Après deux opus visuellement irréprochables mais empilant les scènes avec un manque certain de continuité, Harry Potter revient sur les écrans, cette fois-ci sous la direction d’Alfonso Cuarón, pour un film encore plus noir que le précédent. Et encore meilleur ?

Titre original : Harry Potter and the prisoner of Azkaban
USA, 2004
Réalisateur : Alfonso Cuarón
Acteurs : Daniel Radcliff, Rupert Grint, Emma Watson, Gary Oldman, David Thewlis, Julie Christie, Robbie Coltrane, Michael Gambon, Maggie Smith, Alan Rickman, Emma Thompson, Timothy Spall
Musique de : John Williams
Adapté du livre de J.K. Rowling
Durée : 2h20

L’histoire
Troisième année à Poudlard pour Harry Potter et ses amis. Mais cette année encore, une menace rôde : Sirius Black, le sorcier maléfique, partisan de vous-savez-qui, s’est échappé de la prison d’Azkaban pour régler son compte au petit sorcier à lunettes.


Après les adaptations des deux premiers livres aussi fidèles que passablement rythmées, nous arrive le troisième opus, adapté d’un des meilleurs livres de la série (juste après la Coupe de feu, dans mon classement perso). Changement de réalisateur, changement de ton, changement de rythme. Et, dévoilons la fin (de ma critique, pas du film, ne vous inquiétez pas) tout de suite : changement dans la continuité. En fait, je caricature un peu, et le Prisonnier d’Azkaban marque un mieux en terme de film en lui-même. Par contre, côté adaptation, on perd toujours autant par rapport au bouquin.
Le film lui-même est très réussi. Le rythme est bien meilleur que dans les deux premiers, et les séquences s’enchaînent (une notion quasi absente des deux premiers) naturellement. Tout comme dans ses prédécesseurs, la mise en image des idées du livre est parfaite. Notamment l’hippogriffe en images de synthèse, parfaitement représenté et animé, à tel point qu’il en devient vraiment vivant et attachant. Les images sont dans l’ensemble très soignées, et certains plans sont superbes. La mise en scène complète le tout, à la fois naturelle et recherchée, précise et lyrique. La musique est également de la fête, avec, en plus du superbe thème de Harry Potter, des morceaux qui accompagnent parfaitement l’image.


Le scénario a réussi à extraire du livre une histoire cohérente et recentrée sur les personnages principaux. Les acteurs habitués de la série sont toujours nickel dans leurs rôles, et les petits nouveaux (Emma Thompson en prof de divination assez fantasque, et David Thewlis en prof de défense contre les forces du mal inquiétant mais finalement très humain) sont remarquables. Gary Oldman, dans l’autre rôle du titre, est également marquant mais a un temps de présence à l’écran finalement assez court. En plus d’avoir su résumer l’histoire, le scénario arrive à donner un vrai caractère aux personnages principaux. Et Dieu sait que ce n’est pas toujours le cas. Mais, et on arrive ici au seul reproche à faire au film, mais reproche important tout de même, leur passé et leurs motivations sont quasiment escamotées. On ne comprendra rien du lien qui unit Lupin, Black et le père de Harry, ni ce que Rogue a contre eux (et pourtant on commence à en apprendre dans le livre), ni même d’où vient la carte du Maraudeur (mince, ça aurait pas pris longtemps, quand même), ni même comment Sirius Black s’est échappé d’Azkaban, excusez du peu. Quelques coupes assez dommageables à l’intérêt et à la compréhension du spectateur n’ayant pas lu le livre.
On notera aussi des coupes assez franches dans ce qu’on pourrait appeler « ce qu’on a déjà vu dans les autres films ». Ainsi, quasiment pas de Quidditch (1/3 de match contre 3 matches dans le livre), pas de cours hors ceux des nouveaux professeurs, et les seconds rôles ont presque disparu (McGonagall à peine aperçue, madame Pomfresh ou madame Chourave ou madame Bibine absentes du générique, les élèves jouent la figuration à part Malefoy et Londubat), et ne reste comme d’habitude qu’un peu de Dumbledore (Michael Gambon, ressemblant pas mal au Richard Harris des deux premiers, mais loin d’avoir sa douce voix), de Rogue (Alan Rickman dans un rôle toujours aussi jubilatoire) et de Hagrid (Robbie Coltrane toujours parfait).


Alors voilà, pour le fan du livre, le film ressemblera aux deux autres : une parfaite illustration, mais incomplète. Bien sûr, à force d’avoir lu les 5 volumes sortis, on en vient à reprocher l’absence d’éléments qui n’apparaissent qu’après (les devoirs de divination, ou les scrouts à pétard, c’est dans la Coupe de feu), mais il suffit de reparcourir le livre pour retrouver plein de détails disparus du film. C’est bien sûr le lot de toute adaptation, mais ces détails sont ce qui permet au lecteur de se sentir chez lui dans le Poudlard du livre, et pas dans celui du film.
Pour conclure : si vous n’avez pas lu le livre et que vous avez accroché à l’univers de Harry Potter dans les deux premiers films, courez voir celui-ci, il est encore plus réussi. Si vous avez lu le livre, vous aurez contre le film les mêmes griefs que contre les deux premiers : on survole trop le côté vie de tous les jours à l’école, et on s’y attache moins. Mais dans les deux cas, vous devez bien sûr aller voir le film, dont on pouvait sans doute difficilement faire mieux en 2h20. On en vient à rêver à un système à la Seigneur des anneaux, avec une version longue en DVD, qui arriverait enfin à recréer la vie à Poudlard, et pas juste une aventure. Et on tremble à l’idée de ce que peut subir la Coupe de feu, un tiers de pages en plus. Vraiment, les gars, faites-nous ça aux petits oignons et n’hésitez pas à sortir le film en deux morceaux, c’est très mode…


A voir : si vous êtes fan, ou si vous n’êtes pas fan, ou… dans tous les cas, en fait
Le score presque objectif : 8,5/10 pour les fans du livre, 9/10 pour les autres
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, vous serez peut-être un peu déçu si vous connaissez le livre, mais vous serez encore plus ravi de voir tout ce monde prendre vie sur grand écran


Sébastien Keromen