Ahhhh, les grands magasins… ahhhh, l’argent, la gloire et l’arrivisme… ahhhh, Alex de la Iglesia. Comment ça, vous ne connaissez pas ce réalisateur espagnol ? Précipitez vous donc pour découvrir un habile artisan du macabre à travers son dernier film, j’ai nommé : Le Crime Farpait…
Le Crime Farpait
Titre original : Crimen Ferpecto
Italie, Espagne, France, 2005 (Année de production, 2004)
Réalisateur: Alex de la Iglesia
Acteurs : Guillermo Toledo, Monica Cervera, Luis Varela
Durée : 1h44 min, Genre : comédie, Date de sortie : 11 mai 2005
L’histoire
Un vendeur d’un grand magasin tue accidentellement son rival le plus acharné sous les yeux d’une de ses collègues. Cette dernière va en profiter pour lui faire un chantage abominable…
La critique
Le meilleur film de Alex de la Iglesia… ?
Je vous arrête tout de suite, je n’ai pas dit cela, c’est Studio. Et je ne suis pas forcément d’accord avec cette affirmation. Non pas à cause de la supposée mauvaise qualité de Le Crime Farpait, mais plutôt pour la belle réussite artistique de la précédente filmographie du réalisateur espagnol. Véritable habitué des comédies noires, Alex de la Iglesia a déjà de belles réussites à son actif, entre autre Le jour de la bête et Mes Chers Voisins, génialissimes comédies sans réel succès public.
A qui la faute ? Sans doute à une certaine timidité du cinéaste se refusant à la publicité, mais surtout à un registre cinématographique underground décalé et cynique à souhait. Le cinéma de Alex de la Iglesia est un véritable concentré de méchanceté et de situations cocasses dans lesquelles on a toujours honte de rire… Reconnaissez que voir un prêtre pousser (volontairement) quelqu'un dans les escaliers ou bien voler un aveugle, c’est plutôt poilant… Poilant et cruel… Deux mots caractérisant justement ce réalisateur original et chevronné, et s’appliquant tout autant à sa dernière production : Le Crime Farpait.
Seulement voilà… ces termes s’y appliquent un peu trop : le cinéma de Alex de la Iglesia n’est plus si original que cela. Alex de la Iglesia qui fait du Alex de la Iglesia, ça donne quoi ?
Une overdose à l’espagnol.
Alex de la Iglesia aime le cinéma…
Et il ne se gêne pas pour nous le montrer tellement Le crime Farpait abonde de références. De manière trop ostensible, certes, mais avec amour et passion, car effectivement, le réalisateur espagnol est un passionné. Tous les classiques du genre y passent et on se surprendra à repérer certaines œuvres comme Les dents de la Mer, Evil Dead 2 (si, si), Very Bad Things ou Tales From the Crypt. Le tout mâtiné d’une agréable sauce à la Serial Lover. Il n’y a pas à dire, Alex de la Iglesia connaît son sujet et il le maîtrise sur le bout des doigts.
Toutefois son film n’est bien évidemment pas que pillage et sa peinture de la vie des grands magasins est franchement réussie dans tout ce qu’elle a d’exubérant, de superficiel et bien sûr d’écoeurante hypocrisie. A la manière de Fight Club, l’utilisation d’une voix off restitue à merveille les hantises de ce vendeur-baiseur, qui finiront par se matérialiser sous la forme du fantôme du concurrent assassiné. Ces hantises ne sont pas les seules à être restituées, l’horreur aussi. Car on finit par franchement le plaindre ce pauvre Raphael, obligé de céder à tous les caprices de la démoniaque Lourdes... A tel point qu’on finit par se demander pourquoi il ne se décide pas à la défenestrer une bonne fois pour toute.
… Mais il aime un peu trop son cinéma
Il serait hypocrite d’affirmer que le film n’est pas réussi car il l’est. Oui, Le crime Farpait est réussi car les situations burlesques sont cocasses et que l’humour noir est servi sans déplaisir… Il convient de voir ce film en version originale, la langue espagnole accentuant l’aspect burlesque. Mais, là où Mes chers voisins faisait l’effet d’une bombe et d’un chef d’œuvre du macabre, Le crime Farpait se contente d’enfoncer une porte ouverte. En effet, les comédies macabres sont légions, et si Alex de la Iglesia a su s’illustrer par ses précédentes œuvres, son dernier film fait office d’une production avortée, car elle manque d’originalité et de nouveauté. Le crime farpait se contente malheureusement de cavaler sans vraiment galoper, sans apporter de pierre significative à l’édifice. Et ironiquement, le film finit par sombrer dans la surenchère en en faisant un peu (beaucoup) trop.
On sourit, on s’amuse, mais la surprise de Le jour de la bête paraît loin, tout comme le génie de Mes Chers Voisins (extraordinaire générique de début).
La dernière production de Alex de la Iglesia est loin d’être un mauvais film (si toutes les productions étaient de cet acabit, l’industrie cinématographique européenne se porterait mieux), mais elle reste en deçà de ses œuvres précédentes, faute de se mettre à jour. Si vous connaissez ce réalisateur espagnol vous serez probablement un peu déçu, et dans le cas contraire, charmé par un auteur qui ne mérite que d’être (re)connu.
A voir : pour l’accumulation de situations burlesques
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, un film de Alex de la Iglesia vaut toujours le détour (même quand il est un peu décevant)
Arnaud Weil-Lancry