Eric Viennot, créateur de la série In Memoriam et de la série de jeux pour enfants Les Aventures de l'oncle Ernest à eut l'amabilité de répondre à quelques unes de nos questions à l'occasion de la sortie du second opus de la série
In Memoriam, Le Dernier Rituel.
N'étant pas directement issus du milieu vidéoludique, que voulez-vous apporter à ce domaine avec la série In Memoriam?
Dans la plupart des jeux vidéo, le joueur incarne un personnage virtuel. Il faut qu’il accepte cette illusion. Et parfois ce n’est pas évident de s’identifier à un personnage en 3D, même très bien modélisé. Dans In Memoriam le joueur joue son propre rôle et cela apporte une très grande différence. Il surfe sur de vrais blogs, il reçoit de vrais e-mails, il trouve des infos ou des indices sur de vrais sites (Libération.fr par exemple). L’illusion est telle qu’il peut très vite se prendre pour un véritable détective. Tout cela le place donc au centre d’une histoire dont il a vraiment le sentiment d’être le héros. A tel point que certains joueurs se relèvent la nuit pour voir s’ils n’ont pas reçu de nouveaux e-mails. Cette série, à mi-chemin entre cinéma et jeux vidéo, tente donc d’inventer un nouveau genre de narration interactive, une nouvelle forme d’expérience vidéo ludique qui se confond avec la réalité.
In Memoriam lors de sa sortie avait apporté beaucoup de nouveautés dans le domaine du jeu vidéo, et notamment le fait d'intégrer réellement le joueur au sein de son aventure; qu'apporte le Dernier Rituel en terme d'intéractivité ? Le concept a-t-il répoussé ses propres limites ?
Le concept va encore plus loin en intégrant le téléphone. En plus des mails, les joueurs ont cette fois la possibilité de recevoir des SMS directement sur leur téléphone mobile. Mais on va encore plus loin avec ce second volet, puisqu’on permet même aux joueurs de dialoguer par téléphone avec certains personnages du jeu ! Tout cela rend l’histoire encore plus crédible et donc le jeu encore plus prenant.
Beaucoup de jeux vidéos depuis quelques années maintenant misent avant tout sur l'aspect graphique, des personnages modélisés en 3D, toujours plus proche du photoréalisme, pourquoi avoir adopté le parti prit d'un graphisme sortant des sentiers battus?
Le graphisme d’In Memoriam est en 2D ; cela ne l’empêche pas d’être très élaboré et esthétiquement très raffiné (les graphismes du jeu ont été d’ailleurs primés à Los Angeles lors d’une exposition consacrée à l’esthétique des jeux vidéo). Ce parti pris, comme celui d’avoir des acteurs véritables plutôt que des personnages en 3D, est là aussi pour rendre le jeu plus crédible. Il s’agit de « rentrer » en quelque sorte dans l’esprit torturé d’un serial killer fait de collages, de photos et de dessins, et non pas dans un univers factice en 3D. Cela permet aussi d’être plus cohérent avec les recherches que les joueurs doivent faire sur Internet qui représentent la moitié du temps de jeu.
Nous le savons tous, aujourd'hui jeux vidéo et cinéma tendent de plus en plus à se rapprocher, d'après vous quelle direction inexplorée jusqu'a aujourd'hui emprunteriez-vous pour réussir à créer une harmonie quasi-parfaite entre ces deux médias ?
Les jeux vidéo influencent de plus en plus le cinéma et la télévision. On peut constater par exemple que la narration des séries télés est de plus en plus morcelée. Internet apporte aux auteurs de série TV de nombreuses possibilités à explorer. Mais à mon avis, la fusion dont vous parlez partira du jeu vidéo. On le voit, celui-ci intègre progressivement les éléments du cinéma, mais en les enrichissant avec l’interactivité, un peu comme le cinéma a intégré certains éléments du théâtre il y a un siècle. Je n’ai jamais cru au cinéma interactif tel qu’il était imaginé il y a quelques années ; cette idée d’un cinéma dans lequel les spectateurs puissent influer sur le cours de l’histoire avec une télécommande par exemple. Ce que j’ai cherché à faire avec In Memoriam c’est d’abord de faire un jeu extrêmement réaliste. L’état de représentation actuel des jeux vidéo ne me permettait pas de le faire. Je me suis donc tourné naturellement vers l’image filmée. In Memoriam s’approche donc de cette fusion que vous évoquez mais un peu malgré lui finalement. Le résultat fascine d’ailleurs encore plus les gens de télé ou de cinéma que les professionnels du jeu vidéo parce que ceux là découvrent aujourd’hui à travers In Memoriam la force que peut apporter une histoire interactive par rapport au récit linéaire classique. Ce que les créateurs de jeux vidéo connaissent depuis déjà 30 ans.
Pensez-vous offrir une suite à la série In Memoriam, ou dériver sur d'autres projets ayant attrait au milieu vidéoludique ?
Avant In Memoriam, j’ai créé une série de jeux pour les enfants qui s’appelle les aventures de l’Oncle Ernest, un univers plus tendre, destiné à un public plus familial vers lequel j’aimerais de nouveau me tourner. Mais je n’ai pas encore de projet précis. Mon objectif c’est de parvenir à rendre les jeux vidéo accessibles au plus grand nombre, parce que je suis persuadé qu’ils peuvent offrir à tous de nouvelles formes d’émotions.
Interview réalisé le 26 septembre 2006 par Pierre Dubarry. Nous remercions chaleureusement Eric Viennot d'avoir répondus à nos questions, ainsi que Mathilde Daures.
Notre critique de In Memoriam le Dernier Rituel
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