Vous avez écrit un essai et vous souhaitez le faire publier ? Un conseil, ne vous adressez pas à Serge Pommier. Cet écrivain raté, incarné par Patrick Bouchitey, vous fera subir le même sort qu’à son élève, à qui il a volé son roman. C’est en effet l’histoire de Imposture, un thriller talentueux pourvu d’une atmosphère des plus particulières…

Imposture
France, 2005 (Année de production, 2002)
Réalisateur: Patrick Bouchitey
Acteurs : Patrick Bouchitey, Laetitia Chardonnet
Durée : 1h40 min, Genre : Thriller, drame Date de sortie : 25 mai 2005 

L’histoire
Serge Pommier, enseignant en littérature, n’a toujours pas écrit le livre que tous attendent de lui. Le jour où une de ses étudiantes lui remet son manuscrit, il croit lire ce fameux livre qu’il n’écrira jamais. Un plan des plus diaboliques commence alors à se dessiner dans son esprit...
La critique

Europacorp, syndrome de la médiocrité
Cette société de distribution/production fondée par Luc Besson est très rapidement devenue un symbole de ce que le cinéma français pouvait pondre de pire. Avec des œuvres comme Banlieue 13 et le Transporteur, le nom du réalisateur de Subway a fini par sombrer dans la mélasse, assimilé à des films soignés sur la forme mais dotés d’un fond fréquemment insipide et copieusement raté. Europacorp allait-elle finir en producteur de séries de troisième zone incapable de fournir un film digne de ce nom ? Si Imposture, dernière production de la dite société en date, ne redore pas complètement son blason, il permet de nourrir un franc espoir. Le dernier film de Patrick Bouchitey (également dans le rôle principal) surfe sur la vague actuelle du film de séquestration comme Old Boy ou Corps à Corps. Ne s’inspirant nullement de ces derniers, le réalisateur français parvient à créer un film surprenant pourtant pourvu d’une trame prévisible.

En s’inspirant directement de réalisateurs comme Hitchcock, Patrick Bouchitey décide de réaliser un film mêlant habilement tension et onirisme. A travers toute la mise en scène du plan machiavélique de son héros, le cinéaste multiplie des références émues au genre : plans rapprochés sur les visages, musique temporisée et pourvue d’une rythmique angoissante, multiplication des plans… Cette introduction et présentation d’un professeur frustré et démoniaque est finalement glaciale et inquiétante, en conformité complète avec le personnage. La mise en scène, orchestrée avec brio, ne perd pas une minute pour nous balancer dans ce qui va devenir un véritable cauchemar.


Loin de puiser sa force dans le réalisme, Imposture décide de nous embarquer dans un délire complet, celui de Serge Pommier, écrivain en panne d’inspiration, finalement auteur raté avant l’heure. Sa folie est d’autant plus oppressante que le personnage ne montre pas et ne montrera jamais le moindre signe de remords, de culpabilité, ou de compassion pour sa victime, une innocente mais talentueuse jeune fille, Jeanne Goudimel. Certains passages laissent transparaître une faible humanité de la part de l’écrivain raté, humanité systématiquement effacée par son souci de ne jamais perdre de vue son intérêt personnel. L’évolution de la relation entre les deux personnages, aussi bien attendue que déroutante, demeure un choix artistique intéressant dont la surprise vous sera préservée.
L’écrivain usurpateur devient un moulin à parole, véritable comportement déculpabilisant, contrairement à sa captive, paraissant avoir fait vœu de silence, laissant ainsi planer un mystère total sur ses intentions. Cette dernière est incarnée avec une impressionnante justesse par Laetitia Chardonnet, magnifique beauté froide, idéale dans le rôle de cette « négresse » malgré elle.

Au fil du film, Patrick Bouchitey paraît adopter délibérément un comportement incohérent et esthétisant un peu rebutant. En tant que réalisateur, j’entends, car il est aussi interprète du fantasque et délirant Serge Pommier. Cette attitude n’est à mes yeux préjudiciable qu’en apparence, car cela semble un choix total. En effet, Imposture dérive ponctuellement dans une incohérence, tout comme dans un certain esthétisme contemplatif un peu longuet. Ces évolutions renforcent considérablement l’aspect onirique du film, nous donnant l’impression d’être égaré dans l’imaginaire du réalisateur. Cette évolution narrative est encore plus surprenante comparée à la dimension dure, pragmatique et rationnelle de la première partie du film. Paradoxalement, cette dimension rationnelle se retrouve aussi à travers une description sans concession du milieu littéraire.
Enfin, si Imposture doit sa réussite à ses acteurs, il le doit aussi à une utilisation un peu abusive, mais judicieuse de Mozart. Les œuvres du compositeur autrichien servent littéralement de tremplin au film, lui apportant une très efficace ampleur dramatique, voire désespérée.

Pour sa dernière production, Patrick Bouchitey réalise un film intéressant et intelligent. Imposture, malgré des évolutions narratives un peu incohérentes et longuettes, est un film réussi, doté d’acteurs inspirés. L’atout majeur de ce long-métrage restera sans doute son atmosphère particulière si finement suggérée.

A voir : un thriller prenant et finement réalisé
Le score presque objectif : 7,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, un style tout en finesse pour un film qui ne l’est pas moins

Arnaud Weil-Lancry