Face à la vague déferlante Matrix, énorme production, blockbuster par excellence, DVDcritiques s’intéresse également à un autre cinéma, celui des circuits indépendants. C’est ainsi que nous vous proposons de découvrir «Attention, danger, travail», actuellement en salles, un documentaire satirique et subversif de Pierre Carles au sujet des méfaits du travail…

Réalisation : Pierre Carles, Christophe Coello, Stéphane Goxe Montage : Virginie Charifi, Youssef Charifi, Bernard Stasia Production : Annie Gonzalez

Composé : — d’Entretiens avec des déserteurs du marché du travail (Christophe Coello et Stéphane Goxe, 2002)
et d’extraits de :
— Pizza americana (Pierre Carles, 1994)
— En finir avec la chaîne ? (Alain Rabéchault, 1998)
— Ma banque par chœur (André Szöts, 1971)
— Avec le sang des autres (Bruno Muel, 1974)
— Paroles de Bibs (Jocelyne Lemaire-Darnaud, 2001)
— Feniant (Dupain, 2000)
— La contagion du bonheur (Medef, 2003)
— Volem rien foutre al païs (P. Carles, C. Coello, S. Goxe, 2004)
— Uppercut (Pierre Carles et Loïc Wacquant, 2004)
— Cho ! Cho ! Cho ! (Kiki Picasso, 1998)
— Le Rmi c’est la vie (Pierre Merejkowsky,1998)


France - 2003 - 109 minutes

«Le travail est l’opium du peuple, je ne veux pas mourir drogué» Boris Vian


Sur les écrans sortent des superproductions dans lesquelles les studios investissent des millions de dollars, attendant d’engranger les énormes recettes de l’exploitation en salles, en attendant la future récolte des multiples éditions en DVD. C’est actuellement le cas du très attendu Matrix révolutions, qui fait couler beaucoup d’encre, alimente tellement de discussions. A une toute autre échelle, loin, très loin des aventures apocalyptiques des héros wachowskiens, il existe un cinéma parallèle, qui lui aussi jette régulièrement un pavé dans la mare, qui lui aussi milite pour des idées révolutionnaires, mais pas à la matrix, mais plutôt au sens littéral du terme, une révolution sociologique.

Depuis le 8 octobre, un film intitulé «Attention, danger, travail» est à l’affiche des salles de cinéma. Mais attention, inutile de se précipiter sur le programme des multiplexes, non, aucun risque de l’y voir figurer, mais c’est plutôt vers les salles d’art et essai de votre ciné club préféré que vous aurez peut-être la chance de pouvoir assister à une projection du dernier film de Pierre Carles, le cinéaste banni du P.A.F. le documentariste dérangeant, à tel point que même ARTE, s’est vue au regret de poliment refuser la diffusion de ce documentaire. C’est donc vers les circuits de diffusion indépendants, ciné clubs, universités, petits festivals que s’est dirigé l’auteur qui s’était déjà grandement illustré avec «Pas vu, pas pris», un brûlot qui dénonçait les relations entre le pouvoir et la télévision, «la Sociologie est un sport de combat» (sur Pierre Bourdieu) ou «Enfin pris ?» (sur Daniel Schneidermann).
Cette fois, Pierre Carles rédige une critique en règle du sacro-saint travail, de la société de consommation, du productivisme, en donnant la parole à des chômeurs qui se sont résolu à ne plus travailler, préférant «ne plus perdre leur vie à la gagner». Alors que notre cher premier ministre vient de nous sucrer un jour férié, de reculer l’âge des départs en retraite, qu’avec les amusants dirigeants du MEDEF, il tente de donner une image enrichissante, bienfaisante et épanouissante du travail, en nous ramenant quinze ans en arrière à l’époque des années Tapie, Pierre Carles lève le poing bien haut et fait l’éloge de la glandouille. On pense aux paroles de la chanson d’Higelin «Poil dans la main, payé à rien foutre». C’est exactement l’esprit de ces interviewés qui interviennent. «Dès qu’il n’existe pas de contrainte, physique ou autre, le travail est fui comme la peste.» (Karl Marx) Ceux-ci expliquent que, depuis qu’ils profitent du RMI, et qu’ils refusent catégoriquement le travail, à bas le stakhanovisme! ils voient leur vie transfigurée avec cette nouvelle philosophie. Refus catégorique d’un travail aliénant et refus du consumérisme. Parasitisme? Asistanat? 362 euros par mois pour un rmiste contre les 20 millions d’indemnités de départ de Jean-Marie Messier?

Pierre Carles dresse un constat avec humour, en allant totalement à contresens des idées véhiculées dans les médias "Ce film n'est pas un appel à la glande, même si aucun jugement moral n'est porté sur la paresse, ce n'est pas non plus une diabolisation du travail, au sens d'effort pour créer quelque chose", explique Stéphane Goxe, co-réalisateur du film. "Il questionne la place centrale donnée au travail, la manière dont il est organisé et l'idée selon laquelle il est le fondement irremplaçable de notre dignité". Pierre Carles est le Michael Moore (Bowling for Columbine) du cinéma français. Il mêle documentaire, satire, humour, micro trottoir. A voir en attendant la suite: «Volem rien foutre al païs».

Frédéric Deschryver



A visiter :
http://www.homme-moderne.org/rienfoutre/attention/

A lire:
Travailler, moi?, Jamais!, Bob Black (l’esprit frappeur, 1997)
Travailler deux heures par jour, par le collectif ADRET (Seuil, 1977)
Le droit à la paresse, Paul Lafargue (Mille et une nuits, 1994)