Lemming : petit mammifère rongeur des régions boréales, voisin du campagnol. Issu de Lemmer, mot norvégien. Comment cela, on s’en fiche ? Bien sûr que non, puisque c’est le titre du film dont vous allez lire la critique ici. Oui, Lemming… avec entre autres Laurent Lucas et Charlotte Gainsbourg en tête d’affiche dans le dernier Dominik Moll, en pas si grande forme…

Lemming
France, 2005 (Année de production : 2004)
Réalisateur
 : Dominik Moll
Acteurs : Laurent Lucas, Charlotte Gainsbourg, Charlotte Rampling, André Dussolier
Compositeur : David Whitaker
Durée : 2h09 min, Genre : Thriller, Drame, Date de sortie : 11 mai 2005                    

L’histoire
Bénédicte et Alain Getty sont un jeune couple récemment installé dans une jolie ville baignée par le soleil. Un soir, ils décident d’inviter à dîner chez eux le patron d’Alain, Richard Pollock, et son épouse, l’étrange Alice. Le jeune couple ne se doute pas que cette rencontre va bouleverser leur vie…
La critique

Alice, une amie qui vous veut (beaucoup) de mal
Disons le franchement, Lemming n’est pas la merveille tant annoncée, ou plutôt tant espérée. Il faut reconnaître que notre surdoué local ne fait ni dans la dentelle, ni dans l’originalité en reprenant de manière évidente toute la trame de son précédent film Harry, un ami qui vous veut du bien. Ce choix est loin d’être une gageure, mais le résultat en est prévisible au possible. En 2000, le premier vrai succès de Dominik Moll est une réussite grâce à une atmosphère intelligemment dosée, pleine de malaise et portée par une distribution remarquable. Avec Lemming, la qualité de la distribution est tout aussi similaire, mais le phénomène de l’intrusion d’un personnage dans la vie d’une famille tranquille ne perturbe plus les chaumières cinématographiques. Ce scénario est quasiment identique, tout comme les répercussions sur cette famille sans histoire : que faire lorsque un individu non désiré vient perturber votre existence si paisible en faisant d’elle un cauchemar ? Dans le cas présent, on peut compter sur Charlotte Rampling, véritable miroir de Sergi Lopez dans Harry un ami qui vous veut du bien. Si le personnage campé par l’actrice britannique a un jeu tout en méchanceté (au contraire de celui de Sergi Lopez), le résultat en est trop proche pour ne pas laisser un arrière-goût de déjà vu, et donc… de déception.


A film mitigé, réalisation mitigée
Dominik Moll est tout de même sacrément doué car la réalisation de Lemming est limite irréprochable. Une première partie réussie présente habilement ce couple comme les autres, simple, amoureux, bref quelconque. Alternant habilement musique dérangeante et silence oppressant, le réalisateur français distille au compte-goutte une ambiance glauque presque terrifiante. Certaines séquences quasi oniriques (présence des Lemmings, rêves…) ne sont que des subterfuges à la folie des protagonistes et lui permet de s’instiller dans le cerveau du spectateur. On fini par s’inquiéter du moindre bruit à proximité, en s’attendant à voir une présence démoniaque jaillir du siège d’à côté. En ce sens, l’effet est garanti… mais n’échappe pas au revers de la médaille. En effet, à trop favoriser ce type d’atmosphère, Dominik Moll rallonge fréquemment et inutilement son film, qui aurait été plus efficace avec une vingtaine de minutes en moins. A atmosphère savamment suggérée, temps mal utilisé, car au bout d’un certain temps, on finit par lorgner du côté de sa montre alors que le film est réellement captivant. Mais ça dure, ça dure… et ça dure un peu trop. Tout comme le fin mot de l’histoire, plutôt fortiche dans le registre, beaucoup de bruit pour rien. Ces défauts peuvent paraître mineurs, mais tendent à casser la tension (et l’attention) si brillamment suscitée.

Laurent Lucas, vous avez vraiment une gueule de cinglé
Il est impossible de passer à côté d’une telle distribution, avec Charlotte Rampling, belle comme jamais, et Laurent Lucas, frappé comme toujours. L’acteur, avec son éternelle tronche d’allumé subjugué, véhicule sans peine une belle portion du contenu angoissant de Lemming. Il faut dire qu’il collectionne les rôles d’errant un peu cinglé : Mais qui a tué bambi ?, Harry…, Calvaire... Attention, à s’y cantonner, il va finir par y être collé. Reconnaissons qu’il excelle dans ces rôles, taillés sur mesure pour lui. Il forme à l’écran avec Charlotte Rampling un couple impressionnant du malaise, chacun étant une sorte d’antithèse de l’autre. Leur interprétation fait peut-être mouche, mais gomme sans effacer les défauts cités plus haut.

Mes critiques sont dures car Lemming est un thriller très réussi. Mes attentes étaient sans doute trop importantes, mais justifiées par la qualité de Harry, un ami qui vous veut du bien. C’est sans doute ici que Dominik Moll rate de peu un grand film en restant trop proche de l’oeuvre précitée et en laissant dériver une certaine surenchère tout comme un sentiment de déjà-vu. Son dernier film est angoissant au possible tout en faisant preuve d’une certaine inutilité et d’un manque d’originalité. Espérons que le réalisateur français saura faire preuve d’une plus grande audace la prochaine fois.

A voir : pour l’atmosphère aussi malsaine que possible
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, Un film un peu décevant mais qui peut valoir le détour si l’on est fan de Dominik Moll

Arnaud Weil-Lancry