Titre : Neg' Maron

Film :
 Film français
Genre : Drame
Durée : 1h 35min
Date de sortie française : 19 Janvier 2005
Réalisateur : Jean-Claude Flamand Barny
Scénario :
Jean-Claude Flamand Barny, Alain Agat
Interprètes : Christy Campbell aka Admiral T (Josua), Didier Daly (Silex), Stomy Bugsy (Pedro), Alex Descas (Siwo), François Levantal (Marcus), Jocelyne Beroard (la mère de Josua)

Photo : Claude Garnier
Producteur : Richard Magnien, Mathieu Kassovitz


L’histoire :

Au coeur des petites Antilles, au début des années 2 000, dans un quartier populaire où se côtoient des personnages chaleureux, hauts en couleurs, Josua et Silex, deux jeunes amis d'enfance à la dérive, issus d'un milieu familial et social explosé, mènent une existence insouciante. Mais la violence de l'île et l'escalade de situations déroutantes vont mettre leur amitié à rude épreuve...


Neg’ maron est le premier film de Jean-Claude Flamand Barny en tant que réalisateur après avoir travaillé sur différents projets de Matthieu Kassovitz qui a coproduit le film.
Mathieu Kassovitz a tenu à produire ce film. Il explique les raisons de son choix: "Avec Jean-Claude, on se connaît depuis notre adolescence. Il a toujours été là pour moi, sur pratiquement tous mes projets. Il était clair qu'un jour ou l'autre, il aurait des choses à dire. […] »
Le montage financier a été d’autant plus difficile que les investisseurs potentiels se bornent à des a priori et que les films touchant de près ou de loin aux Antilles ne sont pas les plus faciles à vendre.

Le titre du film peut laisser penser qu’il s’agit d’un film sur les esclaves qui ont pris la fuite en se réfugiant dans la forêt mais il s’agit d’un titre qui a été choisi pour évoquer ce que les 2 plans de début et de fin du film montre c’est-à-dire Josua courant dans la campagne et sautant dans les bois pour rester libre. Même si il veut rester libre pour des raisons toutes différentes de celles des anciens esclaves on comprend que le propos du film consiste surtout à mettre en perspective l’histoire collective des antillais au travers d’une histoire individuelle.

Pour son premier film, Jean-Claude Flamand Barny a réuni un casting assez bigarré mais fidèle à son projet. On trouve ainsi Admiral T, star du Reggae-Dancehall qui interprète le personnage de Josua, Didier Daly dans le rôle de Silex, l’acteur originaire du cap vert, Stomy Bugsy dans celui du négropolitain Pedro ou encore la chanteuse Jocelyne Beroard d’origine martiniquaise qui incarne la mère de Josua. Ce casting qui met en scène des acteurs novices s’avère plutôt efficace et on est heureux de constater qu’il n’y a pas d’erreur de casting et que le jeu d’acteur est plutôt bon.


Le film démarre sur un plan où l’on voit Josua courir dans une prairie puis l’histoire démarre. Ce plan sera repri et poursuivi plus loin dans l’action à la fin du film qui se termine sur une image arrêtée du jeune homme en pleine course. Ce qui se passe entre les deux plans semble comme une parenthèse historique dans la grande Histoire des petites antilles. Neg’maron veut faire le pont entre le passé des anciens esclaves marrons pour échapper à leur condition et le présent qui ne met pas à l’abris d’autres entraves, des chaînes plus subtiles.

Le réalisateur a choisi d’adopter un point de vue réaliste et en se dégageant au maximum de la tentation exotique qui ne montre que la partie flatteuse de la réalité d’une île comme la guadeloupe. L’île aux belles eaux comme la, nommaient les caraïbes est un département français subissant une crise sociale et avec un des taux de chômage s’élevant à un peu plus de 24 % de la population active. C’est aussi un département qui accuse un retard dans le développement des infrastructures et des aménagements du territoire.

L’histoire récente de l’île révèle un manque de reconnaissance du passé de l’ancienne colonie qui se traduit par un malaise d’une partie de ces représentants. Les films, les romans et toutes les formes de médiatisation de ce qu’est la créolité aujourd’hui et le passé d’une ancienne colonie sont bienvenues tant pour résorber le manque de reconnaissance que pour faire connaître les particularités de la culture antillaise.

Neg’maron propose un regard réaliste sur les problèmes de la jeunesse antillaise et Jean-Claude Flamand Barny évite les plages blanches et les cocotiers pour monter un petit quartier authentique qui n’est pas à lui seul représentatif de l’ensemble de la Guadeloupe. Cependant il s’attarde à montrer les gens de là-bas, parvient à donner une idée des rapports de force et de « classes » sur l’île et décrit une partie des mœurs des Guadeloupéens.

Le cadre nous gratifie de quelques belles images moins courantes que les cartes postales clichées sur les Antilles en montrant des vues sur les collines et les prairies.

Le film parle aussi des négropolitains, ce million d’antillais vivants en France et notamment à Paris. Dans l’histoire, c’est Stomy Bugsy qui incarne Pedro qui représente ces antillais de France et revenant de temps en temps sur leur île à l’image de Doc Gineco par exemple.


Le scénario propose une intrigue qui parvient à soutenir l’attention du spectateur et l’on parvient en même temps à saisir différentes subtilités du tissu social du quartier populaire où se déroule l’histoire. On pourra reprocher au réalisateur d'avoir voulu raconter trop de choses dans son scénario puisque l'on a le cliché de la fille qui tombe enceinte et dont le copain va mourir, une autre fille qui se fait battre et violée par son copain mais le regard presque sociologique de Jean-Claude Flamand Barny impliquait probablement une accumulation de tranche de vie.


A voir ce qu’il a été possible de réaliser avec ce film tourné entièrement dans des décors naturels on peut penser qu’il serait intéressant d’aller plus loin et de réaliser encore d’autres films qui peuvent exploiter une histoire particulièrement riche. Il serait dommage de laisser à d’autres, même si ils montrent un grand talent, l’initiative de les faire. Steven Spielberg à réaliser la Couleur pourpre et Amistad sur l’histoire des noirs opprimés dans l’histoire. Il serait temps qu’en France, on prenne cette histoire à bras le corps à la fois pour le devoir de mémoire car les ancêtres des antillais sont autant gaulois, africains, hindous ou amérindiens que pour proposer de nouveaux terrains de jeux au cinéma.


Verdict :



Comme on le dit dans le film : "Ni chenn an pyé, ni chenn an têt" c'est-à-dire pas de chaines aux pieds, pas de chaines dans la tête. En cela Neg' Maron vise un propos très optimiste et volontaire consistant à faire passer comme message aux antillais qu'ils doivent dépasser leur histoire pous construire leur avenir et maitriser leur vie.
Si vous vous avez une image exotique de la Guadeloupe vous pourrez avoir un point de vue plus proche de la réalité avec ce film qui parvient à révéler certaines réalités de la vie des habitants d’un quartier populaire de l’île. De plus en soutenant le film vous pouvez aussi faire admettre que les Antilles sont aussi intéressantes pour autre chose que du tourisme.



A voir : Un film qu’il faut soutenir car il peut permettre d’encourager d’autres productions Antillaises
Le score presque objectif : de 7à 7,5/10, un petit film honnête qui s'en sort bien
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, vous aurez un regard dégagé de tout exotisme sur la Guadeloupe
 

Laurent Berry