Récit d'un séjour Cannois au Festival de Cannes 2007



Le festival de Cannes. Sûrement la plus prestigieuse des manifestations consacrées au cinéma. L’occasion de croiser de nombreuses stars, de près, d’assister à des projections exclusives, de participer à de superbes soirées aux frais de la princesse, d’avoir toutes les news en avant-première sur les films à venir et les projets les plus chauds, d’avoir des infos sur des projets qui ne se feront jamais, de côtoyer de nombreux producteurs, de mettre un pied dans le monde du cinéma… ou pas.

En réalité, le scénario décrit ci-dessus, aussi alléchant soit-il, est réservé à un nombre réduit de visiteurs, non pas une quelconque élite mais une minuscule part de l’immense foule de badauds, touristes, curieux, passionnés et téméraires se rendant à Cannes dans le but d’y assouvir leur soif cinéphilique qui n’a d’autre mérite que d’avoir reçus le précieux passe. Et pour les autres ? Et bien pour les autres, l’histoire est un peu différente. Grimper sur des murets pour voir des silhouettes lointaines sensées être les acteurs, actrices, ou réalisateurs de ses films préférés, attendre debout durant plus de deux heures pour finir avec une poignées de photos floues et/où mal éclairées… voilà le lot quotidien du festivalier lambda dont votre serviteur à bien entendu fait parti, toujours dans une certaine bonne humeur ambiante teintée des éternelles rivalités pour obtenir la meilleure place au soleil. Récit d’un séjour Cannois.


Cannes, premier jour


Comme le quidam moyen n’a malheureusement pas vraiment le loisir de réserver une chambre d’hôtel en avance (c’est un peu cher tout de même, à Cannes, à cette période de l’année) et d’arriver un voir deux jours avant le début de la manifestation dans un souci pratique, c’est donc dans un train bondé, dans lequel sa place (pourtant réservée) a été réquisitionnée par une mère et son gamin braillard qu’il arrive à destination, le jour J à 17h30. La montée des marches se déroulant peu après, pas vraiment le temps d’étancher une sècheresse buccale grandissante ni de se poser un moment, direction la croisette en quatrième vitesse.

18h00. La montée des marches, déjà bien entamée, n’a pas encore vu passer ses invités du jour les plus prestigieux. D’entrée on est projeté dans le Cannes tel qu’on peut se l’imaginer. Une foule très dense, des reporters un peu partout cherchant un coin d’herbe pour enregistrer un reportage, des festivaliers de toutes nationalités, lunettes de soleil et frime à tous les étages… C’est d’ailleurs justement au tour des membres du jury de parader comme des coqs devant une foule d’admirateurs prêts à se bouffer le nez pour entrapercevoir un bout de visage de star. Paradoxalement, la meilleure place est aussi la plus lointaine. On voit tout, mais de loin. Et enfin… les stars de la soirée, les vraies, arrivent, dans un déluge de cris et de flashs, sous les commentaires de divers journalistes et de Laurent Weil.

Le comité d’organisation du festival, dans sa bienveillance, a pensé à tous ceux qui vendraient pour ne rien voir et a fait installer un écran géant qui retransmet les images de Canal +. Voir la télévision sur écran géant alors que tout se passe à 40 mètres de soi, c’est aussi ça Cannes ! Il n’empêche qu’il fut possible de voir, de loin, Wong-Kar-Wai et son équipe, Nora Jones, Jude Law (le seul de la clique à finir par se retourner pour saluer les centaines de personnes venus le voir). Amusant. Mais c’est déjà fini, et la foule amassée pendant des heures sous un soleil brûlant s’est dispersée en un clin d’œil. Il s’agit à présent de se restaurer au plus vite pour avoir une place de choix pour la montée des marches suivante.

Un MacDo mangé en quatrième vitesse plus tard et c’est chose faite. La place est idéale, au premier rang. Derrière une grille, certes, mais au premier rang. Deux heures d’avance, cela devrait suffire. Seulement voilà, deux ennemis du festivalier se sont immiscés dans cette seconde partie de soirée : le manque d’information et la précipitation. En guise de seconde montée des marches, c’est à un véritable défilé d’inconnus qu’on a droit car le film projeté est en fait, encore une fois, le Wonk-Kar-Wai, mais pour des invités bien moins prestigieux. Du temps perdu, 8 heures de train, des heures à attendre = fatigue. Il est largement temps de boire un verre ou deux, de refaire le monde en bonne compagnie et enfin de se coucher, vers quatre heures du matin.


Cannes, deuxième jour




Après une matinée honteusement passée à buller, à faire des courses, à boire et à manger, il s’agit de se préparer pour LE plat de résistance de la journée (le seul évènement digne d’intérêt en fait) : la montée de marches de l’équipe de Zodiac, le nouveau film de David Fincher, véritable événement sur la croisette. Beaucoup seraient visiblement prêt à éviscérer leurs parents pour assister à la séance de l’un des films les plus attendus de la croisette.

Le Fincher a beau être déjà sorti depuis un moment aux USA, et n’avoir plus que des secrets de polichinelle quand à son contenu, il continu d’enflammer les cinéphiles amateurs de tapis rouge. Il est ainsi assez amusant de traverser la croisette pour trouver de nombreux festivaliers égarés, habillés d’un smoking ou d’une robe de soirée mais néanmoins mendiants portant une pancarte de carton écrite au marqueur dans l’urgence « Une place s’il vous plait » dans l’espoir qu’une vieille douairière esseulée l’y emmène, le faisant passer par la même occasion pour son jeune et fougueux prétendant... mais qu'est ce qu'on est pas prêt à faire pour monter les marches sacrées !

Rendez-vous à la montée des marches donc. Cette fois c’est la bonne. Les appareils photos sont prêts à fonctionner, les fans crient des « Jaaaaack », des « Maaaaark » ou des « Daaaaaviiiiiid » dans l’espoir d’avoir un signe de la main, ce qu’il ne font pas, mis à part Jake Gyllenhaal qui a l’air d’être plutôt content d’être là, les autres étant trop occupés à poser.
Alors oui, cette furtive montée des marches fut en fait précédée de choses très intéressante tel des conférences de presse, des séances photos, des couvertures télévisées… mais tout ça, c’est pour les chanceux et privilégiés disposant d’une accréditation, ce petit badge porté négligemment le long du coup, savamment disposé de façons à ce que tout le monde puisse le voir, histoire de frimer un peu, parce que c’est aussi ça, Cannes.


Cannes, troisième jour




Troisième et déjà dernier jour passé à arpenter la croisette. Cette fois, les marches seront délaissées au profit d’un large tour de la croisette et de tout ce qu’elle peut offrir à Monsieur tout le monde.

D'emblée ce qui frappe, c'est l'omniprésence, justifiée, de la publicité. Des affiches géantes du Pompéi de Polanski (alors que le casting de celui-ci n'est pas encore bouclé), des mises en scènes évoquant des films tels que Transformers, Les Simpsons ou Les 4 fantastiques. On découvre des affiches géantes des prochaines superproductions à venir aux côtés de celles de productions inconnues qui ne verront peut-être jamais le jour. Pour le coup, cela s’avère très intéressant et amusant, et on arpente ces rues avec intérêt. Passage obligé devant la Quinzaine, Un certain regard, le marché du film… tous fermé au public malheureusement. Du côté de la plage itou, de nombreux bars, restaurant ou lieux de fêtes exclusivement réservés aux célébrités ou aux personnes dûment accréditées.



18h00. Rendez-vous sur la Croisette une dernière fois. Double rendez-vous en fait. D’un côté de la rue Canal + s’apprête à tourner son émission Le grand journal, de l’autre, Le Martinez laisse sortir ses premières stars de la soirée. La foule est déjà grande du côté de Canal +. Michel Denisot ne fait pourtant rien de plus que des tests micro et du briefing. D’ailleurs, malgré le fait que l’émission ne commence pas avant un bon moment, les chanceux qui feront parti du public ont déjà été choisis. Les invités du jour : Michael Moore, Eric et Ramzy…

Direction le Martinez, donc. Perché sur un bac à fleur le spectacle est double, car il est possible d’y suivre l’action des deux côtés de la rue. Ce n’est pourtant qu’après une demi-heure et une résignation à abandonner qu’il se décide à se passer quelques choses. Des cris fusent de la foule compacte, un bruit de portière qui claque. C’est Gérard Depardieu qui quitte l’hôtel, fenêtre ouverte, souriant et saluant la foule. Peu après Alain Chabat l’imite.



Finalement il restera au moins cela du festival.

Bilan

Pour un premier festival de Cannes, le bilan est simple à définir. Se déplacer à Cannes, uniquement pour le festival sans aucun passe magique n’a pas grand intérêt. Tout est en effet prévu pour dissuader le festivalier moyen de la moindre initiative lui permettant d’en voir un peu plus. Pourquoi ne pas prévoir de larges espaces ouverts à tous ? Logique, en effet. Laisser monsieur tout le monde en voir trop ne rendrait-il pas le festival de Cannes moins « exceptionnel » et moins « élitiste » ? Peut-être. Mais il n’empêche qu’on s’attend forcément à un minimum. Que lui reste-il alors ? Des miettes, malheureusement, des visages vus au loin, de la frustration et une poignée de photos floues… et la plage aussi, le soleil, le sable, des bars sympathiques et tout un tas d’activités n’ayant rien à voir avec le festival. Parfait pour remplir le reste de ces vacances de bien meilleures manière qu’elles avaient commencées.

Guillaume Simon