Titre : Martin Scorsese (en toute simplicité)
Auteurs : Nicolas Schaller et Alexis Trosset
Éditeur : DarkStar
Édition collector limitée à 2000 exemplaires
ISBN : 2-914680-07-4
Code barre : 9782914680073
(je me demande vraiment si les deux infos précédentes vous serviront, mais bon)
Sorti le 10 septembre 2004
Prix : 45€
Nous voilà donc avec un bien beau livre sur le cinéma. Ça m’a toujours un peu étonné : le cinéma, c’est d’abord un cocktail magique d’images en mouvement et de son. Comment rendre tout cela dans un livre ? Mais il faut avouer que le jeu en vaut la chandelle : Martin Scorsese est un sujet de choix. Sans être vraiment fan, le récapitulatif de son œuvre, riche en films auxquels je n’ai pas totalement accroché mais qui marquent tout de même, est impressionnant. Laissez-moi vous le rappeler. Après les courts-métrages What’s a nice girl like you doing in a place like this ? (1963), It’s not just Murray (1964) et The Big shave (1967), Martin Scorsese passe au long métrage avec le fameux Who’s knocking at my door ? (1969), suivi du plus confidentiel Bertha Boxcar (1972), avant de connaître le succès critique (à Cannes notamment) avec Mean Streets (1973). Après Alice n’est plus ici (1974), son premier succès public, chacun de ses films fait sensation, au moment de sa sortie comme Taxi driver (1976), palme d’or à Cannes, ou plus tard comme New York New York (1977) et surtout Raging bull (1980).
Après la comédie La Valse des pantins (1983), échec critique et public, Scorsese se rattrape avec After hours (1985) qui obtient le prix de la mise en scène à Cannes. Un film de commande, La Couleur de l’argent (1986), lui permet d’obtenir le financement suffisant pour le projet qu’il souhaitait réaliser depuis longtemps : La Dernière tentation du Christ (1988). Après un segment dans le film New York stories (1989), il attaque les années 90 avec le mythique Les Affranchis (1990). Enchaînant avec un remake qu’il s’est approprié, Les Nerfs à vif (1991), il touche ensuite au drame historique, Le Temps de l’innocence (1993), au film de mafieux (à nouveau), Casino (1995), à l’expérience mystique, Kundun (1997), au thriller moderne, À tombeau ouvert (1999), et enfin au morceau d’histoire, Gangs of New York (2002). En attendant The Aviator, qui sortira en France début 2005 et retracera la vie du magnat Howard Hughes joué par Di Caprio, avec Cate Blanchett en Katharine Hepburn, Kate Beckinsale en Ava Gardner, et Jude Law en Errol Flynn, excusez du peu d’ambition.
Que vous aimiez ou pas tous ces films (ou que vous les aimiez tous, ou que vous n’en aimiez aucun), impossible de nier leur diversité et l’ambition de leur réalisateur. Les auteurs du livre sont d’ailleurs en transe du début à la fin, adulant leur idole à chaque occasion. À les entendre, personne ne filme comme Martin, personne n’arrange la musique comme Martin, personne ne recrée l’atmosphère d’une ville comme Martin. On se demande bien ce que font les autres réalisateurs. C’est une des premières limites du livre : à l’image des making of de DVD où tout le monde s’envoie des fleurs et se congratule, le ton résolument dithyrambique peut finir par lasser et énerver si vous n’êtes pas aussi dévoué à la carrière de Scorsese. Même si on comprend bien que c’est cette passion qui les a conduit à écrire ce libre, un peu plus d’objectivité de ton n’aurait pas fait de mal. Mais je m’emballe, et après avoir détaillé la carrière de Scorsese, laissez-moi vous présenter le livre.
Martin Scorsese (le livre) se présente comme solidement chronologique. La vie du réalisateur est découpée en quatre périodes : " De la petite Italie au grand écran " pour les années 1942-1973, " Scorsese et le nouvel Hollywood " pour 1974-1980, " Les Années indéfinies " pour 1981-1989, et enfin " La Mémoire dans la peau " pour 1990 à 2004. Chaque période est introduite par une relation de sa vie professionnelle et un peu de sa vie personnelle, pour replacer les films dans leur contexte. Puis chaque film est disséqué, images et comparaison avec ses autres films à l’appui. On finit par une galerie de portraits des personnes importantes dans la vie de Scorsese. Comme vous pouvez le comprendre, le film n’est pas une biographie de Scorsese (cette partie est très rapide, bien que plaisante et riche en anecdotes, comme le fait que c’est Scorsese qui a réalisé le clip de Bad pour Michael Jackson), ni un livre d’entretiens, mais plutôt un livre d’analyse et de dissertation de son œuvre. Et si ça fait trop à lire, il reste toujours les très nombreuses photos, photos d’archives d’un Scorsese rigolard à côté de John Cassavetes ou d’un Scorsese encore barbu, et photos extraites de ses films.
Revenons quelques minutes au livre lui-même, en tant qu’objet tangible et pesant. Pour jouer les Patrick et Sophie (de la pub pour la FNAC, celle qui était marrante la première fois et qui donne maintenant envie de jeter une machine à écrire à travers l’écran), il s’agit d’un livre rectangulaire de 24,5 centimètres sur 32, comportant 256 pages reliées dans l’ordre et numérotées pour une grande partie, avec une couverture en carton dur très esthétique, et des couleurs qui explosent à toutes les pages. C’est souvent l’habitude pour les livres de cinéma, et celui-là ne déroge pas à la règle, c’est un bien bel objet à mettre dans une bibliothèque. Mais si vous souhaitez également le lire, voici mon avis (non autorisé, n’étant ni habitué aux livres sur le cinéma, ni fan de Scorsese) sur cet ouvrage.
Ce livre s’adresse à une population extrêmement précise. Aux personnes qui aiment le cinéma de Scorsese et souhaitent le disséquer pour retrouver les thèmes récurrents, les obsessions du réalisateur, les clins d’œil et hommages et reprises d’autres plans dans ses films. Bref, ceux qui cherchent la parfaite explication de texte de ses films. Le tout, sans les films eux-mêmes puisque nous sommes dans un livre. Il faut donc bien connaître les films, ou les avoir sous la main, pour saisir toutes les explications. Et on sent un peu le côté scolaire de l’affaire, avec biographie réglementaire juste suffisante pour éclairer chaque film par rapport à la vie du réalisateur, avec comparaison d’un type de plan tout au long de ses films, avec découpage visuel et sonore des scènes clés. En bref, en oubliant un peu chaque film dans sa totalité et son plaisir cinématographique pour ne se consacrer qu’à leur découpage. Il manque un peu aussi la présence de Scorsese dans ce livre. Une présence pour ce livre, je veux dire. On y trouve un nombre impressionnant de citations du réalisateur, mais tirées d’autres ouvrages, de magazines, de commentaires de DVD, mais pas d’entretien direct, pas de questions-réponses, juste un travail d’écolier très bien documenté et très appliqué. Un vrai must pour les fans de cinéma et de Scorsese qui veulent comprendre chaque plan, un livre plus dispensable pour les amateurs simples de cinéma qui ne tiennent pas à ce qu’on leur explique la symbolique de chaque virgule graphique, même si les nombreuses photos peuvent le rendre tout de même attractif.
Sébastien Keromen