Une femme Coréenne

Titre original : Baramnan gajok ou A good lawyer’s wife
Film : sud-coréen, 2003 ,drame érotique
Durée : 1h 47.
Date de sortie française : 30/04/2005
Réalisateur : Im Sang-soo
Scénario : Im Sang-soo
Interprètes : Hwang Jung-Min, So-Ri Moon, Yun Yeo-Jung, Kim Inmun, Bong Tae-Kyu, Jang Jun-Young
Image : Kim Woo-Hyunh
Musique : Kim Hong-Jeab

Interdit aux moins de 12 ans

L’histoire :

L'histoire d'une ancienne danseuse mariée à un avocat de renom infidèle. Femme au foyer, elle décide de sortir de sa torpeur quotidienne en cédant aux charmes de son jeune voisin, un adolescent timide.

critique subjective :

Décidément le cinéma sud-coréen continue de prouver qu’il recèle suffisamment de talent pour que l’on se penche très sérieusement sur les films de ses réalisateurs.
Entre Hong Sang-soo et Kim Ki-duk l’on pouvait évoquer d’autres réalisateurs asiatiques comme le Hongkongais Wong Kar-wai.  Mais ce serait aller trop loin alors que le réalisateur coréen Im Sang-soo signe avec Une femme Coréenne le film chaînon-manquant entre le cinéma de Hong Sang-soo (Turning Gate, la femme est l’avenir de l’homme) et celui du kim Ki-duk de Locataires notamment.


Une femme Coréenne est le troisième film de Im Sang-soo qui s’attaque aux mêmes questions qu’a exploré Hong San-soo dans La femme est l’avenir de l’homme et Kim Ki-duk dans l’excellent Locataires mais en proposant de les intégrer à l’histoire familiale de l’avocat Young-jak. Im Sang-soo avait déjà porté le thème de la femme libérée des tabous avec son premier film Girls’night out (1998).

La position de la femme dans la société coréenne a beaucoup évolué depuis celle qui lui était dévolue dans la société traditionnelle coréenne. Elle devait suivre la morale confucéenne, être patiente, vertueuse et surtout donner un héritier mâle pour perpétrer la lignée familiale. Le couple qui est au centre de l’histoire de Im Sang-soo chérit d’ailleurs un fils adoptif. Le film décrit des histoires parallèles de femmes qui prennent leur indépendance à des âges différents.

Im Sang-soo livre un regard plutôt lucide sur la société coréenne et affirme : " Une femme coréenne est l'histoire de ma vie, celle de ma femme, celle de ma famille, celle de mes amis. Cette génération [celle des années 80] a été la première à profiter d'une Corée nouvellement démocratisée, et de l'émergence du féminisme. [...] Le problème est que la Corée n'avait qu'une vague connaissance de ces valeurs que sont la démocratie et le féminisme, et qu'aujourd'hui les Coréens ont du mal à mettre en pratique ce qui n'était que de lointaines théories. Cette génération s'efforce d'être heureuse, mais se heurte à la difficulté d'appliquer son nouveau statut de génération libre."

Le début plus calme du film pourrait aisément se comparer aux films de Hong Sang-soo mais vers son milieu, un événement frappant survient qui fait glisser l’histoire du côté du cinéma de Kim Ki-duk dont on retrouve une forme d’expression de la violence presque quotidienne. Violence des relations amoureuses, des confrontations entre amants, entre parents, vengeance désespérée et irraisonnée d’un père de famille.

Tout comme Hong Sang-soo, le réalisateur présente également des femmes fortes qui accèdent à une forme d’indépendance. Les deux couples que l’on voit évoluer révèlent une tendance qui n’est pas propre qu’à la société sud-coréenne où les femmes aspirent à une vie meilleure et plus épanouie, loin de la pesanteur des mariages qui s’essoufflent. Une femme coréenne montre aussi cette scène pathétique où l’homme se retrouve seul tandis que la femme poursuit son chemin de son côté comme chez Hong Sang-soo.  A la différence que chez Im Sang-soo ce moment semble moins triste peut-être parce qu’une nouvelle forme de liberté s’offre autant à l’homme qu’à la femme une fois affranchit de la pression sociale traditionnelle.


La femme de Hong Sang-soo et de Im Sang-soo partage le besoin d’accéder à une sexualité épanouie qui s’accommode difficilement avec la conception traditionnelle de la femme soumise au cadre normatif de la société et dévouée à l’homme pour lequel elle se doit d’enfanter un fils. La femme muette de Locataires de Kim Ki-duk veut vivre autre chose que la violence et la brutalité d’un mari qui veut contrôler sa vie. Kim Ki-duk trouve une solution très originale pour qu’elle y parvienne en créant la rencontre avec un amant qui n’est visible que pour elle.

Les seules paroles que  semblent pouvoir dire les hommes dans ce contexte sont " je ferai de mon mieux, je ferai de mon mieux "  alors qu’il est déjà trop tard. Comme on dit dans Turning Gate, ce n’est pas facile d’être des êtres humains, mais ne devenons pas des monstres. Ce que le mari de l’épouse muette de Locataires devient en violentant la jeune femme et cherchant à éloigner le jeune amant par tout les moyens. C’est ici que l’on comprend qu’en fait le jeune homme de Locataires est tel un angélisme, l’incarnation de ce que veut la femme coréenne ; peut-être un rêve.

Im Sang-Soo affirme : " En Asie - et plus particulièrement en Corée - il n'y a plus beaucoup d'espoir dans le genre masculin. Les hommes ont un trauma, profondément ancré dans leur tête, qu'ils se transmettent de génération en génération. Peut-être pour des raisons historiques, ou à cause d'un vieux complexe d'infériorité vis-à-vis de l'Occident. Les femmes, elles, n'ont pas ce type de complexe. D'après moi il n'y a d"espoir que dans le genre féminin." La femme est l’avenir de l’homme et elle est forte. Elle est forte car elle tente d’affronter l’homme brutal qui en est réduit à la battre pour s’en faire aimer, elle est forte quand il s’agit d’affronter la vue du sang presque fascinée et forte encore quand il y a un cadavre à enterrer.

Une femme coréenne (2004) se montre encore plus directe que Turning Gate (2002) ou La femme est l’avenir de l’homme(2003). La sexualité y est présentée de manière frontale avec un aplomb que l’on retrouve trop peu dans les films occidentaux. On assiste à une scène d’un érotisme rare entre  la jeune mannequine et l’avocat sur le dos duquel la jeune femme aime à se caresser. Im Sang-soo aussi déshabille la réalité et offre la vérité en image.


Une femme coréenne suggère que la parole des femmes est trop forte pour que les oreilles de l’homme puissent les entendre et la supporter. Ainsi, on assiste à une conversation nocturne entre Byung-Han la grand-mère, son fils Young-jack, Hojung l’épouse du fils et Sooin le petit-fils adoptif. La scène est cadrée en plan large et en plongée au-dessus des quatre personnages couchés l’un à côté de l’autre permettant une grande proximité et faisant ainsi participer le spectateur à cette scène familiale. Cependant, Im Sang-soo s’assure que le petit-fils soit endormi et que le fils se bouche les oreilles pour ne pas entendre.
Seule la belle-fille écoute et sourit.

Verdict :

Une femme coréenne est un film trait d’union entre La femme est l’avenir de l’homme de Hong Sang-soo et Locataires de Kim Ki-duk. Ce film offre une vision lucide sur les troubles contemporains qui agitent la société coréenne tout en consacrant la femme en tant que nouveau vecteur d’avenir.


A voir : Un cinéma d’un érotisme rare qui sait parler du couple et de la femme.
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, On reste dans la veine de ce cinéma coréen que l’on aime tant.

Laurent Berry