Véritable hécatombe dans le monde du comics : Sin City, œuvre culte du génialissime Franck Miller, vient d’être porté sur les écrans. L’enjeu était risqué et le pari extrêmement audacieux pour Robert Rodriguez, réalisateur doué de Desperado. La ville du péché porte-elle bien son nom ? Complètement ! Critique d’un film impressionnant, belle adaptation fidèle d’un réalisateur décidément grand amoureux du Cinéma.

Sin City
Etats-Unis, 2005 (Année de production : 2004)
Réalisateur : Robert Rodriguez, Franck Miller, Quentin Tarantino
Acteurs : Bruce Willis, Mickey Rourke, Jessica Alba, Rosario Dawson, Clive Owen, Elijah Wood, Michael Clarke Duncan, Benicio Del Toro, Rutget Hauer
Compositeur(s) : Robert Rodriguez, Graeme Revell, John Debney
Durée : 2h03 min, Genre : Thriller, Date de sortie : 1er  juin 2005                  

L’histoire
Sin City est une ville infestée de violeurs, de tueurs, mais surtout, de femmes… belles, fatales et dangereuses…
Venez découvrir l’histoire de trois hommes, Hartigan, Marv, et Dwight, dont le chemin a croisé une ou plusieurs de ces femmes… Bienvenue dans Sin City, la ville du vice et du péché…
La critique

On en a rêvé, Robert Rodriguez l’a fait
Non, non, vous ne rêvez pas, bien que vous soyez vous aussi en train d’écarquiller les yeux devant l’impressionnant casting de Sin City : trois réalisateurs, trois compositeurs pour la bande originale, une quinzaine de stars pour la distribution… Rien que ça ! Mais me direz-vous, c’était bien le minimum requis pour adapter à l’écran le comics culte de Franck Miller. Petite précision : Sin City le film, regroupe en fait trois œuvres de Franck Miller : Sin City, The big fat kill, et The Yellow Bastard. Ceux parmi vous qui ont déjà ouvert une bande dessinée du maître savent bien à quel point son style est particulier, mélange étrange de couleurs, d’ombres et de lumières, aux formes si géométriques. En conséquence, quoi de plus naturel que de voir Franck lui-même s’atteler à la tâche, accompagné de Robert Rodriguez, une des révélations cinématographiques de ces dernières années ? Ces cuisiniers hors pair ont mis au monde une panacée des plus réussies, mêlant avec brio la bande dessinée et le polar le plus sombre.
 
Un visuel complètement fou
La seule vue du générique met complètement en transe, en vous transportant dans l’univers de Franck Miller, par la projection de dessins et autres de ses planches. Dès les premières minutes, on retrouve les ingrédients qui furent à l’origine du succès de Sin City : dessins noirs et blanc du plus bel effet, atmosphère de polar noir, fesses féminines bien galbées.
Le style visuel en est renversant, offrant un spectacle aussi révolutionnaire qu’Avalon en son temps (l’ennui en moins). A la manière de Capitaine Sky et le monde de demain, tout fut tourné sur écran vert, puis ultérieurement numérisé. Néanmoins, ce visuel en devient esthétisant et trop léché : tous les plans sont plus soignés les uns que les autres et ont de toute évidence fait l’objet d’un travail des plus méticuleux. Nous ne nous en plaindrons pas, mais ce soin paraît ponctuellement exagéré et un chouia en contradiction avec la noirceur du film. Cette dernière est réellement la clé de voûte du film, une noirceur dans laquelle tous les protagonistes paraissent se complaire, voire s’épanouir… Enfin, nous sommes dans la ville du péché… Péché illustré en permanence par la présence du sexe, mais surtout, du meurtre, de la violence, et de la boucherie. Les passages trash et gores sont légions, mis en scène aussi bien par des gerbes et autres trainées blanches que par des couleurs criardes comme le jaune et le rouge.
On regrettera une partition musicale complètement absente qui aurait pu offrir un soutien important aux images… à défaut, on se contentera d’une voix off, qui fait vraiment office de bande-son. Force est de constater qu’encore une fois, si ce choix risque de ne pas plaire à tous (par moment, cela fait un peu too much), il respecte scrupuleusement l’esprit de la bande dessinée. Mais à mes yeux, ce parti pris projette une atmosphère de film policier des années 30 des plus réussies. Toutefois, cette voix donne par moment un aspect de surjoué. Cet aspect se voit renforcé par la prestation des acteurs, car ceux-ci, bien qu’impeccables, apportent une dimension théâtrale importante à Sin City.


Un choix d’acteurs des plus judicieux
En choisissant Mickey Rourke et Bruce Willis, Robert Rodriguez commettait un pari risqué avec ces acteurs appartenant plutôt à un âge passé du cinéma : les derniers succès de Bruce Willis commencent à dater, et Mickey Rourke, malgré un indéniable talent, n’a jamais su s’imposer à travers ses choix cinématographiques (hormis l’Année du Dragon par exemple). Et bien, le choix a été excellent. Je le clame haut et fort : putain, ça fait du bien de revoir Mickey Rourke dans un rôle à sa mesure, c'est-à-dire dans la peau de Marv, taulard surhumain au grand cœur. La décision de mélanger ces vieux routards du cinéma américain à de jeunes pousses est des mieux pensées : aux côtés de Jessica Alba, Rosario Dawson, Clive Owen… le mélange est explosif ! J’aurais une petite pensée pour le désormais oublié Rutget Hauer, en véritable sosie de Anthony Hopkins.
 
Petite révolution délicieuse et audacieuse, Sin City est une adaptation splendide dont Franck Miller et Robert Rodriguez peuvent être fiers. Le pari était désespéré, voire impossible, et est tout à l’honneur de l’équipe du film. Les quelques défauts de Sin City sont toutefois inhérents au style du comics et paraissent avoir été choisis de manière délibérée. Si vous surmontez ces (très) légers (et minuscules) défauts, vous vous trouverez devant un petit bijoux de cinématographie qu’il serait un sacrilège de rater.

A voir : ne serait-ce que pour l’incroyable style visuel du film
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, une adaptation hors norme pour une distribution qui ne l’est pas moins, qui dit mieux ?

Arnaud Weil-Lancry