Après Podium et Atomik Circus, Benoît Poelvoorde est à nouveau à l’affiche d’un film français atypique, à nouveau dans un numéro en roue libre. Mais Narco c’est aussi Guillaume Canet, Zabou Breitman, François Berléand, la fraîcheur d’un premier film, et un scénario original. Pour un film qui a des qualités mais ne transforme pas vraiment l’essai.
Narco
France, 2004
Réalisateur : Gilles Lellouche et Tristan Aurouet
Acteurs : Guillaume Canet, Benoît Poelvoorde, Zabou Breitman, François Berléand, Guillaume Gallienne, Jean-Pierre Cassel, quelques caméos, et une guest-star surprise dont je vous laisse… la surprise
Durée : 1h45
L’histoire
Gus Klopp est narcoleptique. C’est-à-dire qu’à tout moment il peut tomber dans un profond sommeil peuplé de rêves. Coincé entre sa maladie, sa femme qui en a marre, et son meilleur ami qui s’imagine le meilleur karatéka du monde, il va tenter de s’échapper par la bande dessinée.
On ne remerciera assez les petits jeunes qui font leur premier film en visant directement le divertissement, et non je ne sais quel regardage de nombril indigeste. Non pas que ça donne à chaque fois un chef d’œuvre, mais ça peut facilement donner un film vraiment original, voire culte. Ne nous affolons pas, Narco est bien loin de ce statut. C’est pas faute d’avoir essayé, pourtant : idée originale, permettant des incursions à droite et à gauche dans des genres différents (lors des rêves), expérience filmique en clips et pubs renommés. Et on ajoute Poelvoorde pour le cas où le reste ne suffirait pas. Et on est bien content qu’ils l’aient enrôlé.
Une fois de plus, pour les fans de Benoît Poelvoorde, sa prestation est incontournable. Même s’il s’agit encore et toujours du même genre de personnage, à la fois émouvant par ses idées et pathétique par sa réalité, le film lui offre de grands moments, comme cette leçon de karaté à usage des enfants (même si la scène est finalement vraiment courte). Le reste de son rôle ne fait pas mouche à chaque fois, mais il nous gratifie de certains dialogues bien croustillants. Citons aussi Guillaume Gallienne, qui nous vient de la Comédie Française pour incarner un personnage déjà réussi avant qu’il ne pète les plombs pour être encore plus délectable. Mais passons à la partie qui fâche : pourquoi le film ne fonctionne pas.
Rentrer dans une histoire est assez subjectif, et j’imagine que certains marcheront à fond. Mais laissez-moi vous expliquer pourquoi le film m’a ennuyé. Le problème principal vient de ne jamais tirer profit des occasions que les divers aspects du film donnaient. Comme un match de foot plein de penalties sans qu’aucun ne soit transformé en but. Tout d’abord, les séquences de rêve, aussi bien foutues soient elles, n’apportent rien à l’histoire. Dommage, vu le soin qui leur a été apporté. En elles-mêmes, elles sont trop courtes et sans enjeu pour qu’on y prenne plaisir indépendamment du reste. Ensuite, pour un film partant d’un principe original, il ne surprend jamais, tout le déroulement du scénario continue en ligne à peu près droite. Sans demander de twist à la Shyamalan, un développement inattendu ou deux aurait été les bienvenus. Mais à part peut-être les tueurs à gage (pas leur présence, mais le duo qu’ils forment), pas vraiment d’idée qui relance le film. On peut aussi déplorer qu’on voit d’avance à peu près tous les moments où Gus plonge dans le sommeil. Pour une maladie qui frappe sans crier gare, il y avait tout de même matière à surprendre le spectateur.
Pire, les gags manquent d’imagination. A part celui du jury littéraire, et même s’ils restent drôles, on rit de connivence avec un gag déjà éprouvé plutôt que de surprise d’un gag nouveau. L’apparition d’une guest-star de choix est encore une fois largement sous-exploitée. Le film utilise une voix off, plusieurs voix off même, et ne s’en sert quasiment pas pour des effets de décalage entre la narration et l’image, alors que c’était aussi une mine inépuisable, et qui aurait pu donner un ton plus tranché au film, qui reste un peu fade. L’histoire, finalement, bien que basée sur une idée inédite, part un peu dans toutes les directions pour finalement faire du surplace, et la fin tourne à l’eau de boudin (et c’est pas en faisant dire à la voix off que la fin est décevante pour le spectateur que ça va améliorer grand chose).
On ajoutera une bande son plutôt réussie mais assez bruyante et agressive, une vulgarité pas toujours justifiée, une violence parfois gratuite (et qui n’est même pas drôle), et on obtiendra un film certes plutôt original, mais qui laisse un goût de léger gâchis. Reste le numéro de Benoît Poelvoorde, quelques idées de mise en scène imaginatives, et c’est un peu tout.
A voir : pour Benoît Poelvoorde, mais c’est sans doute tout
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, peut mieux faire
Sébastien Keromen