« Les cinéastes habitent encore un pays qui ne figurent sur aucune carte de géographie. Parce qu’il les englobe tous. Ce pays est le cinéma et il est encore temps de l’explorer -de l’intérieur ». Serge Daney

Voir la critique du DVD Serge Daney, itinéraire d'un ciné-fils

 

Serge Daney, né en 1944, l'année où Roberto Rosselini tourne « Rome, ville ouverte », meurt en 1992, à l'orée des « grandes cérémonies audiovisuelles de masse », après avoir dirigé Les Cahiers du cinéma pendant 10 ans, été responsable des pages cinéma et éditorialiste à Libération et co-fondateur de la revue de cinéma Trafic.

 

Le Reflet Médicis et Les Editions Montparnasse ont souhaité accompagner la sortie en DVD « Serge Daney, Itinéraire d'un ciné-fils », entretiens avec Régis Debray, réalisés en 1992, par la création d'un festival à l'image de l'un des plus grands critiques de cinéma et penseur français du 20ème siècle. Privilégier la rencontre exceptionnelle d’un parcours individuel qui se meut en destin critique, de l’avènement du cinéma moderne à son dépérissement.  Un festival en forme d’itinéraire donc, à l’image de la pensée, des expériences et du parcours de ce « ciné-fils ». Un festival composé des films fondateurs qu’il a aimés, découverts (Hawks, Bresson, Kubrick, Tarkovski, Wenders, Kurosawa, Moretti, de Oliveira, Godard, Tati …), et rassemblant ses amis, Serge Toubiana,  Jean Douchet, Paulo Branco, ses collaborations à Libé, aux Cahiers, à Trafic (Patrice Rollet, Raymond Bellour, Jean Hatzfeld, Antoine de Baecque, Emmanuel Burdeau), des cinéastes,  Claire Denis, Catherine Breillat.


Le fil rouge ? Montrer en quoi la pensée de Serge Daney sur le cinéma en particulier, sur l’audiovisuel et la médiatisation en général est toujours formidablement actuelle, à même d’ouvrir des chemins à la compréhension de notre époque, et ce, que l’on soit cinéphile ou non.
     
Le Festival «Serge Daney, itinéraire d’un ciné-fils » se tiendra sur une semaine du 16 au 22 mars au Reflet Médicis à Paris (3, rue Champollion 75 005 Paris) à raison de 2 à 3 films différents par jour avec, chaque soir, la projection d’un « film phare » à 20h30 suivi d’un débat. 
       
Une sélection d’une quinzaine de films chers à Serge Daney  répartis en 3 grands axes et accompagnés chaque soir d’un débat.


AXE 1 : LE CINEMA, C’EST L’ENFANCE:  Serge Daney « ciné-fils »
De la cinéphilie à l’entrée aux Cahiers du cinéma

« Le cinéma, me disait-il, est le lieu du père, à condition qu’il n’y soit pas, même si on passe sa vie à le chercher dans le monde entier, dans  toutes les langues et dans tous les films » Serge Toubiana (propos extraits du numéro « hommage » spécial des Cahiers du cinéma, 1992 )

Les films qui ont regardé l’enfance,  ce moment où l’enfant sans père adopte le cinéma comme famille. Les films fondateurs : « Les Contrebandiers de Moonfleet » de Fritz Lang, « Rio Bravo » de Howard Hawks. Sans compter la vision de « Nuit et brouillard » d’Alain Resnais et la révélation des camps, du mal absolu.

>>Mercredi 16 mars 2005 

- « Les contrebandiers de Moonfleet » de Fritz Lang
Séances 14h10, 16h10 18h10
 
- « Rio Bravo » d'Howard Hawks
Séance à 20h30 suivie d'un débat avec Serge TOUBIANA (Directeur de la Cinémathèque), Jean DOUCHET (critique aux Cahiers du cinéma).

Soirée inaugurale, thèmes : les fondements de l'imaginaire du "ciné fils" (les films fondateurs), le cinéma hollywoodien, l’amitié. Les héros -américains- de l’enfance et l’horreur des camps. L’enfant choisit d’ « habiter » ce monde-là malgré tout. Quels sont les pouvoirs du cinéma, entre croyance et capacité d’enregistrement ?


AXE 2: LE CINEMA, PROMESSE D’APPARTENANCE AU MONDE
Daney « passeur de films » et voyageur


Les films comme vecteurs d’une rencontre avec l’autre, le cinéma comme expérience du temps, comme voyage : « Le diable probablement » de Robert Bresson, « L’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick, « Au bord de la mer bleue » de Boris Barnet,  « Francisca » de Manoel de Oliveira, « Trafic » de Jacques Tati, « Prénom Carmen » de Jean-Luc Godard.

>> Jeudi 17 mars 2005

- « Le diable probablement » de Robert Bresson
Séances 14h10, 16h10, 18h10.

- « 2001 L'odyssée de l'espace » de Stanley Kubrick
Séance à 20h15 suivie d'un débat avec Antoine de BAECQUE (journaliste à Libération, auteur de l’histoire en deux volumes des Cahiers), Nicole BRENEZ (Professeur à Paris I).

Thèmes : Daney, passeur de films. Comment vieillissent les grands films ? Comment Daney a lui-même explicité la belle expression de son ami Jean-Louis Schefer « les films nous regardent » ? L’exemple de « 2001 », mal compris à sa sortie par Les Cahiers en plein tournant politique et sectaire, réévalué par Serge Daney plus tard comme la matrice inventive de la plupart des films de science-fiction qui viendront après.

>> Vendredi 18 mars 2005

- « Au bord de la mer bleue » de Boris Barnet

Séances 14h10, 16h10, 18h10

- « Francisca »  de Manoel de Oliveira
Séance à 20h30 suivie d'un débat avec Paulo BRANCO (producteur de Manoel de Oliveira)
Sous réserve : Raymond Bellour (fondateur de Trafic), Manoel de Oliveira.

Thème : Le cinéma, voyage absolu. Des Cahiers à Libé, donner à voir des cinéastes connus et méconnus. Pour Daney,  il s'agit « d'habiter le monde », faire l'expérience du temps, s'ouvrir à  toutes les cinématographies, à l'Autre...
Paulo Branco : comment Serge Daney est capable de communiquer cette ouverture, de faire parcourir à ses auditeurs, à ses lecteurs, la carte de la géographie du cinéma… A Libé, avec l’écriture courte, le sel du quotidien, Daney « recycle » le savoir colossal accumulé  aux Cahiers pour le partager avec un public plus large.

>> Samedi 19 mars 2005

- « Trafic » de Jacques Tati
Séances 14h10, 16h20,  18h30

- « Prénom Carmen » de Jean-Luc Godard
Séance à 20h30 suivie d'un débat avec Catherine BREILLAT.
Sous réserve : Alain BERGALA (universitaire à Paris III)

Thème : "La Nouvelle Vague et après, héritage impossible? », Godard, la Nouvelle Vague et « la politique des auteurs » chère aux Cahiers, est-ce un héritage transmissible à de nouvelles générations de cinéastes et à des spectateurs cinéphages ou non ? En quoi la réflexion de Daney aide à penser cette question ?
  

AXE 3 : LE CINEMA, LES ARMES DE LA CRITIQUE
Daney, journaliste, zappeur et chercheur


Le cinéma enfin comme arme critique pour appréhender l’audiovisuel :  « Stalker » de Andrei Tarkovski, « Van Gogh » de Maurice Pialat, « AK » de Chris Marker, « Dodeskaden » de Akira Kurosawa, « Qu’est-ce que l’acte de création ?», conférence à la FEMIS de Gilles Deleuze, « Jacques Rivette, le veilleur » de Claire Denis avec Serge Daney, « Nick’s movie » de Wim Wenders, film hommage d’un cinéaste européen à un maître américain, une sorte de réflexion sur l’état du cinéma et ses pouvoirs de représentation.

>> Dimanche 20 mars 2005

- « Stalker » de Andrei Tarkovski
Séances 13 et 16 heures.

 - « Nick's movie » de Wim Wenders
Séance à 19h30 suivie d'un débat avec Bernard EISENSCHITZ (spécialiste de Nicholas Ray)
Sous Réserve : Jean HATZFELD (pages Rebonds Libération)

Thème : « Nick’s movie » : une sorte de réflexion sur l’état du cinéma et ses pouvoirs de représentations. En quoi la façon d’appréhender ce film de Wenders, de la part de Daney, ouvre des perspectives insoupçonnées sur le devenir du cinéma ? Comment un cinéaste allemand de la vieille Europe  filme la « fin » de son maître américain, Nicholas Ray, rebelle et insoumis minoritaire dans son propre pays, les Etats-Unis ?
A partir de la démarche de Wim Wenders, aller au delà et déboucher sur une question partagée avec Serge Daney : la critique des médias de l’intérieur du cinéma, est-ce possible ? Le devenir audiovisuel du monde et la place du cinéma ?

>> Lundi  21 mars 2005

- « AK » de Chris Marker
Séance 11h30.

- « Dodeskaden » de Akira Kurosawa
Séance 13h, 15h40, 18h

- « Qu'est-ce que l'acte de création ? » par Gilles Deleuze
  (les 22 premières minutes)
+ « Jacques Rivette, Le Veilleur » de Claire Denis et Serge Daney


Séance à 20h30 suivie d'un débat avec Claire DENIS, Marc NICOLAS de la FEMIS, des étudiants de la FEMIS, Emmanuel BURDEAU des Cahiers du cinéma.

Thème : L'acte de création cinématographique à l'ère audiovisuelle. Etre cinéaste hier et aujourd'hui. Le devenir minoritaire d'un art majeur du XX ème siècle à l'heure de la massification audiovisuelle.
- Qu’apporte la réflexion de Serge Daney sur les tournages ? Il a souvent dit l’inutilité des reportages sur le tournage, un moment de la fabrication du film où le journaliste, le critique ne voit rien. Pourtant il a fait des reportages sur des tournages et ce film sur Rivette, revisitant ses lieux de filmage et éclairant sa méthode. Qu’ont vu Serge Daney et Claire Denis en filmant ainsi Rivette ?
- L’acte de création cinématographique à l’ère audiovisuelle; être cinéaste, est-ce un métier qui s’apprend ? 

>> Mardi 22 mars 2005

- « La messe est finie » de Nanni Moretti
 Séances 14h10, 16h10,  18h10

- « Van Gogh » de Maurice Pialat
Séance à 20h30 suivie d'un débat avec Serge TOUBIANA (Directeur de la Cinémathèque), Samra BONVOISIN (spécialiste de Pialat) et le fondateurs de Trafic, Patrice ROLLET.
Sous réserve : Pascal MERIGEAU du Nouvel Obs.

Thème :
Que nous dit, que peut pour nous le cinéma, dépositaire du regard et de la souffrance, aujourd’hui ? Au-delà de « Van Gogh », dernier film vu par Daney en salle (et sur lequel il a écrit dans le numéro 2 de Trafic), quels sont les fondements de la création de Trafic, revue de réflexion au long cours sur le cinéma, détachée de toute relation (médiatique) avec l’immédiateté de l’actualité ?


Conclusion avec Serge Toubiana : Daney et la transmission, le cinéma au musée aujourd’hui : comment conserver, montrer les films ?