Locataires
Titre original : Binjip

Film :
 sud-coréen, comédie dramatique
Durée : 1h 30
Date de sortie française : 13/05/2005
Réalisateur : Kim Ki-duk
scénario : Kim Ki-duk
Interprètes : Lee Seung-yeon (Sun-houa), Jae Hee (Tae-suk), Kwon Hyuk-ho (Min-kyu)
Image : Jang Seung-beck
Musique : Slvian (générique), Natacha Atlas (musiques aditionnelles

Site officiel  : http://www.cineclickasia.com/movie/binjip/index.htm

Locataires a reçu le Lion d'argent (prix du Meilleur réalisateur) au Festival de Venise en 2004. La presse le récompense également en lui attribuant le prix Fipresci (fédération internationale de la presse cinématographique) du Meilleur film.

L’histoire :

Tae-suk arpente les rues à moto. Il laisse des prospectus sur les poignées de porte des maisons. Quand il revient quelques jours après, il sait ainsi qu'elles sont désertées. Il y pénètre alors et occupe ces lieux inhabités, sans jamais rien y voler. Un jour, il s'installe dans une maison aisée où loge Sun-houa, une femme maltraitée par son mari...


Après L'Ile (2000), Adresse inconnu (2001), Printemps, été, automne, hiver... et printemps (2003) et Samaria (2004), Locataires, le dernier film du prolifique Kim Ki-Duk nous parvient.
Alors qu’adresse inconnue est un film qui comporte une certaine violence qui aboutit à la mort de plusieurs des personnages et que Printemps, été, automne, hiver... et printemps explore un étrange cycle où les êtres semblent pouvoir hériter de la vie d’un autre, Locataires semble se dégager de la pesanteur implacable pour atteindre une forme de légèreté.

Locataires c’est le rêve de ne pas parler et celui de disparaître de l’espace ou plutôt de s’y creuser un trou afin de s’y cacher. Au commencement et durant les premières minutes où l’on peut encore douter d’avoir eu raison de donner sa chance à un film, Tae-suk(Jae Hee), un drôle de garçon accomplit un étrange rituel. Le film est habité de nombreux rituels du reste. Tae-suk s’assure qu’un logement est vide, s’y introduit en douceur et y vit quelques temps, se restaurant, faisant la lessive, réparant ce qui est en panne et se prenant en photo dans ces intérieurs qu’il visite en prenant soin de ne laisser que des témoignages bienveillants. Il semble animer d’un besoin de se le lover dans l’intérieur des autres et de réparer ce qui est cassé avant de disparaître parfois in extremis avant l’arrivée des propriétaires des lieux.

Très vite cependant son étrange mode de vie va être perturbé par Sun-houa qu’il va rencontrer en pénétrant chez elle. Tae-suk et Sun-houa sont deux personnages qui se caractérisent par leur mutisme, un silence, le rêve de ne pas parler. Le seul son qui sortira de la bouche de Sun-houa sera un cri jeté à son mari, homme brutal qui ne sait pas toucher son cœur et qui la maltraite. Au cours du film on comprendra que l’un des deux personnages ont du parler mais sans que l’on entende quoique ce soit.


Sun-houa est étouffée par son mari et la rencontre avec Tae-suk lui est sans doute salutaire. Les deux personnages sont tendres l’un pour l’autre et ils s’apprivoisent réciproquement en créant de nouveaux rituels. Le film suggère l’invention de parcours amoureux au travers d’espaces au sein desquels les amants peuvent revenir respirer quelques chose de leur amour qui subsiste indépendamment de l’écoulement du temps.

Kim Ki-Duk déploie des trésors d’intelligence pour permettre à Sun-houa et Tae-suk de s’aimer et on retrouve sa capacité à inventer de nouveaux signes et un langage qui rend toute chose nouvelle. Tae-suk apparaît comme une sorte de pantomime qui parvient à s’abstraire du champ de vision de ceux pour lesquels il veut rester invisible et apprend à son corps à voir la lumière. Cette opération magique de la vision est rendue possible grâce à un esprit d’enfant, joueur et qui semble capable d’inventer un monde magique à l’image de son entraînement pour devenir invisible alors qu’il est prisonnier dans une pièce de quelques mètres carré et sans aucun meubles. Locataires évoque une forme de parasitage de l’espace qui permet à un amant furtif de n’exister que dans les yeux de la jolie Sun-houa.


En bref :

Locataires est probablement le meilleur film de Kim Ki-Duk et on en ressort comme revivifié. Comme souvent le réalisateur arrive à maintenir un étrange équilibre entre  gravitée, violence et comique. Locataires c’est la bonne surprise de ce début d’année qui confirme que Kim Ki-Duk est un grand réalisateur. Foncez voir ce film qui est tendre pour les deux personnages muets en particulier si vous aimez le cinéma de Kim Ki-Duk et de toute façon si vous rechercher le frisson de découvrir un film habité.


A voir : presqu’une révélation
Le score presque objectif : 8,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, une réalisation surprenante et truffée d’invention pour raconter une belle rencontre

Laurent Berry