Quelle est la différence entre un film fantastique et un film d’horreur ? Sous un abord simple, la question cache une distinction souvent peu aisée. Quelques définitions et des pistes de réflexion dans cet article.

Avant-propos :

Cristallisant une tendance générale, le cinéma est un domaine où les qualificatifs sont des plus galvaudés. Il suffit, pour s’en convaincre, d’observer comment le terme culte est aujourd’hui employé à tort et à travers. Aussi insipide puisse-t-il être, le moindre titre se voit propulsé dans la haute sphère des films dits cultes. Gageons que des titres récents et peu reluisants comme The island, Doom ou Domino sont tous déjà cultes, ou en passe de le devenir, aux yeux de quelques tristes sires. Ne parlons même pas des termes film de genre, film d’auteur et tutti quanti qui n’en finissent pas de s’embrouiller dans d’inextricables entrelacs où chaque mot ne veut strictement plus rien dire. Mais revenons-en à l’objet de cet article : à quel titre un film va-t-il se voir qualifié de fantastique tandis qu’un autre sera classé en tant que film d’horreur ? La différence peut, de prime abord, sembler minime et la distinction d’un intérêt limité. Ce serait toutefois oublier à quel point les deux termes ont des résonances radicalement différentes dans l’inconscient collectif.

Le fantastique :

Stricto sensu, le terme fantastique désigne la forme artistique et littéraire qui reprend, en les laïcisant, les éléments traditionnels du merveilleux (ce qui se produit par l’intervention d’êtres surnaturels), et qui met en évidence l’irruption de l’irrationnel dans la vie quotidienne ou collective. En tant qu’adjectif, le mot fantastique renvoie à un domaine où domine le surnaturel, autrement dit ce qui dépasse les forces ou les lois de la nature. A juste titre, Vincent Pinel définit le fantastique comme un « déséquilibre du réel, [qui] fait apparaître au sein d’un univers crédible reconnaissable des éléments inexplicables » avant d’ajouter que « les frontières avec les genres voisins sont étroites et reposent sur la double composante qui définit le fantastique : le crédible et l’étrange ». Prenons un exemple touchant au domaine littéraire. S’il verse assez souvent dans l’horreur pure, Stephen King est l’un des plus grands écrivains officiant dans le fantastique (on entend d’ici les mâchoires des membres de la vénérable intelligentsia littéraire tomber jusqu’au sol) en ce sens où il possède cette capacité inouïe à décrire la banalité quotidienne pour y injecter, de façon progressive ou brutale, une dose plus ou moins grande de substance surnaturelle.

L’horreur :

Pour ce qui est du terme horreur, il renvoie à une violente impression de répulsion, d’effroi, causée par quelque chose d’affreux ; à ce qui inspire le dégoût ou l’effroi ; au caractère horrible d’une action ou encore à une chose pour laquelle on éprouve de la répugnance à cause de sa laideur, de sa saleté. A noter que l’on peut invariablement parler de film d’horreur ou de film horrifique, ce dernier adjectif se rapportant à ce qui cause l’horreur.

Pistes de réflexion :

Résumons-nous. D’un côté nous avons l’inquiétante étrangeté, l’incursion d’éléments surnaturels dans le quotidien (le fantastique) et, de l’autre, ce qui inspire la peur et / ou le dégoût (l’horreur). Si le cinéma fantastique apparaît comme un genre noble aux yeux du grand public, il en va bien différemment pour l’horreur tant le cinéma horrifique, « genre marqué au sceau du cinéma populaire », se voit frappé d’une forte connotation péjorative, volontiers associé à des films de piètre qualité (de mauvaises séries B ou Z) tournés à destination d’adolescents idiots en mal de sensations fortes. Si certains pourraient être tentés de considérer que le cinéma horrifique n’est autre que la « décadence du cinéma fantastique », un sous-genre du fantastique mettant davantage l’accent sur l’effet escompté (effroi, répulsion), il n’en est rien car l’horreur peut naître d’éléments réels ou réalistes (la guerre, un tueur en série) comme de choses fantasmées (gros monstre sanguinaire). Le fantastique est donc subordonné à la présence d’êtres ou de phénomènes surnaturels, ce qui n’est pas le cas pour l’horreur. Pour preuve, Massacre à la tronçonneuse, film d’horreur par excellence, ne comporte aucun élément surnaturel (la famille déjantée est crédible, les affaires Charles Manson et Ed Gein l’ont démontré). Là-dessus vient bien sûr s’ajouter une gigantesque liste de films « inclassables » se réclamant à la fois de l’horreur et du fantastique. Prenons un grand classique pour illustrer le propos : Rendez-vous avec la peur de Jacques Tourneur. Si ce dernier fait intervenir des éléments surnaturels (les sciences occultes et surtout un démon), il a aussi vocation à susciter la peur chez le spectateur (le titre français fait presque figure de note d’intention).

En conclusion :

Si certains titres peuvent être classés dans l’une ou l’autre catégorie, il faut bien admettre que nombreux sont ceux qui se trouvent comme tiraillés entre le cinéma fantastique et le cinéma d’horreur. La frontière étant ténue, force est de constater que la distinction est souvent malaisée. Mais c’est peut-être là la résurgence d’un travers plus général, celui qui consiste à vouloir à tout prix coller des étiquettes sur tout, ceci afin d’aboutir à une catégorisation arrêtée qui rassure certains.

Julien Sabatier