Goscinny a lancé au moins trois BD qui ont eu de très grands moments : Lucky Luke, Astérix, et Iznogoud, moins connue mais pas moins savoureuse. Voilà, une bonne BD, je vous recommande " Le Complice d’Iznogoud ", ou " L’Anniversaire d’Iznogoud ", ou encore " Iznogoud et l’ordonnateur magique ". Le film ? Ah, non, je ne vous le recommande pas.

Iznogoud, calife à la place du calife
France, 2005
Réalisateur
 : Patrick Braoudé
Acteurs : Michaël Youn, Jacques Villeret, Arno Chevrier, Elsa Pataky, Frank Dubosc, Magloire, Rufus, Kad & Olivier, Bernard Farcy, et des caméos que je vous laisse découvrir (si vraiment vous tenez à aller voir le film)
Adapté des personnages de René Goscinny et Jean Tabary
Durée : 1h35

L’histoire
Le grand vizir Iznogoud veut devenir calife à la place du calife (faites résonner les murs en lisant ça). Tous les moyens, magiques ou venus d'ailleurs, sont bons. Bons à essayer, mais jamais bons pour réussir.


La critique

Adapter une BD doit être ce qu’il y a de plus difficile à réussir au cinéma. BD et ciné n’ont en commun ni l’image, ni le rythme, ni le son. Éventuellement, ils peuvent partager l’histoire, mais chaque personne qui adapte une BD semble prendre un malin plaisir à en inventer une nouvelle, immanquablement à des kilomètres au-dessous de celles des albums. Iznogoud va-t-il inverser la tendance ? Vous le saurez en lisant le mot suivant. Non.
Adieu suspense, crions-le tout fort, Iznogoud est raté. Pas tout. Mais presque. La seule chose réussie est le passage dans le monde réel du grand vizir et de son homme de main. Le premier semble avoir été créé pour Michaël Youn (qui le joue un peu à la De Funès), le second est parfaitement incarné par Arno Chevrier, hallucinant de ressemblance (physique et gestuelle), et honteusement oublié sur l’affiche. Pour les autres personnages, ça commence à vexer un peu. Jacques Villeret, peu aidé par un costumier daltonien (il est toujours en bleu dans la BD) et n’ayant pas la taille du calife de la BD, nous présente un Haroun El Poussah aussi naïf que nécessaire, mais un peu trop énergique et pas assez spectateur. Quant aux autres, leurs performances ne comptent pas, assassinées par des postiches impossibles. Par que là, je vais sans doute attrister des maquilleurs, costumiers et décorateurs (et -euses, -ères et -trices), mais la reconstitution de Bagdad ne colle pas.


Trop carton-pâte pour faire vrai, trop clinquant pour faire époque, trop peu naturel même pour rendre le même effet que la BD.
Que ce soit les décors assez ternes et mal construits, les paysages sans relief, les costumes semblant taillés dans le plastique, les barbes en grand huit, ou même les effets spéciaux qui se voient, tout sonne faux, même dans un monde de BD. On noie le tout dans une histoire dont l’ensemble n’est pas honteux, mais dont le détail ne donne rien à voir. Ou plutôt, donne à voir tant de choses qu’on aurait préféré ne pas voir. Pour quelques bons gags (comme le gag parodique irrésistible dans le générique de fin), combien de scènes regrettables. D’abord, le scénario met en scène un Iznogoud amoureux. Ce qui n’est arrivé dans aucun album, pour la bonne raison que ça ne cadre pas une seconde avec le personnage. Mais il y a pire.
Et le pire, c’est les chansons. Oui, vous avez bien lu, c’est un film qui chante. On a même droit à quatre ou cinq numéros musicaux parmi les plus pathétiques jamais réalisés. Chorégraphie approximative et de mauvais goût, musique récupérée dans les poubelles d’un compositeur en musique d’ascenseur orientale, et paroles qui donnent ses lettres de noblesse à l’Indigence. De quoi donner vraiment envie de s’empaler les oreilles.


Côté humour, à part quelques bonnes répliques
(mais pas dans la lignée des blagues absurdes des BD) et quelques jeux de mots en hommage à la BD (manque de bol, ça rend encore moins en audio), c’est le retour des clowns. Personnellement, j’espérais plutôt que tous les clowns du monde allaient enfin être coulés sous le béton dans la faille de San Andreas, et voilà que l’adaptation d’une de mes BD préférées se vautre dans ces pitreries. Si vous êtes amateur, il n’y manque rien : claques, chutes, têtes coincées dans des pots (ou dans un cul de chameau, si), disputes, personnages en couleurs (rose et vert, si), grimaces, musique au rabais… Heureusement qu’ils n’avaient pas la possibilité de faire monter un spectateur dans l’écran pour l’arroser. Ajoutez encore quelques gags au-dessous de la ceinture ou misogynes, et vous aurez une idée de ce tableau plus désolant que désopilant. Et n’oublions pas un truc épatant : le tout dernier gag, après le générique, qui était présent dans la bande-annonce. Ça valait vraiment pas le coup de se taper la musique de merde du générique in extenso.
Voilà. Alors que les lecteurs d’Iznogoud commencent sans doute à avoir un peu de bouteille et que la nouvelle génération ne le connaît que peu, Patrick Braoudé nous sort un film pour mômes, même pas beau et bien fait. Qui, de plus, se finit par un " À René Goscinny ", là d’accord (même si sans doute il doit faire des loopings dans sa tombe), suivi d’un " et Jean Tabary ", alors que celui-ci semble pourtant encore en bonne santé. Quoique, peut-être une fois qu’il aura vu le film…

A voir : vraiment pas
Le score presque objectif : 4/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, ça ne fait illusion que 2 minutes

Sébastien Keromen