Philip K. Dick, vous aimez, non ? Blade runner, Total
recall, Minority report, ça avait de la gueule, non ? Et John Woo,
vous aimez aussi, même si ces derniers temps c’était plus
trop ça ? Et Ben Affleck, euh non, peut-être pas lui. Mais
Uma Thurman, hein ? Tout ça pour dire que ça aurait pu
donner un énorme et super film. Ça aurait pu…
Titre
original : Paycheck
USA,
2003
Réalisateur : John Woo
Acteurs : Ben Affleck, Uma Thurman, Aaron Eckhart, Paul
Giamatti
Musique de John Powell
Adapté d’une
nouvelle de Philip K. Dick
Durée : 2h
L’histoire :
Michael Jennings est un super ingénieur qui
démonte les toutes petites puces informatiques pour comprendre comment
ça marche et les refaire en mieux. Si. Et après, on lui efface la
mémoire pour qu’il ne puisse pas cafter. Si, c’est de la
science-fiction. Mais quand, après avoir fini un long projet et
accessoirement s’être fait effacer 3 ans de mémoire, il
s’aperçoit qu’en guise de paiement, il ne s’est
envoyé à lui-même qu’une enveloppe pleine
d’objets sans valeur, une enquête contre la montre et pour sa vie
s’engage.
Je me suis toujours demandé ce que donnerait un film
adapté d'un jeu d'aventure sur PC. Vous savez, ces jeux qui sont passés de mode,
où vous deviez ramasser plein d'objets et ensuite trouver où et
avec quoi les utiliser. A vrai dire, c'était surtout l'ambiance de
certains jeux en particulier que je voulais voir sur grand écran (Sam
& Max, Day of the tentacle ou Monkey island), mais j'étais curieux
de voir la transposition en film du principe de collecte et utilisation
d'objets divers. Paycheck donne un début de réponse : ça
craint. Le côté "j'ai une enveloppe pleine d'objets, et
à chaque problème, soit je fouille dedans, soit je cours"
est vite répétitif et ne présente pas
d'intérêt.
Continuons sur le scénario, puisque c'est à la
fois la force et la faiblesse (une des faiblesses) du film. Et là, je suis bien
embêté, parce que pour vous expliquer il faut que j'en
révèle un peu. Je ne raconte pas la fin, et ce que je vais vous
dire est révélé durant la première heure, mais si
vous voulez garder la surprise, ne lisez pas ce qui suit. Là, à partir de la prochaine phrase, passez au paragraphe suivant. Si vous êtes toujours en train de lire, c’est que vous êtes prêt pour cette petite révélation. Vous êtes sûr. Alors allons-y. Le principe du
scénario, c'est que le héros connaît le futur, et a donc
prévu les objets nécessaires. Conclusion : tant qu'il reste des objets
dans l'enveloppe, on est dans la période pré-vue, et le
héros ne risque rien, puisqu'il a vu tout le futur. Plutôt qu'un
puzzle, comme la bande-annonce le laissait croire, où chaque objet
mènerait à un indice, le héros se contente de
réagir avec ce qu'il a. Un jeu d'aventure sur PC, je vous dis.
Tout ça ramène le scénario à du Mac Gyver du
pauvre, et on s'intéresse difficilement à ce qui arrive au pauvre
Ben Affleck.
Justement, le pauvre Ben Affleck. J'ai rien
spécialement contre lui, mais quand même, vous trouvez pas qu'il
joue comme une huître ? C'est vrai qu'il est peu aidé par un scénario
qui est plus que superficiel sur ses personnages (comme MI2 tiens, ça
doit être la nouvelle marque de fabrique de John Woo). De même, Uma
Thurman n'est pas vraiment convaincante, vu la minceur du personnage à
défendre. Comme souvent dans ce cas, face à des héros trop
lisses, ce sont les seconds rôles et les méchants qui s'en sortent
le mieux. Mais dans l'ensemble l'interprétation est plutôt minimum
syndical.
Côté réalisation, c'est du John Woo, pas
au mieux de sa forme, avec ce que ça comporte de bon et de moins bons. On peut dire que c'est dans
l'ensemble du bon boulot, mais pas au niveau de ce qu'on pouvait en attendre.
Les poursuites sont très classiques, et ne finissent à nous
mettre la pression que grâce à leur longueur. On aimerait par
contre que le gars Woo se calme un peu quand il ne se passe rien (je ne compte
pas les plans où la caméra bouge trois fois plus vite que tout ce
qu'elle filme), et qu'il arrête de filmer deux personnes se braquant
mutuellement au revolver (c'était original la première fois,
ça sentait le réchauffé dans les autres films, mais ici,
où on y a droit deux fois, c'est carrément ridicule). Et faudrait
lui dire aussi que s'il fait un film sans colombe, c'est pas grave, pas la
peine d'en coller une n'importe où.
Au final, c'est pas qu'on s'ennuie, c'est même
plutôt prenant malgré le manque mécanique de suspense, mais
vraiment ça sent le bâclé et le déjà-vu. Le déjà-vu venant bien
sûr de Minority report, dont l'ombre plane sur tout le film. Et avec
lequel la comparaison fait mal : en plus de meilleurs acteurs, d'une meilleure
ambiance (le futur de Paycheck est vraiment trop peu futuriste), et d'un
meilleur scénario, Minority report bénéficiait d'une
thématique beaucoup plus forte : entre "feriez-vous ce que vous
allez faire si vous savez que vous allez le faire ?" et
"trouverez-vous dans votre enveloppe de quoi sortir de cette pièce
?", la différence de portée fait peur. Juste un honnête
bouche-trou pour un mardi soir en prime time.
A voir : si vraiment vous y tenez, mais est-ce bien raisonnable ?
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, (re)voyez plutôt Minority
report
Sébastien Keromen