Frères de sang est le dernier film réalisé par Kang Je-Gyu dont l’intention était de produire un film porteur de ses émotions sur la guerre de Corée. Il a déclaré à ce propos que sa "plus grande priorité, à chaque fois que la caméra tournait, était d'essayer de capter le sentiment de douleur qu’il avait ressenti, et le retranscrire à l'écran."
Ainsi, Frères de sang se reçoit comme un mélange de bloc de sensations et d’émotions, de pulsions scopique et auditive tant ce que l’oeil de la caméra filme est fascinant et assourdissant le brouhaha de la guerre.
La photographie (Kyung-Pyo Hong) de Frères de sang est très réaliste et la caméra s’occupe de nous faire voir ce qu’il nous est impossible de voir. Les scènes de combats sont filmées principalement avec des plans rapprochés qu’une caméra ultra-mobile distille, chahutant la vision au milieu des explosions, des traînées laissées par les projectiles, des projections de terre et de chairs. Le pouvoir de l’image est amplifié par les effets sonores du vacarme des armes et les cris de ceux qui meurent ou cherchent leur bras désintégrés par un obus. Un film qui touche à une sorte d’expression primitive de l’émotion visuelle mais terrifiante de la guerre.
La dimension ultra-réaliste du film a été obtenue au prix de scènes de batailles titanesques qui nécessitèrent plus de 25000 figurants et neuf mois de tournage. Frères de sang c’est aussi le film coréen le plus cher jamais produit sur le territoire coréen.
Frères de sang est une création originale mais on pense à d’autres films comme Full Metal Jacket (1987) de
Stanley Kubrick, à la photographie de La chute du faucon noir (2001) de
Ridley Scott ou certaines scènes des combats de Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de
Steven Spielberg. Mais les comparaisons ne servent peut-être à rien car Frères de sang est l’expression d’un effort de travail de mémoire et selon le réalisateur : "Nous devons apprendre et comprendre la réalité de la guerre coréenne, qui fut la plus grande cicatrice marquant l'histoire du pays. Il est très périlleux d'oublier cette guerre parce qu'elle peut revenir très facilement et détruire tout sur son passage en un instant. Je tourne ce film avec l'espoir que le 25 juin restera en effet la dernière guerre en Corée."