guerre en Corée."


Cependant, Frères de sang est aussi l’histoire de deux frères incorporés de force dans l’armée sud-coréenne et qui vont devoir se battre pour rester en vie sans devenir des monstres. Le film débute à notre époque et l’un des frères nous entraîne dans les sillons de l’histoire. On passe des moments fastes précédant la guerre à la première confrontation avec le front. Un film qui est une fulgurance, dont les scènes de combats peuvent vous clouer dans votre fauteuil et l’image qui reproduit tous les chocs de l’action, vous désorienter.

L’histoire des deux frères (Jin-tae et Jin-suk) se confond avec la grande Histoire des deux Corées auxquelles le réalisateur veut rendre hommage avec le titre original de Frères de sang, Tae Guk Gi qui est en fait le nom du drapeau national de la Corée du Sud qui sera confié à Jin-tae au cours de l’histoire.

Ce drapeau a été créé en 1876 avant d’être banni durant la colonisation de la Corée par les forces japonaises (1910-1945). Sa forme définitive fut trouvée en 1948 avec le premier gouvernement coréen et représente parfaitement l’espoir de réunification que le réalisateur n’est certainement pas le seul à caresser. Le réalisateur coréen Jeong Yun-su (Yesterday 2002) en rêve aussi.

Finalement, Frères de sang montre clairement quelle absurdité est la guerre et plus encore le pouvoir de l’idéologie sur les volontés humaines. Les histoires individuelles sont bien peu de chose face à la machine de guerre. Et quand tout est finit, il en reste plus qu’à chausser ses souliers et retourner à l’école comme avant ...


Verdict :

Frères de sang est un de ces films sur la guerre qui a un lien de parenté avec Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de Steven Spielberg  mais dans un genre beaucoup plus frontal. Un film qui pourra en choquer certains et qui sans être une apologie de la violence, ne se prive pas de la montrer. Une réalisation qui évite de lasser le spectateur bien qu'on pourra de trouver un peu long surtout vers la fin (mais cela reste relatif). Frères de sang est un film sans compromis sur la guerre de Corée qui est à inscrire au nombre des réquisitoires contre la guerre en général.



A voir :
peut-être le film ultime sur la guerre de Corée
Le score presque objectif : 7,5/10, difficile d'attribuer une note aussi précise pour ce film
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, si vous n’avez pas peur du sang et d’être au centre du conflit
Laurent Berry