A force d’avoir des resucées US ou même françaises de films d’arts martiaux, tous plus insipides les uns que les autres, on oublie que c’est l’Asie qui sait nous fournir en bonne marchandise. Et avec Ong-bak, place à la nouveauté : nouveau pays : la Thaïlande, nouvel art martial : le muay thai, nouvel acteur : Tony Jaa. Ca va faire mal…

Titre original : Ong-bak (mais écrivez-le en thaïlandais)
Thaïlande, 2003
Réalisateur : Prachya Pinkaew
Acteurs : Tony Jaa (Phanom Yeerum en vrai)
Durée : 1h45

L’histoire
Lorsque la tête du Bouddha qui veille sur le village est volée, Ting, le jeune champion du village, part à Bangkok pour la récupérer. Mais les voleurs vont devoir être convaincus par des arguments frappants.


Amis de la poésie, des beaux-arts, de la finesse, des films d’auteur, de la belle littérature, mais qu’est-ce que vous faites là à lire cette critique ? Ong-bak ne s’adresse certainement pas à vous, mais uniquement aux amateurs de films de baston. Parce que, sorti des combats, le film est tout de même assez misérable. Le scénario est certainement le moins pire, étant une reprise de ce qu’on trouve déjà dans tellement d’autres films (pour la énième fois, même si un peu indirectement, on se bat pour sauver des villageois). Il a tout de même l’avantage de faire la part belle aux combats dans les 2/3 du film, et l’inconvénient d’une fausse note inutile sur la fin. En fait, là, je parle de l’histoire, puisque l’autre partie du scénario, les personnages, ressemble au top 3 des clichés du genre, version pas subtile. A ma droite, le mauvais garçon combinard et pleurnichard qui, ne vous inquiétez pas, va revenir dans le droit chemin. A ma gauche, sa copine, avec la voix suraiguë, et qui sert surtout de décoration et à se faire enlever. Et au milieu, le héros, pur et innocent, naïf comme il se doit, sans copine parce que les vrais héros sont solitaires, et qui vraiment aurait préféré la non-violence, mais vous ne lui laissez pas le choix. Bien sûr, avec de tels personnages, il aurait fallu des performances d’acteur hors du commun pour que ce soit vivable, et c’est loin d’être le cas, à commencer par le héros qui joue sans conviction et manque en plus un peu de charisme.


La réalisation est également à la peine. Les prises de vues sont assez approximatives, et les combats et acrobaties pas vraiment bien montés. Notamment, pour une belle cascade, on vous la remet une ou deux fois sous des angles différents. C’est super, ils viennent d’inventer le bonus DVD multi angles au cinéma ! Plus sérieusement, une jolie cascade, on fait un ralenti, on monte les 3 vues en alternance, ou même on montre les 3 en même temps en multi fenêtrage, mais c’est tout de même pas au spectateur de faire le boulot du monteur. La musique est plutôt pas terrible (et en tout cas largement pas dans mes goûts), cumulant le défaut d’être un mix 20% thaïlandaise 80% techno, et l’inconvénient d’avoir un thème très court, et donc répété un bon paquet de fois à chaque combat (en plus, une partie de la musique fait partie de « l’habillage » européen du film, ben fallait pas). Si vous avez bien suivi, l’histoire est minimale, l’interprétation défaillante, la réalisation ratée, la musique gonflante. On apprécie tout de même le côté un peu dépaysant de la Thaïlande, avec certainement une mise en exergue du modernisme face aux traditions, mais le scénario bateau écrase assez vite ce dépaysement. Mais qu’est-ce que Ong-bak a pour lui, alors ?
C’est bien simple, le seul intérêt du film, ce sont les combats. Tony Jaa, à défaut de savoir jouer, sait se battre (et faire des cabrioles quand on le poursuit) de façon plus que convaincante. Comme les combats restent lisibles, malgré la réalisation, on peut bien profiter de l’action qui déferle. Car les combats ont pas mal de points en leur faveur, cette fois-ci : ils sont nombreux, originaux (à la fois dans leur chorégraphie et dans la technique de combat), longs, inventifs, et réalisés sans trucages, fils et autres accessoires. Nettement différent du kung-fu habituel ou du jeet-kun-do (le style inventé par Bruce Lee), le Muay thai est un peu moins acrobatique et aérien, mais plus violent, avec principalement des coups de coude et genou qui font bien mal. En résumé, un art martial moins artistique mais plus martial, pour des combats très efficaces. Donc, si vous êtes amateur de films d’arts martiaux, voilà du nouveau et du réussi pour ses combats. Si vous êtes amateur de cinéma, il n’y a rien pour vous. Choisissez votre camp.


A voir : pour les combats, et malgré le reste
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2 si vous n’aimez pas les arts martiaux, +2 sinon, en regrettant tout de même la qualité défaillante du film

Sébastien Keromen